Face à tous ceux qu’inquiète cette élection “de maréchal”, les chrétiens positivent : « Sissi est l’homme de la situation », assure le vicaire apostolique d’Alexandrie, Mgr Adel Zaky.09/06/2014
Moins d’un an après le renversement de Mohamed Morsi, premier islamiste et premier civil à présider le pays, l’ancien chef d’état-major Abdel Fattah al Sissi a été investi à la présidence égyptienne dimanche 8 juin. Devant les juges de la Cour suprême constitutionnelle, le maréchal a juré de « protéger la République, de respecter le droit et d’agir dans l’intérêt du peuple ».
Les Egyptiens ont élu Abdel Fattah al Sissi fin mai à la quasi-unanimité (97% des suffrages). Mais moins de la moitié des électeurs se sont rendus aux urnes, révélant un pays fatigué par trois années de crise violente et de balbutiements politiques, depuis le renversement d’Hosni Moubarak en 2011, qui tenait le pays d’une main de fer depuis 30 ans (cf. Aleteia).
Par mesure de sécurité, chars et véhicules blindés étaient postés aux endroits stratégiques de la capitale où sont venus assister à la prise de fonction du nouveau président l’émir du Koweït, le roi du Bahreïn, les princes héritiers d’Arabie saoudite et d’Abou Dhabi. Mais côté occidental, n’étaient présentes que de petites délégations de second rang, signe du malaise des alliés de l’Egypte. En juillet 2013, le général Al Sissi se trouvait à la tête de l’armée qui a destitué le Président Mohammed Morsi, donnant à ces nouvelles élections un visage nettement moins « démocratique ». Dans un pays qui a déjà connu deux révolutions en trois ans, la crainte du retour à un régime autoritaire est très perceptible.
Seuls les chrétiens coptes ont participé en masse aux élections. Dès la victoire d’Abdel Fattah al Sissi, les patriarches copte catholique, Ibrahim Isaac Sidrak, et copte orthodoxe Tawadros II, ont invoqué sur le nouveau président la bénédiction et l’aide de Dieu face aux urgences que le pays devra affronter d’Egypte (Fides). Dans ses déclarations publiques passées, Al Sissi n’avait manifesté aucun signe de fanatisme religieux et ne faisait pas de distinction entre chrétiens et musulmans, fait valoir Mgr Adel Zaky, vicaire apostolique d’Alexandrie et chef des chrétiens catholiques romains d’Égypte, auprès de l’organisation internationale Aide à l’Eglise en Détresse (AED). Selon l’évêque franciscain, « Sissi est la bonne personne au bon moment », sa victoire offre aux chrétiens « la sécurité et des perspectives d’avenir », et le pays va « vers des temps meilleurs ».
Mgr Zaky rejette les critiques de l’Occident : « Si le général Al Sissi n’avait pas été à la tête de l’armée, nous aurions eu une guerre civile. Nous aurions fait face à la même situation qu’en Irak. Le peuple n’avait aucun moyen de lutter contre les frères musulmans. L’armée n’est intervenue que quand le peuple l’a appelée. L’armée n’est pas entrée en action d’elle-même… Oui, Morsi a été élu. Mais les gens ont vu que sous son pouvoir, le pays menaçait de tomber en ruine. Le peuple lui a donc retiré sa confiance pour éviter le pire ».
Ceci étant, pour les chrétiens, il est maintenant crucial que le nouveau président mette en œuvre la Constitution révisée après la chute de Morsi et adoptée par référendum. « Il s’agit d’un texte soigneusement élaboré. S’il est appliqué, il satisfera toutes les parties de la société égyptienne : les femmes, les travailleurs, les chrétiens ou les musulmans » estime Mgr Zaky. Et d’ajouter : « L’Égypte a maintenant besoin d’une main forte. Cela fait trois ans que le pays s’enfonce dans le chaos. Il faut que quelqu’un applique à nouveau les lois, et à cet égard, ne fasse aucune différence entre les citoyens. »
Dans son discours à la nation, dimanche soir, au Palais el-Quba , le Président Sissi a consacré un large passage aux chrétiens, soulignant « le rôle saillant » que l’Eglise a joué dans l’histoire de l’Egypte, et « son incontestable contribution à la sauvegarde de l’unité nationale » contre ceux « qui fomentaient des conflits à l’intérieur du peuple égyptien ».