En plein territoire contrôlé par l’État islamique, des hommes tentent de sauver des pièces vouées à la destruction ou à la revente sur le marché noir.
Les services de renseignements irakiens, cités par le Guardian, avancent que le pillage de la région d’al-Nabuk, à l’ouest de Damas, aurait à lui-seul rapporté à Daesh 36 millions de dollars. Ce trafic est devenu une source de financement importante pour ces terroristes, la deuxième en réalité, juste après les revenus pétroliers. Et ces pratiques mettent gravement en péril le patrimoine du pays.
Un carnet de notes, un appareil photo et un téléphone : l’arsenal de Ahmed Salem n’a en principe pas de quoi faire trembler Daesh. Pourtant, sa mission, rapportée par Mother Jones, pourrait lui valoir une condamnation à mort, car il recueille les preuves des destructions par l’organisation terroriste de la mémoire de l’Irak. Cet archéologue de 28 ans dénonce en particulier le commerce des œuvres d’art, moins visible que les destructions au marteau, mais non moins massif. De son côté, un universitaire américain spécialiste du Moyen-Orient, Amr Al-Azm, demande que l’achat d’œuvres venant de Syrie soit interdit. Il sait que le travail de son équipe clandestine est risqué, mais ses partenaires acceptent le risque encouru. « Si vous détruisez l’héritage culturel syrien, assure-t-il, vous détruisez la seule chose qui nous restera pour soigner ce pays quand la guerre sera finie. »
Un réseau clandestin
« Salem » n’est pas le vrai nom de ce jeune homme qui risque sa vie au côté d’un réseau de sauvegarde du patrimoine irakien. Amr Al-Azm dirigeait les recherches archéologiques du Département général syrien des antiquités et musées. Il centralise les informations qui lui parviennent des zones occupées et explique : « Nous devons être attentifs, en particulier avec Daesh. Le trafic d’œuvres d’art représente beaucoup d’argent et un royaume souterrain criminel, ce ne sont pas des enfants ».
Or la Syrie, et en particulier sa région orientale comprise dans le pays « entre les deux fleuves », littéralement la Mésopotamie, recèle des trésors. C’est une partie du Croissant fertile où furent répertoriées les premières traces d’agriculture et d’écriture. Les sièges d’Homs et d’Alep ont détruit partiellement des villes classées au patrimoine de l’Unesco. Mais la nouvelle menace que fait peser le pseudo État islamique est plus grave encore. Ces djihadistes méprisent l’art, et dans les territoires occupés, tout ce qui n’est pas vandalisé est vendu au marché noir. Le groupe encourage ses fidèles à piller et à revendre les œuvres en échange d’une taxe prélevée par l’État islamique. Certaines pièces comme celles de l’art islamique du XIVe au XVIe siècle, ainsi que les métaux précieux, sont taxées selon un plus haut pourcentage ou carrément confisquées.