Dopée par l’amour de Dieu, ce petit bout de femme a accompli une œuvre gigantesque pour les plus pauvres d’entre les pauvres.
Pour Mère Teresa, aimer, c’est agir. Celle que l’on appelait « la Mère » répondra à un appel de Jésus qui fera d’elle la messagère de l’amour de Dieu envers les plus pauvres d’entre les pauvres. Le Christ l’a choisie pour lui-même, Mère Teresa le sait. Cet appel est la clé de voûte de sa vocation qui est d’appartenir à Jésus, dont elle veut étancher la soif d’amour. Jean Paul II l’a béatifiée à Rome, seulement six ans après sa mort, le 19 octobre 2003, Journée mondiale des Missions.
Donner, c’est partager
Agnès Gonxha Bojaxhiu est née le 26 août 1910 de parents albanais à Skopje en Macédonie. Elle est baptisée le lendemain. Son père Nikolle meurt subitement lorsqu’elle a neuf ans. Sa mère Drana s’occupera de ses trois enfants. Elle aide les pauvres et sensibilise Agnès au partage.
Agnès s’intéresse aux vies de saints et aux récits de missionnaires qu’elle découvre à la Légion de Marie. À l’âge de douze ans, elle ressent un premier appel à la vie religieuse. La joie lui sert de discernement pour sa vocation. Un signe lui est donné : un jésuite yougoslave la met en contact avec les Sœurs de Notre-Dame de Lorette, appelées aussi « Dames Irlandaises », très actives en Inde. Admise comme postulante à dix-huit ans, elle part pour Dublin, apprend l’anglais et est envoyée en Inde pour y commencer son noviciat.
Agnès prononce des vœux temporaires le 24 mai 1931. Elle change son nom de baptême en Teresa, à cause de son amour pour la petite Thérèse de Lisieux qui, dit-elle, « fit les choses ordinaires avec un amour extraordinaire ». Plus jeune, elle avait savouré son Histoire d’une âme. Pendant sept ans, Teresa vit heureuse à Calcutta, où elle est professeure d’histoire et de géographie à l’école Sainte-Marie, une institution qui dépend des sœurs de Lorette. Elle prononce ses vœux définitifs en 1937. Elle devient directrice des études à Sainte-Marie. Mais sa vocation première consiste à aimer les pauvres.
Au service des pauvres
Le 10 septembre 1946, qu’on appellera le « jour de l’inspiration », Mère Teresa, alors qu’elle prie dans un train, ressent un fort appel intérieur à se donner complètement au services des pauvres. Elle saisit que Jésus aime les pauvres et qu’il a soif pour eux. Cette soif sera la sienne.
Deux ans plus tard, elle reçoit la permission de Rome de mener une vie consacrée hors clôture. À trente-huit ans, elle quitte sa Congrégation et se revêt d’un simple sari blanc avec bordure bleue, symbole de sa volonté d’imiter Marie. Une de ses anciennes élèves qui veut se donner à Dieu la rejoint. D’autres suivent. En 1950, Rome accepte l’Ordre des Missionnaires de la Charité qui se développera rapidement. La prière sera toujours au centre de ce rayonnement : oraison silencieuse, adoration devant le Saint-Sacrement, liturgie, chapelet.
En 1952, Mère Teresa fonde un hospice pour les mourants qui caractérisera son engagement envers les plus démunis. Elle montre que c’est l’intensité de l’amour que nous mettons dans nos gestes qui les rendent beaux aux yeux de Dieu. Elle comprend que l’amour ne se mesure pas, il se contente de donner joyeusement. Cette joie du don ouvre les cœurs blessés à la tendresse.
La faim de Dieu
Mère Teresa parcourt le monde pour parler, témoigner, visiter ses sœurs, trouver les moyens d’aider les pauvres. Elle exhorte à aimer ces pauvres qui sont dans nos familles, sur notre route, car la véritable pauvreté est faim de Dieu. Elle dira souvent que la plus grande pauvreté se trouve en Occident, car bien plus que l’indigence matérielle, nous connaissons la pauvreté spirituelle. Elle ouvre de nouvelles maisons un peu partout dans le monde. Le pape Paul VI, spirituellement très proche de cette œuvre, devient associé de l’Ordre en approuvant la constitution des Collaborateurs des Missionnaires de la Charité.
Mère Teresa ne perd pas son temps dans les réunions et les collectes de fonds, elle va là où les gens souffrent. Où il y a de la misère, il y a Jésus le Crucifié et appel à le suivre sur la Croix. Elle le retrouve dans la détresse des pauvres. Pour elle et pour ses sœurs, il n’y a pas d’équivoque, c’est Jésus qui, en elles, recueille les mourants à Calcutta, soulage les personnes seules à New York, aide les victimes du tremblement de terre au Guatemala, traverse les lignes de feu à Beyrouth, etc.
Quand des journalistes demandent ce qu’elle vient faire dans tel pays, elle répond inlassablement : « Je suis venue voir. » Et pour bien voir, il faut prier, là réside son secret. Chez elle, action et contemplation s’épousent dans la même complicité. Elle est à la fois la Marthe et la Marie de l’Évangile. Tout est unifié dans le même amour. Prier, c’est aimer Jésus et se laisser aimer par lui.
La sainteté pour tous
Mère Teresa reçoit plusieurs prix internationaux, dont le prix Nobel de la paix en 1979, qu’elle accepte au nom des pauvres. Jean-Paul II, lors de son voyage en Inde en 1986, lui rend longuement visite à la « Maison des mourants ». Malgré des problèmes de santé, elle est réélue Supérieure générale de l’Ordre en 1990. Elle sera hospitalisée plusieurs fois et vivra une grande nuit de la foi, qui fut d’ailleurs présente une grande partie de sa vie. Ce symbole vivant de miséricorde meurt à Calcutta à l’âge de 87 ans, le 5 septembre 1997. Jacques Chirac résumera bien la réaction générale : « Ce soir, il y a dans le monde moins d’amour, moins de compassion, moins de lumière. »
« La Mère » avait commencé sa mission à Calcutta un an après la mort de Gandhi. L’Inde aura donné au monde deux armes plus puissantes que les guerres : le mahatma Gandhi et mère Teresa. Deux êtres fragiles, reconnus saints par tous, qui soulevèrent le monde grâce au levier de la paix.
Mère Teresa laisse derrière elle 4 000 sœurs et 550 frères, répartis dans 517 missions de 120 pays. Dans chaque chapelle sont écrits ces mots de Jésus : « J’ai soif. » Elle confie dans son Testament spirituel : « Pour moi, il est très clair que tout chez les Missionnaires de la Charité vise uniquement à étancher la Soif de Jésus. Ses paroles, écrites sur le mur de toute chapelle des Missionnaires de la Charité ne sont pas passées, mais vivantes, ici et maintenant, dites pour vous. Le croyez-vous? Si oui, vous entendrez et vous sentirez sa présence. »
Celle qui affirmait que la sainteté n’était pas un luxe destiné à une élite mais un devoir simple pour chacun, a été béatifiée à Rome le 19 octobre 2003 devant 300 000 personnes. Mon épouse et moi étions présents sur la Place Saint-Pierre; jamais je n’oublierai la joie et le recueillement de cette assemblée de toutes les nations, langues, races et religions. L’Église célèbre sa mémoire chaque 5 septembre.
Pour aller plus loin, J’ai soif. De la petite Thérèse à Mère Teresa.