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Manuel Valls devant l’Assemblée nationale : haute voltige

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Philippe Oswald - publié le 09/04/14
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Brillant discours de politique générale du Premier ministre qui a obtenu le vote de confiance de la majorité. Mais sous le brillant, il n’y avait pas grand-chose à se mettre sous la dent. Quant à la confiance…09/04/2014

Ce fut un beau discours, court (trois quarts d’heure), percutant. Et ce fut un discours profondément décevant. Sans doute faut-il tenir les deux bouts de cette chaîne improbable pour qualifier honnêtement le discours de politique générale de Manuel Valls.

L’exercice est toujours périlleux devant une Assemblée nationale qui ne fait pas de cadeau (soit dit en passant, ceux qui vocifèrent en permanence sur les bancs de l’opposition donnent une bien piètre image du parlement). Valls l’a accompli avec brio, un certain panache, du lyrisme même, avec des phrases émouvantes sur son histoire personnelle d’émigré espagnol-catalan choisissant la France.

Il a voulu « dire la vérité aux Français ». Beau mot que celui de « vérité », ce n’est pas à Aleteia que l’on dira le contraire. Serait-ce donc qu’il y a encore des responsables politiques qui croient à l’existence d’une vérité et non au pur pragmatisme ? « Qu’est-ce que la vérité ? » disait déjà Pilate…Du coup, les Français ont perdu la confiance et l’estime de ceux qui conduisent la politique, qu’ils soient de gauche ou de droite : « La parole publique est devenue une langue morte », analyse justement Valls… en énumérant les fléaux qu’il n’a pas pu ou su juguler en tant que ministre de l’Intérieur : « racisme », « incivilités », «cambriolages »…Pour une majorité croissante de nos concitoyens, « beaucoup de souffrance, peu d’espérance », a reconnu Manuel Valls. 

Mais entre ces morceaux de bravoure et ces moments d’émotion, chacun est resté sur sa faim. Une question, en particulier, était sur toutes les lèvres à propos du fameux "pacte de responsabilité" concocté par le Président de la République : comment fait-on avec les 50 milliards de réduction des dépenses sur trois ans ? 19 milliards seront à la charge de «l’État et ses agences», 10 de l’Assurance-maladie et 10 des collectivités, a survolé le ministre. 11 milliards manquent à l’appel…«Le reste viendra d’une plus grande justice, d’une mise en cohérence et d’une meilleure lisibilité de notre système de prestations», a ajouté le Premier ministre. Le « reste » c’est donc une paille de 11 milliards à ponctionner sur les budgets de l’emploi, de la famille ou la solidarité. Et justement, n’oublions pas qu’il y a aussi le "pacte de solidarité " en faveur des plus défavorisés, annoncé par François Hollande en symétrie du "pacte de responsabilité ". Une mesure présentée comme un équilibrage mais qui relève surtout de l’équilibrisme avec 20 à 25 milliards d’euros supplémentaires de baisse des prélèvements, ce qui rend définitivement fantasmagoriques les 50 milliards d’économie.

Une déclaration de politique générale n’a pas à descendre dans les détails, mais il faut tout de même donner les grandes lignes du "comment" sans lequel on donne l’impression d’une nouvelle opération d’enfumage. On verra ce que donnera dans une quinzaine de jours la présentation à l’Assemblée du nouveau «programme de stabilité et de la trajectoire des finances publiques» pour les trois ans à venir, qui sera adressé à Bruxelles (car le vrai patron n’est pas à l’Elysée).

L’autre grand mystère non dissipé concerne les réformes structurelles  à mettre en œuvre, sur les trois dernières années de la fin du quinquennat, pour «retrouver notre indépendance financière». Il est vrai que ce qu’a annoncé Manuel Valls concernant la restructuration du « mille-feuille » territorial (mais alors pourquoi la gauche avait-elle mis à la poubelle la réforme lancée par Sarkozy ?) a soulevé presque aussitôt une levée de boucliers dans les rangs de la droite comme de la gauche. En politique-politicienne, on ne sort de l’équivoque qu’à son détriment…

En revanche, Manuel Valls s’est bien gardé de sortir du bois concernant la poursuite des réformes «sociétales ». Il les a évoquées en passant, comme s’il s’agissait d’un parcours obligé, mentionnant par exemple le mariage homosexuel comme un exemple de la «tolérance française » (sic !) ; mais il serait téméraire d’en conclure que son gouvernement lâchera prise, notamment sur l’euthanasie qui se profile dans le « prolongement de la loi Leonetti » sur les questions de fin de vie. Disons que, pour l’heure, il a d’autres chats à fouetter.

En somme, ce fut un discours pour la forme, un exercice imposé. Tout est encore à démontrer devant une opposition qui déborde aujourd’hui largement sur la Gauche et sur les Verts, lesquels ont voté une confiance « critique », « conditionnelle », «  vigilante » selon le député écologiste François de Rugy. Et surtout, devant les Français.
 
 
 

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