Recep Tayyip Erdogan entame son mandat, et fait face à la forte opposition du Parti Républicain du Peuple.
Le nouveau président islamo-conservateur de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan, a prêté serment jeudi lors d’une cérémonie au Parlement, deux semaines après son élection à 52% dès le premier tout au suffrage universel direct, le 10 août dernier. Après douze années au pouvoir en tant que Premier ministre, l’homme âgé de 60 ans succède à Abdullah Gül, membre du même Parti pour la justice et le développement (AKP).
Après la passation de pouvoir, le nouveau Président a chargé le chef de la diplomatie Ahmet Davutoglu, son fidèle ami, de former le nouveau gouvernement, dont la composition sera rendue publique dans la journée. Erdogan compte ainsi, par le biais du nouveau Premier Ministre, étendre son pouvoir présidentiel, actuellement protocolaire, ce qui laisse présager une révision constitionnelle prochaine.
Le Figaro rapporte que selon des commentateurs politiques à Ankara, l’actuel chef des services de renseignement (MIT) Hakan Fidan ou le ministre aux Affaires européennes Mevlüt Cavusoglu pourraient succéder à Davutoglu à la tête de la diplomatie et les ministres en charge de l’Economie et des Finances devraient garder leurs portefeuilles, afin de rassurer les marchés financiers, à une heure où le pays enregistre un taux d’inflation à 9,32 % sur un an en juillet, et une croissance ralentie aux alentours de 4 % (contre 8% il y a deux ans).
En dépit de l’apparent plébiscite en faveur d’Erdogan élu au premier tour, l’intronisation de ce dernier est loin de s’être faite dans un climat d’apaisement. Les députés du principal parti d’opposition (le CHP) ont en effet quitté l’hémicycle avant le discours présidentiel de celui qu’ils qualifient d’“autocrate”, notamment depuis son refus d’abandonner ses fonctions de Premier ministre après sa victoire aux élections présidentielles.
A Istanbul, environ 200 jeunes manifestants d’un collectif d’opposition ont tenté de manifester près de la place de Taksim, qui fut déjà le théâtre de violentes répressions gouvernementales à l’encontre de manifestants durant l’été 2013. Le collectif de protestation a cette fois été évacué par la police, qui a fait usage de gaz lacrymogène et de canons à eau.
Dans les colonnes de l’Express, Nora Seni, ancienne directrice de l’Institut Français des Etudes Anatoliennes, explique que deux discours divergents cohabitent chez Erdogan: ”Aujourd’hui, il y a un discours politique à usage domestique et un autre qui vise la scène internationale occidentale”. Ce dernier tient en effet un discours radical face aux musulmans turcs majoritairement sunnites, et adresse à l’Occident un message axé sur la tolérance et le multiculuralisme turc.
Cette dualité, indique Seni, est importante pour comprendre la politique étrangère de la Turquie d’Erdogan, parfois compliquée à décrypter pour les Occidentaux.
Ce dernier a d’ores et déjà fait connaître son intention de demeurer Président jusqu’en 2023, date du 100e anniversaire de la République.
ST