Un mot me vient à l’esprit au moment d’aborder la semaine sainte : celui de « tumulte », qui désigne un « gonflement », une « agitation désordonnée », un « trouble », un « vacarme ». Ce tumulte est par exemple celui de l’actualité et des tensions qu’elle engendre, jusqu’à provoquer puis faire gonfler un état de choc collectif latent. C’est le tumulte de l’histoire, c’est notre condition humaine.
Bien évidemment, le tumulte de l’histoire atteint aussi l’Eglise. Comment en serait-il autrement ? Les agitations de ce temps atteignent par exemple l’assemblée des évêques de France à Lourdes. Il y a de la tension dans l’air ; et c’est bien normal.
La première fois que je suis allé à Lourdes, j’étais un jeune homme sur le chemin des JMJ de Compostelle. J’ai encore en mémoire l’homélie du 15 août du cardinal Lustiger, entendue par la foule dans un silence religieux. J’ai encore en mémoire la pensée qui est venue à mon jeune esprit : il se passe quelque chose ici, quelque chose de surnaturel.
Lourdes, c’est ce lieu où la Sainte Vierge s’est manifestée à la petite Bernadette, qui est pour moi l’exemple de la simplicité d’âme. Lourdes, c’est ce lieu où s’exprime la mystérieuse beauté de la foi populaire. Lourdes est ce lieu où se révèle dans les cœurs simples le secret de Dieu, où rayonne dans les cœurs pauvres la lumière de Dieu.
Le peuple qui se presse à la grotte et dans les piscines reçoit davantage de lumière que nos raisonnements humains ne pourront jamais en produire. D’une certaine manière, nos raisonnements humains sont obscurcis par les ténèbres des passions humaines.
Ce sont ces ténèbres qui conduisent le Christ au Golgotha. Quel contraste avec la lumière de Dieu ! Peut-être les ténèbres qui nous habitent ont-elles le mérite de faire surgir dans l’homme intérieur dévasté la soif de la lumière de Dieu ? Cette lumière est salvatrice car elle nous fait voir notre pauvreté. Elle peut nous faire voir, notamment, la vanité de nos pensées humaines. Quel contraste entre les pensées de Dieu et les pensées des hommes ! Dieu est le « tout autre », ses pensées sont tout autres.
Mais Dieu n’est pas très causant, comme disait ma grand-mère. « Qui a connu les pensées du Seigneur ? », questionne la Sainte Ecriture. Se pourrait-il que Dieu s’exprime dans le « silence de Dieu » ? Ce « silence de Dieu » est l’inverse du tumulte. Imaginons un instant que Dieu surgisse dans le tumulte pour dire qui a tort et qui a raison dans nos débats humains. Une telle perspective semble incongrue, à l’opposé de la nature de Dieu.
C’est aussi dans le silence que Dieu est Dieu. Ce silence n’est pas indifférence. Dieu n’est pas indifférent, il est différent. Il est radicalement différent de nous, il est tout autre.
Le Samedi Saint, j’aime me rendre devant le tabernacle ouvert et vide pour y goûter le silence de Dieu au tombeau, pour chercher Dieu dans son apparente absence. Ce tabernacle vide stimule en effet le désir de chercher Dieu. Ce Dieu qui se laisse trouver dans le silence, là où le tumulte de nos passions humaines apparaît dans toute sa vanité.
(Chronique diffusée sur l'antenne de Radio Espérance le 11 avril 2014)