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Syrie : Une journée avec le curé de Maaloula

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Sylvain Dorient - publié le 03/09/14
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Maaloula, petite ville à majorité chrétienne, se relève péniblement de ses cendres. Son curé, le père Toufik, s’inquiète de l’avenir de sa communauté.
« Ca va être très difficile de réapprendre à cohabiter… » Au volant de la voiture qui emmène les volontaires de SOS Chrétiens d’Orient dans Maaloula, parmi lesquels Benjamin Blanchard, co-fondateur de l’association, qui nous rapporte ce récit, le père Toufik se montre amer. La journée vient à peine de commencer, mais le soleil syrien ne réchauffe pas l’ambiance. Malgré la chaussée flambant neuf, les traces de la guerre sont partout autour de la route : des bâtiments détruits, un pylône électrique à terre etc.

Sa ville a été capturée le 7 septembre par les djihadistes d’Al Nosra, une émanation d’Al Quaïda. Les rebelles ont dû quitter le village 14 avril 2014 sous la pression du Hezbollah et de l’armée arabe syrienne, mais l’état des lieux n’est pas encourageant. Les images pieuses qui n’avaient pas été cachées ou recouvertes avec de la chaux ont été systématiquement vandalisées : statues décapitées, balles tirées dans les yeux des portraits de saints… Quant aux maisons des chrétiens, les pillards y ont dérobé jusqu’aux interrupteurs et aux fils électriques ! Le plus grave aux yeux de notre curé, c’est qu’il semble qu’une partie de ses voisins musulmans aient fait cause commune avec les excités du djihad. Ils n’ont connu presqu’aucun pillage, certains d’entre eux auraient même collaboré avec les rebelles. Si bien qu’à présent, les jeunes miliciens chrétiens redoutent le retour de leurs voisins musulmans mais le Père Toufik répond "Nous sommes chrétiens et nous devons vivre avec tout le monde. S’ils sont Syriens et s’ils acceptent notre présence, nous vivrons avec eux."

Pendant qu’il monologue ainsi, nous parvenons à un checkpoint tenu par l’armée régulière syrienne. En voyant le père, les soldats nous laissent passer sans même nous demander nos papiers, car notre voiture arbore un chapelet chrétien sur son rétroviseur et que nous sommes accompagnés d’un prêtre.

Nous arrivons à Maaloula, niché entre deux collines, sous la garde du sanctuaire de sainte Thècle. Les maisons de 600 à 800 familles se pressent dans un décor de falaises ocre. Les destructions sont moins visibles qu’à Homs, où les combats ont transformé des quartiers entiers en tas de gravats, mais nous savons que la guerre a laissé des traces profondes. L’église Saint-Georges de Maaloula, qui est l’église paroissiale grecque-melkite catholique, a été abimée. La coupole a été traversée par un obus, les fenêtres sont toutes détruites, toute l’installation électrique a été volée… L’autel lui-même a été dévasté par les djihadiste qui en ont retiré les reliques. Nos dons vont permettre sa reconstruction ainsi que celle du « Salon d’accueil », lieu de rencontre très utilisé par les chrétiens d’Orient. Nous cherchons désormais à trouver le financement pour refaire les salles de classes : la rentrée, fin septembre, arrive à grands pas !

« Lançons des bûches enflammées ! »
Devant la chaleur de l’accueil qui nous est fait, le curé se déride un peu. Chaque famille veut nous accueillir pour prendre le café, même quand leur maison est en ruine. Ils parlent l’araméen, une langue que ne connaît pas notre traductrice. Heureusement, ils connaissent aussi l’arabe, et le clergé connaît bien le français. Les miliciens font preuve d’un dévouement et d’une confiance qui réchauffent les cœurs. L’un d’entre eux, la vingtaine à peine, a été blessé en septembre 2013 lors de la prise de Maaloula ; il se dit prêt à défendre sa ville quoi qu’il arrive. Plusieurs paroissiens pressent le curé : « Abouna, il faut que nous fêtions la Sainte Croix ! », puis « Abouna, lançons les bûches enflammées, nous n’avons pas pu le faire l’an dernier ! ». Cette histoire de bûches enflammées représente beaucoup ici. Le 14 septembre, pour la fête de la Sainte Croix, les paroissiens ont l’habitude de lancer des bûches enflammées du haut d’une falaise, il paraît que l’effet visuel est parfait. Mais notre curé à peur que cet évènement n’attire l’attention des djihadistes. La paix retrouvée lui semble fragile, il préfère éluder la question, s’en sort avec quelques « peut-être »… On sent pourtant que l’enthousiasme des jeunes chrétiens lui va droit au cœur.

De retour à Damas, le père nous invite dans un restaurant tenu par des chrétiens. À sa grande joie, il constate que la moitié des clients sont des musulmans. Un orchestre alterne chansons romantiques et patriotiques, plusieurs clients des deux religions dansent… Ce signe positif à eu raison de son inquiétude matinale, devant le plat du jour, il parle d’avenir, de la reconstruction de son église. Derrière lui, une femme voilée sirote un verre d’alcool.
 

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