Selon le patriarche chaldéen de Babylone, Mgr Louis Sako, une véritable situation d’urgence humanitaire touche son pays.
Outre les méfaits du soi-disant État islamique (EI), qui perpètre des massacres « d’êtres humains, de monuments, de civilisation », comme le rapporte Mgr Sako, l’actuelle offensive de l’armée irakienne et des milices chiites menace la population vivant dans les zones de combat. Le patriarche décrit « le déracinement de milliers de familles qui fuient vers l’inconnu sans qu’ait été activé sur place un plan organisé d’assistance ». Il en appelle donc à la communauté internationale et lui demande « d’agir au plus vite pour protéger les civils innocents et leur offrir de l’aide en matière de logement, de nourriture et de médicaments ».
Contre-offensive risquée à Tikrit
Les djihadistes apportent avec eux le fléau absolu pour un pays, la guerre civile. Elle menace de se concrétiser durant l’offensive que mène l’armée irakienne sur la ville de Tikrit. Les chiites sont majoritaires parmi les troupes qui tentent de reprendre la ville tenue par les djihadistes du pseudo État islamique. Or ces derniers ont massacré 1 700 prisonniers chiites lors de la prise de la ville en juin 2014. Ceux qui les assaillent risquent de se montrer impitoyables s’ils reprennent la ville, et ils pourraient même s’en prendre à la population sunnite, jugée complice de Daesh. Les combats et la crainte de nouveaux massacres poussent sur les routes des milliers d’exilés, alors que l’hiver n’est pas fini et que rien n’est prévu pour leur venir en aide.
Un exilé parle des exilés
Mgr Sako compatit en vérité, et par expérience, à l’épreuve des habitants de Tikrit et des alentours qui fuient les combats. Sa famille s’était installée à l’extrême Nord de l’Irak, à Zakho, pour fuir la violence des Ottomans. Ordonné prêtre à Mossoul, prise par Daesh, il est devenu archevêque de Kirkouk, ville tenue par les Kurdes, qui a subi de violents assauts de l’EI. Il a ensuite été élevé au rang de patriarche de Babylone et de primat de l’Église chaldéenne. Son parcours est représentatif de sa communauté assyro-chaldéenne. Fils d’une famille nombreuse de paysans, ils vivaient parmi les Kurdes qui les appelaient fellah. Fellah en kurde signifie à la fois « paysan » et « chrétien », tant il est admis que les chrétiens sont ceux qui cultivent la terre. Ils étaient ancrés dans le paysage et la catastrophe qui se profile pour l’Irak pourrait mettre un point final à une présence plus que millénaire.
Un Irak divisé en trois… sans chrétiens ?
Il s’agit d’une vieille idée défendue par l’état-major américain et révélée par le lieutenant-colonel Ralph Peters : diviser l’Irak en trois zones ethniques : chiites, sunnites et Kurdes. Or cette division ne se ferait pas sans frictions, dont pâtissent en premier lieu les minorités. Sur le terrain, le risque de voir le conflit dégénérer en guerre civile entre les trois parties de l’Irak existe bien, et comme le disait Mgr Sako dans un entretien précédent. « Quel que soit le vainqueur, nous serions les perdants ». L’État islamique n’a cessé de souffler sur les braises, médiatisant les massacres de chiites, et le clergé irakien supplie ses concitoyens de ne pas tomber dans son piège… Par exemple en n’accueillant pas les réfugiés de la bataille de Kirkouk sous prétexte qu’ils sont majoritairement sunnites et qu’ils appartiennent à une ville qui fut le fief de Saddam Hussein.