Fêté le 27 décembre, l’évangéliste Jean montre que Jésus est le maître parfait, le Verbe fait chair, la parole du Père. De son regard d’aigle, il a mesuré l’étendue de son amour.
L’évangéliste Jean est bien à sa place dans l’octave de Noël. Il est le chantre par excellence du mystère de l’Incarnation du Christ, le théologien du Verbe de Dieu fait homme. Nous lisons le sublime prologue de son évangile à la messe du jour de la Nativité : « Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité » (Jean 1, 14). J’ai déjà écrit sur ce prologue dans un blogue sur Noël.
L’apôtre bien aimé se définit comme « celui que Jésus aimait » (Jean 13, 23). Il se nomme ainsi dans son évangile sans dire explicitement que c’est lui, par humilité sans doute, et aussi par solidarité avec les autres disciples. À la dernière Cène, il reposa sur la poitrine du Seigneur, sans se mettre de l’avant.
On ne peut lire son évangile que près du cœur de Jésus. Le coup de lance est la clé qui nous en ouvre le sens profond. Jean n’a écrit et vécu que pour exprimer la vérité du Fils de Dieu dans notre chair, que pour exalter sa lumière dans notre monde. Jésus s’est reconnu en sa pureté et sa franchise, son amour et son obéissance. Il demeurera son préféré parce qu’il a su garder son cœur d’enfant, à tel point, qu’il lui confiera sa mère avant de mourir atrocement sur la croix.
Fils du tonnerre
Dernier survivant des apôtres, on l’a surnommé « l’aigle de
Patmos », pour sa facilité à s’élever à des hauteurs surnaturelles insoupçonnées et pour sa capacité à fixer le Verbe divin. Il a vu Jésus sous sa véritable nature de Christ. Plus qu’un thaumaturge, Jean montre que Jésus est le maître parfait, le Verbe fait chair, la Parole du Père. De son regard d’aigle, il a mesuré l’étendue de son amour et il a aperçu la haine de ceux qui le rejettent, le combat entre la lumière et les ténèbres.
Du temps de Jésus, on l’appelait « fils du tonnerre », avec son frère Jacques, étant donné leur tempérament fougueux. De disciples de Jean le Baptiste, ils devinrent les premiers apôtres de Jésus avec André et Simon Pierre. Galiléens de Bethsaïda, Jean et Jacques sont les fils de Zébédée, pêcheur du lac de Tibériade. Leur mère, Marie-Salomé, fera partie des femmes disciples qui, à l’occasion, suivront Jésus sur les routes poussiéreuses de la Galilée. Elle sera au pied de la croix avec Jean, la mère de Jésus, Marie de Magdala et d’autres femmes.
L’évangile du Verbe fait chair
Chaque évangéliste a posé sa pierre pour composer une mosaïque unique qui nous révèle différentes facettes de Jésus Christ vainqueur de la mort. Jean a assimilé son message comme pas un, insistant sur sa mission de révélateur du Père et de sauveur de l’humanité plutôt que sur son ministère terrestre d’enseigner, de chasser les démons et de réconforter les pauvres.
On ne retrouve aucun exorcisme dans son évangile et très peu de miracles, sinon ceux qui lui sont propres, comme l’eau changée en vin à Cana de Galilée, la guérison à la piscine de Béthesda, la guérison de l’aveugle-né et la résurrection de Lazare. Il rapporte des rencontres inédites : la Samaritaine, le rabbi Nicodème, l’officier royal, la fuite des disciples après le discours sur le Pain de vie, la femme adultère, les discussions ouvertes avec les pharisiens, les scribes et les docteurs de la Loi.
Confident de Jésus, Jean est le témoin de la plupart des grands moments de sa vie publique. Avec Simon-Pierre et son frère Jacques, il assiste à la résurrection de la fille de Jaïre, à la transfiguration sur le Thabor et à l’agonie de Gethsémani. On le voit avec Pierre dans la cour du grand prêtre lors du procès de Jésus. Il est le seul apôtre à Le suivre jusqu’au pied de la croix, à accueillir sa mère en son nom :
« Femme, voilà ton fils. Fils, voilà ta mère ». Aucun mot ne peut exprimer la douleur qui étreint ces trois grands amoureux : Jésus, l’apôtre, la mère. L’arbre de la croix se dressait sur la racine de Jessé, Verbe de chair blessée, qui soulevait le monde jusqu’au Père.
Il vit et il crut
Quand deux jours plus tard, Marie-Madeleine se rend au tombeau de grand matin, elle voit que la pierre a été enlevée. Elle va le dire aux apôtres. Pierre et Jean courent alors au tombeau ; Jean arrive le premier. Il voit que le linceul est resté là, mais il n’entre pas, par déférence pour Pierre, le chef. Quand Jean entra à son tour, il voit et il croit. C’est lui également le premier qui reconnut le Maître au lac de Tibériade après sa résurrection.
Jean rend témoignage de ces faits et gestes dans son évangile avec sobriété. Il les a écrits en témoin véridique pour que les fidèles de la communauté puissent en témoigner à leur tour. « C’est lui, le disciple qui rend témoignage de tout cela, et nous savons que son témoignage est vrai » (Jean 21, 24). Que Jésus apaise la tempête ou marche sur les eaux, qu’il chasse les vendeurs du temple ou qu’il fréquente les pécheurs, il a été pour Jean le chemin qui conduit au Père, la vérité qui se donne, la vie qui vivifie.
Dans son Apocalypse, qui signifie « révélation », Jean met en lumière le Christ glorieux qui interprète l’histoire d’Israël à la lumière de l’Évangile. Il évoque les premiers combats de l’Église qui ouvrent une nouvelle ère, celle du Nouveau Testament. Jésus est l’Agneau immolé, l’Époux de la Jérusalem céleste, qui est digne de recevoir le livre scellé de l’Ancien Testament et de l’ouvrir pour en donner le sens caché. Par son sang, il a racheté pour Dieu des hommes de toute race, langue, peuple et nation.
(Extrait d’un chapitre consacré à l’apôtre Jean dans mon livre Dans la peau de Jésus, à paraître au printemps 2015.)
Du blogue de Jacques Gauthier.