Le patriarche Sako suspend dix prêtres irako-américains qui ne sont pas retournés en Irak avant la date limite qu’il avait fixé.
Le patriarche Louis Raphael Sako, chef de l’Eglise catholique chaldéenne, a suspendu par décret dix prêtres irako-américains ayant fui l’Irak pour échapper à la guerre du Golfe dans les années 1990 et qui ont, depuis, créé des paroisses et ministères aux Etats-Unis. Ils avaient jusqu’au 22 octobre 2014 pour revenir en Irak, sous peine d’être suspendus du ministère sacerdotal, et ce délai est arrivé à expiration.
Une question de vocation
Le chef des catholiques chaldéens dans le monde est préoccupé par le manque de prêtres et de leadership spirituel en Irak, alors que les catholiques qui restent continuent à vivre au péril de leur vie. (lire notre interview de Mgr Sako ici)
Mgr Sako est revenu sur la vocation du prêtre, une vocation qui n’envoie pas toujours le prêtre là où il préfère : « nous avons une vocation. Le prêtre s’est donné au Seigneur et à son service : il ne doit pas chercher sa liberté, sa sécurité. Son avenir est la fidélité au Christ et aux gens, pas en Amérique ou en Australie », avait-il réagi dans cette interview accordée à Aleteia le 20 octobre 2014.
Une mobilisation inattendue
Le décret du patriarche a suscité une mobilisation inattendue aux Etats-Unis. La question se pose, cependant, de la sécurité des prêtres qui acceptent de revenir en Irak, comme l’exige le patriarche. Les Chaldéens et les autres chrétiens sont les cibles des attaques de l’État islamique militant, qui a impitoyablement bombardé les églises chaldéennes, détruit des monastères, et chassé les Chaldéens de leurs terres ancestrales. Une triste réalité dont témoignent des Incidents comme le meurtre d’un prêtre et de trois diacres à Mossoul et l’attaque, en 2010, de l’église syrienne catholique de Notre Dame du Salut à Bagdad, dans laquelle trois prêtres et 50 fidèles ont été tués par des terroristes. Les extrémistes musulmans n’autoriseront plus le clergé catholique à exercer leur ministère ouvertement dans de nombreuses régions du pays.
14 prêtres pour 50 000 fidèles
Ainsi, en août 2014, Catholic News Agency citait le père Nawar, prêtre originaire de Ninive qui vit et étudie actuellement à Rome : "Aujourd’hui, l’histoire du christianisme est finie en Irak", a déclaré le père Nawar. "Les gens ne peuvent pas rester en Irak parce c’est la mort pour ceux qui restent." Des dizaines de milliers de catholiques chaldéens fuyant l’Irak se sont établis aux Etats-Unis, pour échapper aux persécutions. Dans l’éparchie chaldéenne de Saint Pierre Apôtre, qui couvre 19 États de l’Ouest, on compterait seulement 14 prêtres pour environ 50000 chrétiens. Le décret du patriarche en relèverait dix de leur ministère, avec application immédiate. L’éparchie chaldéenne de Saint Pierre Apôtre, basée à San Diego, aurait adressé plusieurs appels au patriarche Sako, restés sans réponse. Le 22 octobre, lorsque les prêtres nommés dans le décret du mois dernier ont été sommés de revenir ou d’être suspendus, un appel d’urgence a été envoyé au Vatican. Les prêtres seraient maintenant autorisés à exercer leur ministère, en attendant une réponse du pape François.
Mark Arabo, porte-parole national de l’Eglise chaldéenne aux États-Unis (qui compte environ 250 000 Chaldéens), a réagi très sèchement à ces suspensions. Mark Arabo, qui est aussi membre de l’église à El Cajon dirigée par le père Noel Gorgis, l’un des moines suspendus, est allé jusqu’à qualifier le décret de Sa Béatitude de “tragédie complète.” Beaucoup de prêtres, at-il expliqué, ont été dans ce pays pendant vingt ans et ont la citoyenneté américaine. “Nous allons tout faire pour nous assurer que ces dix prêtres ne reviennent pas et ne soient pas renvoyés en Irak comme du bétail à l’abattoir.” Mark Arabo craint qu’une suspension de ces prêtres oblige l’Eglise à se priver de certains services, ce qui pourrait affecter des groups de prière, les confessions et les baptêmes. Malgré le décret du patriarche Sako, le retour des prêtres en Irak pour reprendre leur ministère semble impossible, du moins pour l’instant.
Traduit de l’édition anglophone d’Aleteia par Elisabeth de Lavigne