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Homosexualité : malaise dans l’Eglise ?

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Falk van Gaver - La Nef - publié le 03/09/14
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Un abîme sépare la clarté du Magistère de l’Eglise sur la question de l’homosexualité et le flou autour de la réalité homosexuelle rencontrée ou vécue par des prêtres et des laïcs.
Avec la Gay Pride, les associations réunies dans l’Inter-LGBT, le mariage pour tous et les débats sur la PMA et la GPA pour tous, les Gender Theory et Queer Theory, la morale laïque, L’ABC de l’égalité, etc., l’homosexualité a pris les dimensions d’un phénomène de société.
Pourtant, demeure un fort contraste entre les démonstrations de force de la Gay Pride et du militantisme gay, et le silence, public et même privé, des catholiques à ce sujet. Non que ces derniers ne se soient exprimés haut et fort, et légitimement, contre l’ouverture du mariage civil aux personnes de même sexe. Mais la question, à la fois sous-jacente et centrale, de l’homosexualité, est rarement et timidement abordée de front.

Peur de l’homophobie ? Peur de l’accusation d’homophobie ? Peut-être. Mais aussi, mais surtout, malaise dans les rangs. En effet, l’Eglise n’est pas coupée du monde dans lequel elle vit et elle est touchée en ses membres, tant clercs que laïcs, par les grands problèmes qui traversent la société : et le fait de l’homosexualité n’y fait pas exception.
Ainsi la question de l’homosexualité touche directement ou indirectement de nombreux catholiques, qu’ils soient clercs ou laïcs, que ce soit dans les familles, dans les paroisses, dans les communautés. Mais trop souvent la gêne si ce n’est le déni règne.
C’est sans doute qu’entre les orientations, précises mais concises, du Magistère de l’Eglise (1) comme des Conférences épiscopales (2 ) sur la question de l’homosexualité, et la réalité homosexuelle vécue par les simples prêtres et les fidèles de base, reste un abîme que la bonne volonté mais hélas aussi la maladresse ont du mal à combler.

Si l’Eglise condamne avec force et clarté à la fois l’homosexualité et l’homophobie – maintenant ici comme ailleurs sa traditionnelle distinction entre acte et personne, entre condamnation du péché et miséricorde pour le pécheur , et même entre personne et tendance, parlant toujours de « personnes homosexuelles » et non d’ « homosexuels », ne réduisant ainsi jamais l’identité de la personne à son orientation sexuelle -, que faire, concrètement, face aux multiples cas d’homosexualité, chacun unique, dans la société et dans l’Eglise ? Il y a certes des initiatives locales voire internationales (3), souvent très positivement accueillies – malgré de possibles ambiguïtés. Se souvient-on des origines du « Mouvement homosexuel chrétien » David & Jonathan ?
L’ancien séminariste et professeur de philosophie André Baudry avait déjà fondé en 1954, avec le soutien discret de l’abbé Max Lionnet, auteur de vies de saints et d’ouvrages sur l’Eglise, le groupe homophile Arcadie publiant une revue homosexuelle éponyme (avec photographies et petites annonces), rebaptisé en 1975 Mouvement homophile de France. En 1972, à la suite d’une table-ronde sur l’homosexualité et le christianisme organisée par Arcadie, est fondé ce qui deviendra le groupe Christianisme et homophilie, aujourd’hui connu sous le nom de son bulletin, David & Jonathan. En 1974, le groupe devient un mouvement national avec des antennes locales. À Paris, il se divise entre le « groupe Saint-Germain », qui se retrouve dans un local de l’Institut Catholique de Paris, et l’« atelier Béthanie » inspiré clairement par Vatican II. En 1976, le mouvement dénonce dans un communiqué le contenu du document magistériel Persona humana. Très vite, le mouvement milite pour la reconnaissance de l’homosexualité au sein de l’Eglise et de la société, participe à la Gay Pride de Paris dès 1983, et est aujourd’hui membre de l’Inter-LGT, du Centre LGBT-Paris-Île-de-France, de l’International Lesbian and Gay Association (ILGA-Europe), du Réseau d’aide aux victimes d’agression et de discrimination (RAVAD) et des Réseaux du Parvis. (4)
Ainsi, entre l’accueil des personnes, l’acceptation d’une réalité, la volonté d’une évolution et la revendication d’une normalisation, la frontière est ténue et incertaine. D’où la grande prudence de l’Eglise, échaudée par des précédents, vis-à-vis de la constitution de groupes de fidèles homosexuels.

Quoi qu’il en soit, les catholiques ne peuvent et ne doivent pas ou plus, comme les trois petits singes du folklore chinois, fermer les yeux, les oreilles ni la bouche sur cette question – oscillant entre la condamnation muette et l’acceptation tacite.
De plus, quoi qu’on en dise, il y a parfois un lien entre homosexualité et pédophilie à travers l’ambiguïté de l’éphébophilie. Si l’on doit distinguer la pédophilie, amour des enfants prépubères ou en début de puberté, de l’éphébophilie, amour des adolescents pubères, d’un point de vue légal l’atteinte sexuelle sur mineur est fixée en France à l’âge de quinze ans (5).
On se souvient du scandale suscité en 2009 par les accusations publiques de pédophilie de Marine Le Pen contre le ministre de la Culture de l’époque, Frédéric Mitterrand, sur le fondements d’extraits de son récit autobiographique La Mauvaise Vie, paru aux éditions Robert Laffont en 2005 et ayant reçu alors un accueil unanime de la critique, vendu à plus de deux cent mille exemplaires, où l’auteur homosexuel raconte sa consommation d’adolescents prostitués en Asie du Sud-Est, décrivant avec complaisance ces « foires aux éphèbes » de Thaïlande ou sa relation avec un « boy » de Djakarta : « L’argent et le sexe, je suis au cœur de mon système, celui qui fonctionne enfin, car je sais qu’on ne me refusera pas », écrivait-il. Ce qui ne l’empêchera pas, largement défendu par l’establishment, de rester ministre de la Culture et de la Communication jusqu’à la défaite du candidat sortant Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 2012.

On ne peut certes assimiler homophilie, éphébophilie et pédophilie ni postuler un lien nécessaire entre elles, mais ces distinctions théoriques ne sont pas toujours faciles à mettre en œuvre en pratique, notamment dans les cas d’abus sexuels sur mineurs, entre autres de la part de membres du clergé. Rappelons que lors d’une récente audition par un comité de l’ONU à Genève, un responsable du Vatican a révélé que la seule justice canonique a traité 3420 cas d’abus ces dix dernières années. Entre omerta catholique et déchaînement médiatique, les stratégies d’évitement ne suffisent pas plus que les lynchages symboliques.
C’est dans la continuité de la position officielle de l’Eglise qu’en juillet 2014, le Pape François avait répondu à un journaliste dans l’avion qui le ramenait du Brésil : « Si une personne est homosexuelle et cherche le Seigneur, fait preuve de bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? » Faisant ainsi écho ainsi à
la fameuse réplique de Jésus-Christ : « Moi non plus, je ne te condamne pas. » (Jean 8, 11) Mais n’oublions jamais la suite du verset : « Va, et désormais ne pèche plus. »
Les nombreux cas de catholiques homosexuels, clercs ou laïcs, soulèvent un problème que nous devons aborder dans la charité et la vérité.

Article publié dansLa Nef n°262 de septembre 2014 reproduit avec autorisation de l’auteur et de l’éditeur.

Notes
1) Franjo Seper, Congrégation pour la doctrine de la foi, Déclaration Persona Humana sur certaines questions d’éthique sexuelle, « Homosexualité », Article 8, 1975
Joseph Ratzinger, Congrégation pour la doctrine de la foi, Lettre aux évêques de l’Eglise catholique sur la pastorale à l’égard des personnes homosexuelles, 1986
Catéchisme de l’Eglise catholique, « Chasteté et homosexualité », Articles 2357-2358-2359, 1992
Joseph Ratzinger, Congrégation pour la doctrine de la foi, Considérations à propos des projets de reconnaissance juridique des unions entre personnes homosexuelles, 2003
Zénon Grocholewski, Congrégation pour l’éducation catholique, Instruction de la Congrégation pour l’Education catholique sur les critères de discernement vocationnel au sujet des personnes présentant des tendances homosexuelles en vue de l’admission au séminaire et aux Ordres sacrés, 2005

2) Conférence des évêques de France, La Formation des futurs prêtres, 1998 : « On rappellera que celui qui présente des tendances homosexuelles foncières a sa place dans les communautés chrétiennes où il doit trouver accueil et respect. Mais il ne sera pas appelé au ministère ordonné et devra en conscience orienter sa vie autrement. »
Conférence des évêques de France, Homosexualité et mariage, 2004
Conférence des évêques de France, Conseil Famille et Société, Elargir le mariage aux personnes de même sexe ? Ouvrons le débat !, 2012
3) Les Rencontres Fraternelles Aelred ; Devenir Un en Christ ; Réflexion et Partage ; Courage International
4) « Les 40 ans de D&J », DJ Actu, n°134, 2012, pp. 9-27
5) Code pénal, Article 227-25 : « Le fait, par un majeur, d’exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur la personne d’un mineur de quinze ans est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. »

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