Dans son édition du 19 avril, The Economist compare le Pape à un patron de multinationale et essaie d’expliquer l’”effet François” via des principes de management.
18/04/2014
Après Mark Zuckerberg et Jeff Bezos, le pape François pourrait bien devenir un nouveau cas d’étude dans les plus grandes écoles de management. C’est en tout cas l’idée défendue par le célèbre hebdomadaire The Economist, dans un article à paraître ce samedi dans sa version papier. Appliquer les méthodes traditionnelles de stratégie d’entreprise à l’Église catholique permettrait ainsi, selon le journal britannique, de mieux comprendre l’ « effet François ». Si le parallèle semble cocasse, est-il bien réaliste ?
Cet article repose sur l’idée que l’entreprise étudiée est l’Église catholique ; le pape François y tiendrait le rôle de directeur général ; la Curie serait le conseil d’administration ; les prêtres, les commerciaux ; les catholiques, les clients et le monde, le marché potentiel.
Pour introduire sa démonstration, l’auteur (anonyme) dresse un rapide bilan. À son arrivée il y a un an, le pape François aurait retrouvé son entreprise en crise, entachée de scandales, avec une « force de vente déprimée » et n’arrivant plus à recruter. Tel Steve Jobs reprenant les rênes d’Apple en 1997, le pape François serait donc l’homme « prophétique » venu relever l’entreprise deux fois millénaire.
En un an, nous aurions ainsi assisté à un « retour au business ». Les ventes d’objets dérivés de la marque « François » auraient grimpé et la popularité du PDG atteint les 85% parmi les clients fidèles. Mais comment expliquer qu’un septuagénaire argentin ait pu remettre au goût du jour la « plus vieille multinationale au monde » ? Pour The Economist, c’est très simple : François aurait usé de quelques principes de management.
Face à une entreprise en crise, il y a peu de recours. Le pape François a choisi celui, bien connu des managers, de recentrer l’entreprise sur son cœur de métier. Ici, le souci des plus pauvres. Et il n’y est pas allé de main morte. Prenant lui-même le nom de Saint François d’Assise, il a joué la carte de la proximité en voulant vivre avec les autres cadres de l’entreprise, dans la résidence Sainte-Marthe. Autre fait majeur souligné par The Economist, François a également changé de chaussures. Aux antiques escarpins rouges portés par ses prédécesseurs, il a privilégié de simples souliers noirs.
Aussi, la nouvelle ligne prise par l’entreprise a permis à l’Église catholique de concentrer ses efforts (méthode empruntée à la stratégie militaire) sur les dossiers clés. À noter cependant que la « poor-first strategy » (stratégie de priorité aux pauvres) serait en priorité adressée à l’Amerique du Sud, terre d’opportunités mais aussi de menaces puisque la part de marché diminue depuis quelques années au profit de celle des évangélistes.
Dans le même temps, le Pape a voulu restructurer en interne. En faisant appel à un cabinet de consultants, son G8 (conseil des huit cardinaux), il compte bien remettre de l’ordre dans l’organisation vaticane et ses finances. Enfin, François a désiré repositionner sa « marque ». Même s’il garde les fondamentaux doctrinaux, The Economist aurait remarqué un changement dans la façon d’aborder les sujets sensibles de société…
L’histoire est certes plaisante mais reste bien superficielle. Elle montre toutefois que le succès du pape François suscite l’intérêt des analystes du monde entier. À cet égard, l’article de The Economist rappelle la remarque que faisait Benoît XVI dans la préface de Jésus de Nazareth. Pour le Saint Père émérite, on ne pouvait séparer le « Jésus historique » du « Christ de la foi » au risque de manquer l’essentiel.
Dans le cas du pape François, occulter la foi et la tradition de l’Église rend l’analyse de son pontificat et du magistère vaine car incomplète. S’il est certain que le Pape argentin est un bon communicant, doué d’un grand charisme, la source de sa force est sûrement davantage fondée dans la prière et l’esprit saint que dans des principes de management.