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Portrait : Delphine, fabuleuse maman d’un enfant autiste

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Fabuleuses au Foyer - publié le 26/10/14
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Delphine, 37 ans, est mariée à Timothée. Ils sont les parents de Lucie, Manon, Julia, Ethan et Naël. « Dans ces 5 miracles, l’autisme s’est invité. Il n’était pas prévu au programme des festivités, mais on s’est adaptés ».
Depuis mon entretien avec Delphine, je pense à elle à chaque fois que je suis face à mes frustrations : sa vie est une véritable leçon de bonheur ! Conversation avec une maman authentique et déroutante, par sa sincérité, sa joie de vivre et sa rage de vaincre.

L’autisme, c’est quoi ?

L’autisme est un état d’être. Ce n’est pas une affection psychologique ni une maladie psychiatrique. C’est un handicap.
L’autisme, c’est un ensemble de troubles plus ou moins sévères et plus ou moins précoces qui envahissent un être et provoquent, entre autres et de manière très générale :  une perturbation des interactions sociales, des troubles du langage, des troubles de la communication non verbale, des activités stéréotypées (répétitives et souvent envahissantes)  avec restriction des intérêts (des choses auxquelles les personnes autistes s’intéressent de manière exclusive et intensive).
De plus amples explications sur l’autisme sont disponibles ici.
 

Peux-tu nous présenter Ethan ?

Ethan a 6 années de vie. C’est un petit garçon gai, joueur, rieur, taquin et très câlin.
Il aime les voitures, les bus… tous les moyens de transport (intérêt restreint). Il aime aussi la musique : c’est un mélomane confirmé. Il a une mémoire extraordinaire. Il est accueilli en grande section de Maternelle, et il aime énormément aller à l’école. Si vous voulez nous suivre, retrouvez-nous sur la page Facebook d’Ethan !

Est-ce qu’il parle ?

Ethan est autiste sévère. Non verbal. C’est à dire qu’il ne parle pas. Il ne fait pas de phrases.
Mais nous sommes incroyablement encouragés et surpris par toutes les émergences de langage qui se mettent en place ces dernières semaines !
 

Comment en es-tu venue à déceler l’autisme d’Ethan ?

Vers l’âge de 8 mois, Ethan a commencé à développer des… « bizarreries ». Il ouvrait et fermait les portes quand il était dans son trotteur, de manière répétitive. Quand il était dans sa chaise haute, lors des repas, il tapait toujours son pied gauche, au même rythme. Plus tard, il ne montrait rien du doigt et semblait ne porter aucun intérêt ni aux livres, ni aux animaux, ni aux jouets. Par contre, il pouvait passer de longues minutes à jouer avec une télécommande.
 

Quelle a été ta réaction lorsque tu as réalisé que ton fils était autiste ?

Lorsque je suis allée vers le corps médical, je pensais déjà à l’autisme. Quand le diagnostic a été officialisé, je n’ai donc pas eu de choc ni de gros moment de déprime. J’ai juste eu beaucoup de tristesse pour mon petit prince, et une envie folle de remuer ciel et terre pour le faire sortir de là. Je sais que l’on ne guérit pas de l’autisme. Mais je sais aussi qu’il est possible de faire énormément de choses pour que les troubles s’estompent, que le langage émerge, et que l’autonomie augmente.
 

Qu’est-ce qui a été le plus dur pour toi, en tant que maman ?

Les troubles d’Ethan sont variables. Certains sont fixes et perdurent, d’autres sont éphémères. Depuis l’âge de trois mois jusqu’à l’âge de trois ans, Ethan n’a pas fait une nuit complète. Il se réveillait en pleurant et nous devions nous lever avec lui, lui faire écouter de la musique pour l’apaiser, le changer (oui, parce qu’Ethan n’a toujours pas acquis la maîtrise de ses sphincters), le faire manger un peu et ensuite le recoucher. Ce cycle pouvait durer une ou deux heures et se répéter deux fois par nuit. J’ai parfois cru sombrer dans la folie par manque de sommeil. Priver les personnes de sommeil était parfois utilisé comme moyen de torture. Je l’ai compris mieux que jamais.
Cette période est révolue, et nous en sommes INFINIMENT reconnaissants. Ne pas entendre mon fils m’appeler « maman », ne plus pouvoir partir en vacances en famille, voir nos sorties familiales perturbées (resto, week-ends, balades,…. ), faire avec les rigidités alimentaires d’Ethan sont autant de frustrations qu’il a fallu apprendre à gérer.

 

Et le plus gratifiant ?

Ce sont toutes les victoires remportées par Ethan sur l’autisme. C’est l’entendre rire, chanter, le voir heureux, ne pas percevoir d’angoisse dans ses yeux. C’est voir qu’il a su apprendre à manger seul, à (dessiner) gribouiller partout. Oui, partout .C’est le voir prendre du plaisir à jouer pour de vrai. C’est le voir vivre. Evoluer.
 

Comment est-ce que tu entrevois l’avenir ?

L’avenir ? Je ne m’y attarde pas. Pourquoi ? Parce que quand je m’y risque, j’ai peur. Peur de devoir assumer les mêmes gestes envers cet adulte en devenir, peur de devoir encore avoir à lui remettre des couches propres, de devoir continuer à le relever du sol quand il ne veut pas faire quelque chose et qu’il s’y allonge. Peur de devoir encore le retenir pour qu’il ne coure pas vers des voitures en mouvement. Cela ne me mène nulle part.En ayant peur de l’avenir, je m’empêche de vivre bien l’aujourd’hui. Je spécule sur des choses dont j’ignore la tournure. En tant que croyante, je prends la place de Celui qui connaît tout et qui me donnera de toute manière la force d’assumer. Alors je vais déjà vivre cet aujourd’hui-là, et demain, nous verrons !
 

Quelles relations Ethan a-t-il avec ses frères et soeurs ?

Le reste de la troupe connaît très bien Ethan. Ce qu’il aime, ce qui le fait rire… Alors ça fonctionne bien. Ils ont l’air heureux. Ils ont du coup appris la différence, et je suis reconnaissante pour cette opportunité qui leur est offerte dans leur plus jeune âge d’avoir cette sensibilité, cette ouverture.
 

Qu’est-ce qu’une maman d’enfant autiste a de plus que les autres ?

Une maman d’enfant autiste a un coeur ouvert à la différence, quelle qu’elle soit. Elle s’adapte, se contorsionne, développe ruses et astuces. Elle apprend à dépasser sa frustration. À mourir à elle même. Pour ma part, je puise ma force en celui qui est la force par excellence. Une maman d’enfant autiste apprend à laisser couler un peu d’eau de ses yeux en se disant que oui, c’est difficile, mais oui, on peut continuer avec la joie envers et contre tout, et plus encore avec reconnaissance.
 

Comment les gens réagissent-ils face à l’autisme d’Ethan ?

Les gens… Les gens observent souvent. Jugent parfois. Mais je ne leur en veux pas, parce que je sais que c’est par ignorance. « Cet enfant crie dans le caddie, donc il fait un caprice. Et cette mère-là est débordée. Elle ne sait pas y faire. Si c’était le mien… » Je le connais bien ce raccourci. Je l’ai (trop) souvent emprunté. Alors souvent, j’annonce très vite la couleur. Dans les salles d’attente notamment. J’entre, je présente Ethan avec le sourire, j’explique qu’il est autiste et que son comportement peut sembler étrange parfois. C’est drôle de voir les réactions. Certains s’enfoncent dans leurs chaises avec une attitude qui dit : « Mais on n’avait pas besoin de savoir… Je fais quoi de cette information moi maintenant ? » D’autres détournent les yeux ou au contraire, redoublent d’attention. Mais Ethan est très vite adopté. Sa bouille y est sans doute pour quelque chose, ainsi que mon indéfectible sourire dans de telles conditions.
 

Que faire la prochaine fois qu’on croisera une maman et son enfant handicapé ?

Osez. Osez dire bonjour. Osez sourire. Osez demander. Et surtout. Surtout, ne jugez pas trop vite.

Est-ce l’autisme qui a forcé ton choix d’être au foyer ?

Non ! Je suis l’aînée d’une famille de 5 enfants. Mon mari, le dernier d’une fratrie de 8 garçons. Nous avons tous les deux goûté au privilège d’avoir une maman au foyer. (Merci Maman !) Pour lui comme pour moi, il était évident que je resterais à la maison pour m’occuper de la tribu qui me serait confiée. Je suis infirmière. Même si j’aime par dessus tout les relations humaines, et que le travail en équipe faisait partie des éléments qui m’ont motivée à choisir ce métier, je ne voulais pas « faire carrière ». Je voulais faire un travail qui me plaise et qui soit « chargé d’humain », avant de faire celui qui me tenait à coeur depuis toujours : maman !

 
 

« Au fil de l’Aître »,  c’est quoi ?

L’Aître est un petit cours d’eau qui passe tout près de la maison. C’est le nom que j’ai donné à mon blog. J’y parle de mes défis au quotidien, en tant que maman d’enfant autiste, et de mon secret qui n’en est pas vraiment un : ma foi en Dieu qui place dans ma vie, tous les jours, quantité de cadeaux. J’ai toujours aimé écrire. Ce que je pense, ce que je vis, ça sort mieux à l’écrit. Je n’ai pas le temps, et je ne sais pas comment on fait pour écrire un livre. Un jour j’apprendrai. Un jour j’aurai le temps. Mais en attendant, je tiens un blog. Parce que j’aime partager, et parce que je voudrais que tout ce que je vis, tout ce par quoi passe ma pensée et mon existence, puisse servir à d’autres.

Fabuleuses au foyer est un blog collaboratif de mamans lancé par Hélène Bonhomme en mars 2014. La mission : révéler la Fabuleuse en chaque maman. 8 chroniqueuses y partagent leurs humeurs et leurs astuces sur l’art d’être une maman qui aime sa vie au XXième siècle. Fabuleuses au foyer, c’est aussi une communauté de mamans sur Facebook  et une newsletter au contenu inédit.

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