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OPINION. Charlie/islam : stop ou encore ?

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Philippe Oswald - publié le 16/01/15
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Le message de liberté d’expression face à « la religion » que la France « des Lumières» s’obstine à adresser au monde à travers Charlie-Hebdo est absurde et dangereux.
Il faut se méfier de ses amis. Chez Charlie Hebdo, c’est un vieux de la vieille, un père fondateur de l’hebdomadaire satirique, qui a cassé le morceau, huit jours après l’attentat : Delfeil de Ton (pseudonyme d’Henri Roussel, 80 ans). Ce vieil anar est, lui, un authentique « libre-penseur ». Dans sa chronique du Nouvel Observateur (14 janvier), il n’hésite pas à mettre en cause Charb (le rédacteur en chef et dessinateur Stéphane Charbonnier, tué avec les autres) : « Je t’en veux vraiment, Charb ». Il l’accuse d’avoir « traîné son équipe » à la mort en s’acharnant dans la provocation anti-islam. « Il était le chef. Quel besoin a-t-il eu d’entraîner ses amis dans la surenchère ? »
 

On agite un chiffon rouge au nom de la tolérance

Mais cette question est aujourd’hui posée à tous ceux qui incitent les Français à se ruer pour acheter Charlie Hebdo et à le brandir devant la terre entière comme on agite un chiffon rouge devant un taureau. Faire de ce chiffon (j’avais un autre mot en tête) le symbole de la liberté de l’esprit et de la tolérance emblématiques de la « France des lumières » face à l’« obscurantisme » régnant dans le monde, quelle… dérision ! « Je crois que nous sommes des inconscients vulnérables et des imbéciles qui avons pris un risque inutile », aurait dit Wolinski, l’autre figure tutélaire de Charlie Hebdo, après l’incendie criminel des locaux du journal, en novembre 2011. « On se croit invulnérables. Pendant des années, des dizaines d’années même, on fait de la provocation et puis un jour la provocation se retourne contre nous » (cité par Delfeil de Ton).

Et la France, peut-elle encore se croire invulnérable ? Qui est prêt à mourir pour avoir caricaturé Mahomet ou Allah ? Et pour dire quoi, au fait ? Quel est le message qui mériterait qu’on songeât au martyre ? Faut-il mourir bêtement pour un journal « bête et méchant » ?
 

Prêcher la tolérance à coups de poing ?

« Une caricature, disait encore Wolinski – cité, cette fois, par Cabu dans une émouvante interview de KTO , c’est un coup de poing dans la gueule. » Certes, un civilisé ne répond pas à un coup de poing par un massacre à la Kalachnikov… encore que l’histoire enseigne que n’importe qui est capable de n’importe quoi, en Europe comme ailleurs. Mais prétendre prêcher ainsi la tolérance à l’ensemble des musulmans, c’est se moquer du monde.

Le monde d’ailleurs ne s’y trompe pas. Si les médias des pays musulmans condamnent évidemment avec plus ou moins de virulence la nouvelle provocation que constitue à leurs yeux l’édition massive de Charlie Hebdo (cf. Le Figaro), ceux des pays anglo-saxons ne montrent pas l’enthousiasme qu’on imaginait sans doute à Paris, dans l’exaltation délirante d’une licence sans frein (cf. Le Monde). Le rayonnement culturel de la France n’aura pas suffi, apparemment, à les convaincre de l’universalité du droit d’insulter en toute quiétude.
 

Vociférer le « droit au blasphème » sabote le dialogue

Quant aux Français musulmans qu’on ose critiquer de n’avoir pas crié « Nous sommes Charlie » avec les autres, tout semble fait pour les acculer au désespoir et à la révolte. D’un côté, ils entendent Jack Lang leur affirmer que « l’islam est une religion de paix et de lumière » (Le Figaro), de l’autre ils sont sommés de prendre le deuil d’une rédaction qui n’a cessé de leur envoyer des « coups de poing dans la gueule » pour reprendre l’expression de Wolinski. Erreur et faute : on aggrave le mal en alternant excès d’honneur et indignité.

Si « l’islamisme est la maladie de l’islam », « les germes sont dans le texte lui-même » comme n’avait pas craint de l’expliquer dans une remarquable interview à
Libération le défunt écrivain et universitaire tunisien Abdelwahab Meddeb en 2005. On ne s’en sortira pas en faisant l’économie d’une vaste et patiente exégèse avec les musulmans les plus éclairés et les plus courageux. Mais un tel travail a pour préalable un climat de respect mutuel et de bienveillance que sabordent ceux qui vocifèrent ce « droit au blasphème » en l’érigeant en préalable à tout dialogue entre l’univers radieux de « la laïcité » et le monde ténébreux de « la religion ». 

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