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INTERVIEW. “Les miliciens de l’EI n’ont pas torturé et décapité des chrétiens”, précise Mgr Sako

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Gelsomino Del Guercio - aleteia - publié le 12/08/14
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Le Patriarche de Babylone des chaldéens confie à Aleteia collaborer avec le gouvernement pour conduire les réfugiés chrétiens jusqu’à Bagdad.
Transférer les innombrables réfugiées chrétiens à Bagdad pour éviter une catastrophe humanitaire. Le patriarche de Babylone des chaldéens, sa Béatitude Louis Raphaël Ier Sako, explique à Aleteia qu’il travaille, en synergie avec le gouvernement irakien, pour mener à bien la grande opération humanitaire au cours des prochaines heures. 

Actuellement, une grande partie des chrétiens chassés des villages et des villes de la plaine de Ninive se trouve dans des conditions précaires dans des structures d’accueil improvisées, et pleines à craquer. Dans la capitale, en revanche, il y aurait un meilleur contrôle d’un point de vue sanitaire, pour l’assistance médicale et la sécurité personnelle. Le Patriarche est également convaincu que les raids aériens américains ne suffiront pas à arrêter la pression et l’avancée des milices de l’EI

Monseigneur, que racontent les réfugiés ?
Mgr Sako : J’ai entendu leurs témoignages et ils sont dramatiques. J’ai déjà été en contact avec eux, au cours de ma visite à Erbil et dans les villages attaqués, avec quelques chrétiens de ce lieu. À les entendre, on se croirait revenus au Moyen-Age. Mon coeur pleure en se rappelant de ces moments si tristes et marqués uniquement par la peur, par la crainte d’être maltraités, frappés, tués. Ils n’ont plus rien, ni maison, ni ressources économiques après des années de sacrifices. Mais ils redoutent surtout le fait que cette situation dure très longtemps. 

Mark Arabo, homme d’affaires californien et leader chrétien, a récemment évoqué au micro de CNN un “génocide des chrétiens” et une “décapitation systématique des enfants” de la part de l’EIIL, en précisant qu’il existe à Mossoul “un parc où ont été décapités des enfants, et dont les têtes ont été enfilées sur de bâtons”. Pouvez-vous confirmer ou infirmer ces propos ?
Mgr Sako : Il n’y a rien eu de ce genre. Aucune décapitation. A Mossoul, de l’argent a été volé, mais les chrétiens n’ont pas été attaqués physiquement. Il y a eu un exode de masse et beaucoup de panique dans la plaine de Ninive. Les personnes ont été littéralement chassées de leurs propres villages. Il n’y a eu qu’un mort, un homme qui a tenté de traverser un check point dans un moment de tension.

Est-il vrai que les militants de l’EIIL exigent des taxes de la part des chrétiens pour les avoir épargnés, et qu’ils kidnappent les femmes pour en faire leurs épouses ? 
Mgr Sako : Les deux nouvelles sont vraies. Il y a eu des enlèvements de femmes chrétiennes, de même que l’exigence de taxes. Ces fanatiques islamiques demandent en particulier de l’argent aux chrétiens pour leur permettre de retourner dans leur maison. Mais les chrétiens de leur font pas confiance. Ces gens là changent constamment d’idée : ils ne sont pas fiables. Il se peut qu’un chrétien paie aujourd’hui, qu’il rentre chez lui pour y vivre en paix et que demain les milices l’attaquent à nouveau avec des conséquences que l’on ignore.

Le gouvernement de Bagdad a accusé les jihadistes sunnites de l’EIIL d’avoir jeté des centaines de Yézidis dans les fosses communes, avec parmi eux des femmes et des enfants. Que pouvez-vous nous en dire?
Mgr Sako : Ce qui s’est passé pour les Yazidis est vrai. Plus de mille femmes ont été capturées en emmenées. Beaucoup d’enfants sont morts aussi. Ces gens n’ont ni nourriture ni eau et se sentent isolés du reste du monde. Ils ne savent que faire ni où aller.

Au sujet de la crise irakienne, Mgr Silvani Maria Tomasi, Observateur permanent du Saint-Siège pour l’ONU de Genève, a dit que “l’action militaire était une nécessité dans ce contexte”. Que pensez-vous de l’intervention militaire américaine?

 

 

Mgr Sako : Les frappes partielles ne suffisent pas. La solution de cette crise ne peut se trouver que par un accord plus ample avec l’implication du gouvernement curde et du gouvernement central irakien. Sans une stratégie globale, le rêve de voir les gens rentrer chez eux ne se réalisera jamais !

En ce moment, les chrétiens ont-ils le droit de s’organiser pour se défendre ou leur conseillez-vous de se résoudre plutôt à la fuite? 
Mgr Sako : Comment pourraient-ils s’organiser? Ils sont avant tout en nombre réduit, de 400 à 500 000 en tout. Et la plupart d’entre eux ont déjà fui les villages. Ils sont tous éparpillés. Ensuite, étant donné leur situation actuelle, ils ne seraient même pas en mesure de donner vie à une milice. D’autant plus qu’il ont en face des extrémistes aguerris !
 

Quels sont les scénarios possibles des prochains jours selon vous?
Mgr Sako : Je crains que la situation n’empire. Il y a un vrai problème dû aux réfugiés, à l’urgence humanitaire et un autre problème d’ordre politique. Je ne vois pas d’issue pour le moment. Le monde entier doit se mobiliser pour la situation de l’Irak, faute de quoi une solution stable et permanente, à mon avis, s’éloignera irrémédiablement.

Vous excluez un dialogue avec les jihadistes de l’EIIL?
Mgr Sako : Pouvez-vous m’indiquer comment dialoguer avec un fanatique ? Vous avez face à vous un mur, et c’est tout ! Moi-même, au début de la crise, j’ai essayé de discuter avec l’un d’entre eux, mais c’est difficile, il n’y a aucune confiance, et ils changent d’avis continuellement.

Y a-t-il un risque que l’influence de ces extrémistes islamistes puisse atteindre Bagdad ? 
Mgr Sako : Il y a le risque qu’ils trouvent des sympathisants. Il leur sera difficile d’arriver jusqu’à Bagdad, mais ce n’est pas impossible pour autant.

Comment l’Eglise catholique essaye-t-elle d’agir pour le drame des réfugiés?
Mgr Sako : Dans toutes les églises du pays, nous avons installé des écoles, des dortoirs, des espaces pour manger. Dans chaque ville, dans les environs des villes attaquées par les milices, les zones d’accueil sont bondées. A présent, la meilleure chose à faire reste de transférer le plus de personnes possible vers Bagdad. Je suis en contact avec le gouvernement pour que cela se fasse.

De quelle façon ce transfert devrait-il s’opérer?
Mgr Sako : Les voies terrestres sont fermées, l’unique possibilité est la voie aérienne. Ici dans la capitale, nous avons plus d’espaces pour accueillir les gens qui risquent l’épuisement d’un moment à l’autre. Et puis il y a des hôpitaux et des lieux pour les soigner. Vingt familles ont déjà quitté l’enfer et sont arrivées à Bagdad, mais nous faisons tout pour en accueillir d’autres sous peu.

*Interview traduite de l’édition italienne d’Aleteia par Solène Tadié
 

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