Dans sa dernière chronique sur l’antenne de Radio Espérance, Guillaume de Prémare revient sur les discours du pape François à Strasbourg.
Le lendemain du discours du Pape devant le Parlement européen, un journaliste de La Croix a bien résumé la manière dont certains ont reçu son propos : les uns y voient « une charge contre la construction européenne, les autres un vif encouragement à la poursuivre ». Ces uns et ces autres ont voulu faire entrer le discours du Pape dans leurs propres catégories politiques.
Le Pape s’est adressé, au-delà de l’institution européenne et de ses députés, au continent et à l’homme européens. Et son discours n’était pas centré sur les questions de structures. Cependant, était-il centré sur Dieu ? Le Pape a appelé à construire avec Dieu et non sans Lui, mais son propos était principalement centré sur la cité des hommes. Alors, politique ou pas politique ce Pape ? Je dirais « métapolitique ».
Voyons quelle est la colonne vertébrale intellectuelle de son discours. Je discerne quatre fondements : la transcendance, l’anthropologie, le bien commun et la loi naturelle. Ces quatre fondements – très classiques dans la bouche d’un pape – sont les piliers incontournables d’une métaphysique de la politique, d’une métapolitique.
Le Pape a souligné, par exemple, une sorte de malfaçon dans la conception européenne des droits individuels. Ces droits déconnectés de la transcendance, de l’anthropologie et de la loi naturelle ne s’articulent pas avec le bien commun mais finissent par « se concevoir sans limites ». Tout ce qu’a dit le Pape sur quantité de sujets trouve son sens à partir de ces quatre piliers métapolitiques, qu’il s’agisse de dignité de l’homme, de famille, de respect de la vie, d’immigration, de pauvreté, d’économie ou d’écologie.
Le Pape a en quelque sorte appelé l’Europe à construire, non sur un fondement économique – ce qu’elle fait à tort depuis 60 ans – mais sur des fondements métapolitiques solides. Il a proposé un autre chemin que celui emprunté par l’homo-economicus européen, qui peine aujourd’hui sur le sentier déshumanisant de l’utilitarisme.
Alors, ce Pape est-il pour ou contre la superstructure européenne ? Il ne tranche pas. Sa métapolitique est en amont de cette question. On peut imaginer la mettre en œuvre avec ou sans superstructure européenne. En aval, c’est à nous de trancher la question des structures. Superstructure ou pas, l’histoire et la culture européennes montrent à l’évidence que les nations et peuples européens partagent une certaine communauté de destin.
Comment appréhender cette communauté aujourd’hui en panne ? L’homme européen saura-t-il retenir la leçon métapolitique du Pape pour construire et reconstruire, fonder et refonder ? Ayons conscience que se joue ici la place de l’Europe dans l’histoire comme civilisation.
Chronique Radio Espérance du 28 novembre 2014