Jeudi 5 février, Cheyenne-Marie Carron a dû se rendre au commissariat de Gagny (Seine-Saint-Denis). Elle fait pour Aleteia le récit de ce qui s’est passé.Cette histoire surréaliste commence par un simple détail. Lequel ?
Cheyenne-Marie Carron : Durant 20 secondes de mon film, on voit, à l’arrière-plan d’une scène, le haut d’une maison. Rien ne permet d’identifier ce bâtiment, mais sa propriétaire m’a appelée au téléphone pour se plaindre de ce que je lui faisais courir le risque d’attentats terroristes. Elle hurlait, et m’a réclamé un dédommagement financier. J’ai répliqué en publiant cette histoire sur ma page Facebook : « À la scène de fin de mon film L’Apôtre, j’ai filmé les deux personnages principaux… et le bout d’une maison en arrière-plan. Il n’y avait pas de feuillages sur les arbres, car c’était l’hiver. La propriétaire de cette maison, Madame X, vient de m’appeler en me menaçant de m’envoyer son avocat, et elle me demande de l’argent… ».
Et c’est cette publication qui vous a valu votre convocation ?
C.-M. C. : Oui, une semaine après le dépôt de plainte de cette dame, j’ai reçu une lettre m’enjoignant de me rendre au commissariat. Je suis extrêmement surprise de voir avec quelle rapidité les policiers ont répondu à cette demande. Je connais des exemples de plaintes déposées pour des cas bien plus graves qui finissent en simples mains courantes. Là, il s’agit d’une femme manifestement persuadée que, parce qu’elle est de confession juive, elle est la cible de toutes les persécutions. Les forces de police ne lui rendent certainement pas service en rentrant dans son jeu, en cautionnant sa paranoïa !
Pensez-vous que, dans le contexte actuel, le sujet de votre film explique en partie cette convocation express ?
C.-M. C. : J’espère que non. C’est très injuste car ce film qui parle de réconciliation et d’amour, réalisé avec un budget minimum et des bénévoles, ne me vaut que des ennuis ! D’abord les interdictions pour « risque terroriste », maintenant ça… Il n’y a rien dans mon film qui soit fait pour blesser les croyants, quels qu’ils soient. Précisément, dans la scène incriminée, où l’on voit la maison de cette dame en arrière-plan, c’est une réconciliation que je mettais en scène. Les deux frères, le musulman et le chrétien converti, prient ensemble… J’ai crié « Alléluia » quand cette séquence a été filmée ! J’aurais aimé que cette dame soit fière de voir sa maison apparaître dans une scène comme celle-ci. Au lieu de cela, je me suis retrouvée, à cause d’elle, photographiée de face et de profil, comme les criminels, puis auditionnée pendant trois heures. Une consolation tout de même : les policiers m’ont dit qu’ils regarderaient mon film après l’audition.
Pensez-vous que le jugement puisse vous être défavorable ?
C.-M. C. : Je ne jure plus de rien. Ma France, celle qui m’a accueillie alors que j’étais une enfant abandonnée, est devenue folle. Cette affaire, comme les précédentes, m’inquiète pour l’état de notre pays, l’état de psychose des gens.