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Euthanasie : le docteur Bonnemaison aux assises pour sept empoisonnements

FRANCE, Pau : Le docteur Nicolas Bonnemaison (C), accompagné de son avocat, me Arnaud Dupin (G), répond aux journalistes le 06 septembre 2011, après son comparution devant la cour d'appel de Pau. Nicolas Bonnemaison, 50 ans, praticien aux urgences à l'hôpital de Bayonne, est soupçonné d'avoir pratiqué des injections de substances ayant entraîné le décès immédiat d'au moins quatre personnes âgées au cours des cinq derniers mois. Il a été mis en examen le 12 août dernier pour "empoisonnements sur personnes particulièrement vulnérables", mais remis en liberté sous contrôle judiciaire. AFP PHOTO / PIERRE ANDRIEU

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Philippe Oswald - publié le 11/06/14
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Ce médecin de l’hôpital de Bayonne avait décidé qu’il est plus « digne » de mourir d’une piqûre létale que de mort naturelle. Il comparaît pour homicides volontaires, mais les partisans de l’euthanasie comptent sur son acquittement.11/06/2014

Le procès de Nicolas Bonnemaison s’ouvre ce mercredi 11 juin devant les assises des Pyrénées-Atlantiques à Pau. Il devrait durer deux ou trois semaines. L’ancien urgentiste de l’hôpital de Bayonne (il a été radié de l’Ordre des médecins) est accusé d’avoir fait passer de vie à trépas, entre avril et août 2011, sept patients, sans même consulter ses pairs ni les familles des victimes, dont l’une a porté plainte pour empoisonnement.

« Le médecin, en liberté surveillée depuis 2011, assume ses actes et explique avoir fait preuve de compassion afin de préserver la dignité des patients » résume Sud-Ouest. Mais  durant l’instruction, les soignantes des urgences qui l’avaient dénoncé ont raconté qu’à deux reprises, le docteur Bonnemaison avait parié avec un aide-soignant sur le décès à très court terme de patients dans un état grave mais stable. Ayant notamment parié « un gâteau » qu’une femme de 86 ans ne passerait pas la nuit, il avait ensuite réclamé sa pâtisserie…C’est la famille de celle-ci qui a porté plainte. En revanche, les six autres familles ne se sont pas portées partie civile ; l’épouse d’un des patients décédés a même annoncé son intention de témoigner en faveur du médecin. Les partisans de l’euthanasie font circuler une pétition de « soutien inconditionnel » qui aurait recueilli  60.000 signatures. En outre, 250 médecins ont dénoncé dans une lettre ouverte à François Hollande la radiation de l’urgentiste (un soutien du corps médical dont n’avait pas bénéficié Christine Malèvre, l’infirmière condamnée en 2003 à 12 ans de réclusion criminelle pour des faits similaires à Mantes-la-Jolie). Pour ce procès qui s’annonce emblématique, plus de 70 témoins sont cités à la barre, dont le député Jean Leonetti, auteur de la loi en vigueur sur l’accompagnement des personnes en fin de vie, et les anciens ministres Bernard Kouchner et Michèle Delaunay.

« Quelle différence y a-t-il entre un empoisonnement et une euthanasie ? demande le Figaro. À supposer qu’un empoisonnement soit considéré comme un geste charitable, quelle peine une cour d’assises doit-elle infliger à celui qui l’a commis, quand le Code pénal ne connaît pas l’euthanasie mais punit l’homicide volontaire de la réclusion criminelle à perpétuité ? La loi Leonetti admet un droit au «laisser mourir» mais proscrit, comme d’ailleurs le serment d’Hippocrate, le geste qui provoque la mort à dessein. »

C’est donc le débat sur l’euthanasie qui est relancé par ses partisans à l’occasion de ce procès, alors même que l’ancien médecin assure qu’il n’a pas voulu poser un acte militant –ce qu’il affirme ne pas être. « Ceux qui feront de ce procès une tribune en faveur d’une légalisation de l’euthanasie se trompent de combat, affirme dans La Croix Bernard Devalois, responsable du service de médecine palliative de l’hôpital de Pontoise et ancien président de la Société française de soins palliatifs. Car aucune loi au monde n’autorisera jamais un médecin à pratiquer des injections létales sans demande explicite des patients. Ce procès, c’est surtout de celui de la toute-puissance médicale. Même s’il est certainement possible de trouver des circonstances atténuantes au docteur Bonnemaison, le rôle de la justice est aussi de fixer des limites et de dire qu’un médecin n’est pas au-dessus de la loi. »

Mais ceux qui veulent faire sauter le verrou de la loi Leonetti font flèche de tout bois. Et ils peuvent se targuer du soutien du président de la République : en janvier dernier, François Hollande a appelé de ses vœux une loi permettant, «dans un cadre strict», à une personne majeure atteinte d’une maladie incurable, de demander «une assistance médicalisée pour terminer sa vie en dignité». Bien que le Comité national d’éthique ait recommandé de ne pas légaliser l’euthanasie ni le suicide assisté (avis de juillet 2013), le texte de loi pourrait être présenté d’ici à la fin de l’année.

« Encadrement strict », « dignité » : on reconnaît les mots codés repris en boucle par presque tous les medias. A partir du moment où l’on prétend « encadrer » une transgression, on l’avalise ( « On encadre les dérives, puis l’on dérive avec le cadre » selon la percutante formule de Jean-Marie Le Méné, le président de la Fondation Lejeune). Quant à savoir s’il est plus « digne » de mourir de mort naturelle ou piqué comme un animal, chacun peut en juger …mais c’est encore un faux débat, si l’on tient que l’on ne dispose pas d’une vie humaine, quelle qu’elle soit. En revanche, le champ des soins palliatifs reste à l’aube du XXIe siècle un large chantier à explorer et à développer grâce aux progrès spectaculaires de la médecine et de la pharmacie.

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