Prénommés Martin et Michael, les deux jeunes Canadiens devenus des terroristes après s’être convertis à l’islam étaient des Québécois de souche. Mais quelles racines leur avait-on transmises ?
Surprise totale ! À deux jours d’intervalle et dans des villes différentes, deux militaires en uniforme sont assassinés lâchement par deux résidents canadiens convertis à l’Islam radical. L’un, renversé par une voiture à Saint-Jean-sur-Richelieu, l’autre, tué devant le Monument commémoratif de guerre du Canada. Avec eux, ce sont des symboles qui sont ébranlés, d’autant plus que l’auteur du deuxième attentat est mort dans l’enceinte même du parlement d’Ottawa (photo), à quelques mètres des députés et ministres. Nous ne connaissons pas ses motivations profondes pour le moment.
Il semble que Martin Ahmad Rouleau et Michael Zehaf-Bibeau ne se connaissent pas et qu’ils aient agi seuls, sans lien avec les djihadistes de l’EI du Proche-Orient. Mais jusqu’où le discours de ce groupe armé, bien financé et très présent sur les réseaux sociaux, a-t-il influencé ces "loups solitaires" qui avaient des problèmes personnels? Comment la radicalisation d’une religion peut-elle donner des munitions à des êtres qui sont instables psychologiquement et qui cherchent un sens à leur vie ?
Est-ce la faute à la religion ?
Plusieurs jetteront la pierre à la religion qui, selon eux, exacerbe les passions, favorise les divisions et les guerres. Il est vrai que la religion peut devenir une arme de destruction lorsqu’on l’instrumentalise à des fins politiques. Mais elle peut aussi aider à bâtir la paix, comme l’ont fait Gandhi, Martin Luther King et Nelson Mandela. Plusieurs Prix Nobel de la paix sont d’ailleurs des croyants. Le problème des religions vient surtout de l’interprétation fondamentaliste que l’on fait des textes sacrés. Quand chacun veut avoir raison et éliminer l’autre qui ne partage pas sa foi, comment le dialogue est-il possible? Cela vaut aussi pour les athées, bien sûr.
Il faut lutter contre cette perversion idéologique qui détourne la religion de son sens profond, celle de relier les êtres dans la prière, le pardon, la paix, le partage. Il est vrai que les mots « Dieu » et « religion » sont piégés depuis le 11 septembre 2001, mais en arriver à tuer au nom de Dieu, c’est tellement contraire au précepte universel de Jésus: « Aimez-vous les uns les autres ».
Les milieux musulmans condamnent en général ces gestes barbares et ceux de l’EI. Peut-être sommes-nous trop naïfs devant la montée de l’islamisme radical en Occident? Que faire? Se rencontrer et dialoguer pour mieux se connaître et détecter les comportements qui peuvent trouver un refuge dans l’extrémisme. Philippe Couillard a d’ailleurs chargé des ministres pour «préparer, avec les communautés concernées, des actions basées sur l’engagement communautaire, la détection et la prévention précoces des comportements à risques ».
« Quand un peuple remet en question…»
Personne ne peut justifier ces actes haineux, seulement les terroristes qui cherchent le chaos. Comment deux jeunes Québécois de souche ont-ils pu exprimer leur colère avec un tel radicalisme? Un élément d’explication peut venir d’un autre premier ministre, René Lévesque lui-même. Dans une lettre adressée au pape Jean-Paul II, le 22 juin 1980, à l’occasion de la béatification de Marie de l’Incarnation, de Kateri Tekakwitha et de François de Laval, maintenant tous canonisés, il écrivait :
« Quand un peuple remet en question ses modes de vie traditionnels avec autant de vigueur que le Québec l’a fait depuis 20 ans, il risque de se couper des valeurs qui ont contribué à sa survie et à la découverte de son identité propre, sans savoir les remplacer par des valeurs nouvelles; il risque de provoquer chez les siens le déséquilibre, le dépaysement et même le désarroi; en renouant avec les richesses de son passé, le Québec ne peut que mieux assurer son avenir. »
Article publié dans le blogue de Jacques Gauthier.