La condamnation d’une ex candidate FN à neuf mois de prison ferme pour avoir ignominieusement comparé la Garde des sceaux à un singe est préjudiciable à la justice…et à la victime !
Anne-Sophie Leclère, candidate FN dans les Ardennes, avait trouvé spirituel de publier sur Facebook une photo comparant Christiane Taubira, ministre de la Justice et garde des Sceaux, à un singe. Attaquée par le « mouvement guyanais Walwari », cette ardennaise a été jugée…en Guyane et condamnée à rien moins que 9 mois de prison ferme, 5 ans d’inéligibilité, à verser 50 000 euros de dommages et intérêts au mouvement Walwari.
Un verdict beaucoup plus lourd que les réquisitions du procureur et excédant même que ce que prévoit le Code pénal. Le Front National, bien qu’il eût exclu sa piètre candidate après cette publication aussi révoltante qu’inepte, a quant à lui écopé d’une amende de 30 000 euros.
« L’ex-candidate FN aux municipales à Rethel (Ardennes) va faire appel de sa condamnation », rapporte Libération.
« Ne soupçonnons jamais la justice », venait de prêcher le président de la République le 14 juillet. Or ce jugement extravagant ne tient pas la route, d’où une gêne visible jusque dans les rangs de la majorité. Et permet au Front National, qui lui aussi fait appel, de dénoncer un « jugement politique ».
Sans surprise, le FN qualifie le procès de « chausse trappe », rapporte Le Monde : «On voit bien que c’est un jugement politique. C’est le mouvement Walwari créé par Madame Taubira en 1993 qui est à l’origine de la plainte à Cayenne», a souligné le vice-président du Front National. «C’est grotesquement disproportionné si l’on compare à d’autres coupables», a poursuivi Florian Philippot, qui commentait ce verdict sur BFMTV et RMC, en donnant plusieurs exemples de condamnations inférieures à 9 mois pour des faits notoirement plus graves qu’une insulte, même insupportable. « La justice est impitoyable quand Madame Taubira est victime. Elle est beaucoup plus laxiste et douce quand ce sont d’autres victimes», poursuit-il, assurant que «l’ombre de Madame Taubira est derrière tout cela ». Il affirme en outre que le FN n’avait pu trouver d’avocat pour le défendre en Guyane et que sa demande de récusation du président du TGI guyanais, pour appartenance au Syndicat de la magistrature, n’a pas été entendue. «Le Front national, comme parti politique, se retrouve condamné. A quel titre? Le Front national n’a jamais donné les moyens à Mme Leclère d’avoir ces propos-là. Dans le droit français, il n’y a pas de responsabilité pénale d’une personne morale pour un délit relatif à la liberté d’expression. Ce jugement n’a pas de légalité, nous irons évidemment en appel», a ajouté Florian Philippot.
Moins attendu, ce commentaire, sur RTL, ce matin, d’ Alain Jakubowicz président de la Licra : " Est-ce que le Front National doit être juridiquement et pénalement tenu pour responsable des propos tenus de Madame Leclère ? J’avoue que je suis un peu sceptique sur le plan juridique et non moral." "Peut-être que la peine est trop lourde", a concédé sur France Info, la sénatrice EELV du Val-de-Marne, Esther Benbassa, tout en jugeant la condamnation d’Anne-Sophie Leclère «nécessaire ». Peu encline à l’indulgence envers le Front National, la député européenne Nadine Morano (UMP) a quant à elle tweeté : « 9 mois ferme pour avoir traité Taubira de singe, j’espère que pour m’avoir traitée de salope Bedos sera logé à la même enseigne ».
Le fait est, énumère l’écrivain Laurent Obertone dans Valeurs actuelles, que « pour prendre neuf mois ferme, il faut forcer un barrage et blesser sept policiers (Ouest-France, 1er juillet 2014), tabasser sa femme jusqu’à lui briser les côtes et agresser un unijambiste à l’aide d’une massue à pics (L’Observateur du Valenciennois, 9 mai 2011), (…) tirer des coups de feu sur quelqu’un (L’Observateur du Douaisis, le 29 octobre 2011), être président local de SOS racisme, militant anti-violence, et défigurer sa compagne à coups de pied au visage, "avec acharnement", jusqu’à lui déchausser quatre dents, lui fracturer le nez, la couvrir de sang des pieds à la tête (la Voix du Nord, le 9 août 2012), se livrer à une séance de torture raciste sur un étudiant blanc -agression, séquestration, vol- (Métro, 20 juin 2013). »
Gare à la justice d’exception, s’insurge l’ancien juge d’instruction puis avocat général Philippe Bilger dans Le Figaro . Pour lui, « le tribunal a perdu toute mesure » : « Est-il nécessaire de souligner que pour des infractions beaucoup plus préoccupantes pour la tranquillité publique et l’intégrité des personnes, on connaît peu de jugements de ce type, surtout à l’encontre de prévenus n’ayant jamais été condamnés comme Anne-Sophie Leclère ? Est-il même utile de rappeler que la justice pénale n’a de réelle légitimité que si elle sait mettre en relation, en lien le plus grave avec le moins grave, l’inacceptable avec le préjudiciable, les mots avec les actes ? Qu’on songe aux procédures ayant impliqué des politiques et qu’on examine la décision de Cayenne à leur lumière! On ne pourra que relever alors à quel point cette dernière a prétendu marquer le coup par une justice pour l’exemple, ce qui est la pire des justices. »