Le succès de la jeune ursuline italienne en finale de The Voice Italie est dû à son talent et à son audace évangélique. Beaucoup cependant s’en inquiètent. A tort ou à raison ?08/06/2014
Sœur Cristina, 25 ans, s’est « éclatée » et a crevé l'écran tout au long du concours TV The Voice. Bien avant son triomphe final (cf. Aleteia), elle était devenue une star mondiale, enflammant les réseaux sociaux (les vidéos de ses prestations sur Aleteia dans toutes les langues ont pulvérisé les records de « like »). Chantant en anglais avec autant d’aisance qu’en italien, capable de passer de la techno la plus…endiablée à la mélodie la plus charmeuse, cette sicilienne au doux visage a montré sur scène un tempérament de feu. Sa très classique -et, disons-le, pas très sexy- tenue de religieuse, chaussures tout-terrain et lunettes fonctionnelles comprises- en contraste détonant avec les panoplies de ses accompagnateurs, musiciens et danseurs, aurait pu la rendre tout simplement ridicule ; elle a créé au contraire un effet de surprise et mis comme un sceau d’originalité sur sa prestation. Impossible aujourd’hui pour ses dizaines de millions de « fans » d’imaginer sœur Cristina vêtue autrement ! L’habit ne fait pas le moine, dit-on, n’empêche qu’il y contribue. Son habit de religieuse appartient à l’identité profonde de sœur Cristina. Dans ce petit monde du spectacle, elle seule, au fond, n’était pas déguisée.
Voilà ce qu’ont perçu tous les spectateurs habituels de The Voice et tous ceux qui les ont rejoints en cours de route grâce au succès croissant de sœur Cristina. Dans un monde assoiffé d’ « authenticité » (un mot dont on use et abuse), elle est apparue telle qu’en elle-même : sans fards (bien sûr !) mais surtout sans masque parce que sans peur, car avant de se donner au public, elle s’est donnée à Dieu. N’a-t-elle pas elle-même livré ce grand secret de sa vie en priant le « Notre Père » et en invitant chacun à se joindre à sa prière au terme de sa triomphale prestation ?
Pour autant, il ne faut pas renvoyer d’un haussement d’épaules ceux qui objectent que la place d’une religieuse n’est pas sur une scène de spectacle et que sa vocation n’est pas de parvenir au faîte d’un hit-parade. Sœur Cristina ne démentirait pas. Mais voilà, c’est arrivé et ce n’était pas vraiment un hasard : elle-même l’a dit, elle a don, et nos dons ne sont pas faits pour être mis sous le boisseau car ils viennent de Dieu. Quant à l’itinéraire qui l’a conduite à The Voice, on lira dans Aleteia le témoignage du père Raffaele Giacopuzzi, le directeur artistique du Good News Festival qui l’a en quelque sorte menée par la main jusqu’à cette finale. A juste titre, il observe la parfaite harmonie entre l’audace confiante et donc humble, de sœur Cristina tout au long de cette aventure (qui pourrait d’ailleurs se poursuivre, dans l’obéissance à ses supérieurs, si telle est la volonté de Dieu), et l’élan missionnaire décomplexé que le pape François veut insuffler à toute l’Eglise en l’envoyant vers les « périphéries quelles qu’elles soient… au risque d’accidents éventuels ! ». Bien entendu qu’il y a des risques (les plus anciens des francophones se souviennent du naufrage de la dominicaine « Sœur Sourire » dans les années soixante) mais qui ne risque rien n’a rien ! La parabole de l’intendant peureux qui a enfoui son talent au lieu de le faire fructifier devrait nous effrayer bien davantage que celle de l’intendant filou dont le maître fit l’éloge parce qu’il s’était tiré d’affaire en se faisant des amis. Quand il s’agit d’évangéliser, et de chanter non pour sa propre gloire mais pour celle de Dieu, tout ce que l’amour suggère est bon ! « Ama et fac quod vis » : aime et fais ce que tu veux, disait saint Augustin. « Tantum potes, tantum aude » : ose de tout ton pouvoir ! lui a fait écho saint Thomas d’Aquin dans l’admirable séquence « Lauda Sion » de la Fête Dieu.