Des projections du film l’Apôtre, de Cheyenne-Marie Carron, qui relate la conversion d’un musulman au christianisme, ont été annulées.« En prévention de risques d’attentats » les deux prochaines projections de L’Apôtre ont été supprimées à la demande de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), le 12 janvier au cinéma Le Village à Neuilly et le 23 janvier à la Salle Municipale de Nantes.
Cette décision ne manque pas de secouer les réseaux sociaux, avec notamment la mise en parallèle d’un autre film Qu’Allah bénisse la France autorisé et même largement diffusé lui, et qui raconte l’histoire de la conversion d’un jeune de banlieue à l’islam. Deux poids deux mesures ? Certainement dans les soutiens apportés à la réalisation : Cheyenne-Marie Carron a réalisé son film avec un budget minuscule, sauvée par un généreux donateur, mais par aucune institution publique. De son côté le générique de fin de Qu’Allah bénisse la France rappelle qu’il bénéficie de : France 2 Cinéma… avec la participation de France 2… en association avec la Banque postale… avec le soutien de la Région Alsace, de la Communauté urbaine de Strasbourg, du CNC…
Quel risque réel ?
Pourtant dans l’affaire présente des interdictions qui concernent L’Apôtre, le parallèle ne tient pas : il y a de toute évidence peu de risques de voir des attentats terroristes frapper les spectateurs de Qu’Allah bénisse la France. Quant au film de Cheyenne-Marie Carron, ce n’est pas complètement impossible, mais encore faudrait-il que les djihadistes aient un peu de culture cinématographique, car sa diffusion reste confidentielle.
Un parallèle plus juste serait le traitement apporté à L’Apôtre et à Charlie Hebdo : pourquoi interdire à l’un ce que l’on autorise à l’autre ? C’est une disproportion d’autant plus choquante qu’il n’y a rien dans L’Apôtre qui soit fait pour blesser les musulmans, alors qu’on ne peut pas en dire autant des dessins de Charlie… Le film, salué par des titres de presse aussi divers que La Vie, Le Monde et Le Canard Enchaîné, a conquis les critiques par sa justesse et son absence de manichéisme.
Une réalisatrice en colère
Cheyenne-Marie Carron, la réalisatrice, s’insurge : « À ma connaissance, il n’y a eu aucune menace contre ce film, on anticipe que la terreur peut arriver partout, n’importe où ! Si c’est vrai alors la France va mal… Le combat contre le terrorisme se gagnera par la création, par les films ou la poésie mais si on se tait par peur, alors la peur gagne » Elle est choquée de constater qu’elle n’est pas soutenue par les institutions : « Sur le terrain, nous prenons des risques pour porter haut l’intelligence du rapport au religieux, mais les gens de pouvoir, ceux qui auraient les moyens de faire entendre cette parole nous coupent l’herbe sous le pied ». Les acteurs qui ont joué dans son film, majoritairement de culture arabo-musulmane, soutiennent la réalisatrice. Fayçal Safi, face à certaines critiques accusant la réalisatrice d’avoir choisi son thème dans une optique de combat contre les musulmans assure : « Moi, en tant qu’acteur principal de ce film et de culture arabo-musulmane, je suis ouvert et heureux qu’on traite de sujets sensibles au cinéma. Et si cela peut faire progresser les choses, alors tant mieux ».