Lors de son tout dernier déplacement, en Asie, le Pape a rendu une visite surprise aux enfants des rues de Manille. Une sœur de la Communauté du Chemin Neuf raconte ce monde vu de l’intérieur.
Paulina Pasternak, sœur de la Communauté du Chemin Neuf partie dix jours en tournage dans les bidonvilles de Manille, en mai 2014, témoigne de ce qu’elle a vu et vécu sur place.
Une fois arrivés à Manille, la situation (la ville, la culture, la population…) a dû vous sembler bien loin de votre quotidien en France ?
Paulina Pasternak : La réalité est en effet profondément différente mais paradoxalement, elle nous rejoignait tellement. Tout nous interpellait et nous bousculait. Par exemple, lorsque je marchais dans la rue, en ville, parce que je suis une femme blanche et religieuse, les enfants attrapaient très souvent ma main pour la mettre sur leurs fronts, car cela est vu comme une bénédiction. Le contact physique est très simple aux Philippines… Au final, la misère frappe mais n’impressionne pas, parce que ces enfants transmettent autre chose que « Je suis malheureux de ma misère ».
Y a-t-il un moment fort particulier que vous gardez de ces dix jours ?
P.P. : Nous sommes arrivés à Manille alors qu’un des grands bidonvilles de la ville était rasé, car l’entreprise propriétaire avait d’autres projets pour ce terrain. Situé juste à côté de la décharge de la ville, où sont brûlés les déchets, cet endroit, appelé « Smokey moutain », était un lieu de vie pour des centaines de familles et personnes, qui ont été déplacées à plus de 20 kilomètres de Manille, faisant ainsi grandir leur précarité.
Le Père Matthieu Dauchez et l’association ANAK-Tnk, qui accompagnent beaucoup de ces habitants, avaient ainsi organisé une veillée d’adoration le dernier soir, une fois que tout avait été détruit par les bulldozers. Ce fut pour moi l’un des temps de prière les plus forts et importants de ma vie. Ce soir-là, à 18 h, l’atmosphère était grave mais priante, alors que ces gens venaient de perdre le peu qu’ils possédaient… Cette adoration en plein milieu de la vie, de la ville, était impressionnante, touchante et parlante. Tout d’abord le décor, sur ces ruines de bidonvilles, à côté de cette décharge, alors que certains étaient en train de récupérer des matériaux pour reconstruire ailleurs. Puis le public, les anciens habitants, surtout des mamans et des enfants (certaines avaient d’ailleurs lavés leurs enfants, malgré la saleté ambiante, exprès pour ce temps de prière), c’était comme aller au bout du monde. Cela reste pour moi une image forte de Jésus qui descend dans les entrailles de la Terre.
Retrouver cet entretien sur le site de l’association ANAK-Tnk