Menaces, enlèvements… Même une fois libérés, la crainte toujours là…
Des chrétiens qui ont été capturés dans les villages du Nord-Est de la Syrie, le mois dernier, ont été priés avec insistance de se convertir à l’islam par leurs ravisseurs de l’auto-proclamé État islamique. Ils ont été menacés, s’ils retournaient dans leurs villages le long du fleuve Khabour et que le soi-disant État islamique les enlevait à nouveau, d’être tués et leurs femmes asservies, explique l’un des captifs libéré par la suite.
C’est le 23 février 2015 que les militants du prétendu État islamique ont attaqué 35 villages assyriens le long du fleuve, capturant de 262 à 373 Assyriens, selon les sources. Le 1er mars, ils en relâchaient 19 de ceux enlevés dans le village de Tel Goran, et le 3 mars, deux autres. L’Agence internationale assyrienne (AINA) a interviewé l’un des captifs, qui se trouvait dans la ville de Hassaké. Sous le pseudonyme de Robert, l’AINA a publié une transcription de la conversation téléphonique. Robert a raconté que le groupe de prisonniers a été amené au mont Abdul Aziz, où ils ont passé la nuit dans deux petites pièces.
Robert : Ils nous ont demandé de nous convertir à l’islam.
C’est la première chose qu’ils vous ont dite ?
Robert : Oui, c’était leur idée, que nous devions nous convertir à l’islam.
Qui vous parlait ?
Robert : Beaucoup d’hommes barbus, et chacun d’entre eux nous demandait de nous convertir à l’Islam.
Combien étaient-ils ?
Robert : Ils étaient très nombreux. Tous nous nous parlaient dès qu’ils nous voyaient.
Qu’est-il arrivé ensuite ?
Robert : Nous avons passé la nuit là-bas. Dans la matinée, ils ont amené les voitures et nous ont conduits pendant environ quatre heures dans les montagnes.
Quelles montagnes ?
Robert : Vers Tur Abdin (au Nord, Tur Abdin est une ville assyrienne en Turquie, ndlr). Ils nous ont répartis dans deux maisons.
Combien de temps êtes-vous restés ?
Robert : Pendant cinq jours, jusqu’à ce qu’ils nous relâchent.
Lorsque vous êtes arrivé là, qu’a dit et fait l’EI ?
Robert : Ils ont fait pression sur nous pour nous convertir à l’islam, c’était leur obsession. Mais nous n’avons pas été maltraités.
Lorsque l’EI vous a demandé de vous convertir à l’islam, quelle a été votre réponse ?
Robert : Que nous ne voulions pas nous convertir. Ils ont dit que nous devions alors payer la jizya (impôt de capitation pour les chrétiens, ndlr) ou quitter le pays. C’est le choix qui nous était proposé. Nous avons répondu que nous allions payer la jizya, mais que nous ne nous convertirions pas.
À combien se montait la jizya ?
Robert : Cette fois, ils ont dit qu’ils ne percevraient pas la jizya parce que nous n’avions pas combattu contre eux. Mais qu’ils nous relâcheraient à condition que nous ne revenions pas dans notre village. Et que si nous y retournions et étions capturés à nouveau, ils nous tueraient sans autre option. Ils décapiteraient les hommes et asserviraient les femmes.
Robert a raconté que, lors de leur libération, Daesh a embauché un chauffeur, qui a amené le groupe à l’église Sainte-Marie à Hassaké. L’église était déjà pleine de réfugiés des villages assyriens. Ils avaient pensé, a ajouté Robert, qu’ils ne sortiraient pas vivants de cette épreuve, et ils ont été soulagés d’être libérés. Mais l’expérience l’a tellement secoué qu’il est convaincu que les réfugiés ne pourront pas retourner dans leurs villages.
Robert : Nous ne pouvons pas revenir dans notre village. Nous allons très bientôt nous rendre au Liban.
L’ensemble des 21 personnes de votre groupe ?
Robert : Pas seulement nous, tous les Assyriens. Khabur est maintenant vide. Tout le monde envisage de partir.
Que va faire votre famille ?
Robert : Nous allons nous rendre au Liban. Impossible de retourner à Tel Goran, car l’EI occupe le village, volant et pillant nos maisons.
Seulement à Tel Gouran ou dans d’autres villages également ?
Robert : Tous les villages : Tel Goran, Tel Shamiran, Tel Tawal, Tel Hurmiz et tous les autres.
L’EI est sur la rive sud de la rivière, et les combattants kurdes et assyriens sur la rive nord ?
Robert : Oui. Il ne reste plus aucun civil assyrien dans toute la région.
Adapté de l’anglais par Élisabeth de Lavigne