Soumis à la torture par une étrange et dangereuse maladie, Samuel Pruvot, père de famille, journaliste et chrétien engagé, raconte son calvaire comme « une expérience fondatrice ».
Deux ans et trois mois déjà. C’est dans la semaine de Noël 2012 que les premières atteintes de son mal se sont manifestées, alors que ce chrétien convaincu et engagé (rédacteur en chef à Famille Chrétienne, il est aussi membre de la communauté apostolique Aïn-Karem) se trouvait avec sa famille à Jérusalem. Ce matin-là, il se rendait au Saint-Sépulcre, sans se douter que ses pas dans la « Via dolorosa » étaient les premiers d’un interminable chemin de croix. Oh, encore rien de très douloureux à ce stade : des brûlures, des rougeurs, d’étranges zébrures sur sa peau, des symptômes étranges mais pas dramatiques de prime abord.
Une longue traque
De retour à Paris, les troubles augmentent. Rougeurs, mains enflammées, grande fatigue, souffle court. Les premiers médecins consultés – dans la région parisienne et jusqu’en province – donnent leur langue au chat. Une véritable traque policière commence avec finalement ce verdict : dermatomyosite, une maladie rare, « orpheline », une pathologie de la peau et des muscles. « C’est elle qui s’amuse à peindre sur mon corps des érythèmes avec son pinceau magique. Elle m’a transformé en Peau-Rouge ! »
Un « amusement » barbare qui martyrise tout l’organisme. Ou plutôt c’est lui qui se torture tout seul avec une sorte de délectation perverse, masochiste : la dermatomyosite est une maladie auto-immune. Peau, muscles, viscères, poumons, cœur… rien n’est épargné. Ces agressions multiples et polymorphes ont abonné Samuel Pruvot aux séjours plus ou moins longs dans divers hôpitaux, avec des épisodes dramatiques aux urgences quand des organes vitaux étaient agressés. Un pneumothorax, en particulier, a nécessité un passage par la case réanimation et plusieurs hospitalisations qui l’ont tenu éloigné de sa femme et de leurs cinq enfants.
Comme Ulysse ou plutôt comme Job
C’est son Odyssée avec cette hydre que raconte ce nouvel Ulysse. Avec humour, avec foi, il nous embarque dans cette « expérience fondatrice ». On dévore ce témoignage d’une traite, saisi, horrifié, ému. Mais il y a chez Samuel une autre dimension qui l’apparente à Job : « En une année, je suis passé de la tragédie au drame », dit-il. Le drame, ce n’est plus de la fatalité aveugle, c’est « l’intervention de Dieu dans le monde » (Hans Urs von Balthazar), c’est une action. Nu, dépouillé de tout ce qui faisait son bonheur de jeune père de famille à la santé de fer, il lui reste l’essentiel : la foi, l’espérance et la charité. L’anneau qui brille à son doigt, le seul vêtement dont le règlement médical n’est pas parvenu à le dépouiller, lui rappelle à toute heure du jour et de la nuit qu’il n’est pas seul dans son combat. Symbole de l’amour plus fort que la mort, « l’or se révèle plus pur et plus jeune que le jour des noces ».
Peau-Rouge, Journal de guerre d’un grand malade par Samuel Pruvot, Salvator, 143 pages, 16 €.