Cette carmélite vit en Syrie, dans un monastère aux premières loges du conflit qui déchire le pays. Aleteia a assisté à sa conférence à Paris.
Parmi tous les récits de mère Agnès-Mariam, s’il fallait n’en retenir qu’un ce serait peut-être celui-ci. Trois longues journées qui sont à l’origine de la nomination de la religieuse syrienne pour le prix Nobel de la paix.
En octobre 2013, Muadamiyat, petite ville située à quelques kilomètres de Dams, est occupée par les forces rebelles, modérées… et moins modérées. Parmi les bataillons présents, figure le sinistre al-Nosra, connu pour ses nombreuses exactions. Assiégés par les forces loyalistes, les militaires rebelles refusent de se rendre et la population meurt de faim.
Mère Agnès-Mariam, en contact avec des habitants, décide de réunir une aide alimentaire d’urgence pour leur porter secours. La religieuse apprend que les civils s’organisent en vue d’une évacuation, mais sont finalement interdits de passage par les soldats. Après de longues heures à attendre à plus d’un kilomètre de la ville, aucune réponse ne vient. « N’y tenant plus », raconte-t-elle, la carmélite se lance. Déterminée, elle fait démolir au bulldozer la barricade de terre qui la sépare de la route et s’engage, drapeau blanc à la main, vers Muadamiyat. Elle sait pourtant, qu’au moins 12 combattants qui n’ont pas accepté le cessez-le-feu, l’ont en ligne de mire. « Tant pis, si je suis "tirée" par les snipers », se dit-elle alors.
Opération réconciliation réussie
La religieuse syrienne est finalement rejointe par des négociateurs. Ensemble, ils pénètrent dans les rues de la ville. Les photos que mère Agnès-Mariam diffusent ensuite, parlent d’elles-mêmes : les gens sont faméliques. « À ce moment, j’ai pleuré parce que ces gens-là "crevaient", ils ne mangeaient plus que des olives. »
Elle se rend ensuite au quartier général rebelle et remarque que ces derniers sont très divisés, en particulier entre l’armée syrienne libre et le bataillon djihadiste Jubhat al-Nosra. Si elle est bien accueillie par les premiers, les autres plus radicaux décident de la prendre en otage. Après un combat de rue gagné par les rebelles plus modérés, mère Agnès-Mariam est finalement libérée. Désormais protégée, elle peut mettre en place l’évacuation : elle réunit pas moins de 6 500 femmes, enfants et vieillards qui finissent par quitter définitivement la ville.
Au bout de ces trois jours épiques, c’est aussi 650 rebelles qui ont tenu à se rendre à l’armée loyaliste, touchés par cette opération de réconciliation menée par la consacrée. Cette mission est un succès pour mère Agnès-Mariam qui se félicite devant un public parisien médusé : « Nous sommes fiers, nous avons été protégés par le Ciel ! ». Un succès humanitaire repris par différents médias à travers le monde, dont la BBC, mais aucun ne mentionne celle qui en est à l’origine : une carmélite entêtée, fabuleusement animée par la foi.