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Mafia : le Pape a rencontré 700 familles de victimes

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Lucandrea Massaro - aleteia - publié le 22/03/14
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Cette rencontre au cours de laquelle le Saint-Père a pressé les mafieux de se convertir sous peine d’aller en enfer, symbolise la poursuite de l’engagement de l’Eglise contre la mafia.

21/03/2014

Le pape François a rencontré ce vendredi 700 familles de victimes de la mafia qui sévit en Italie, et a prié avec elles, lors d’une veillée au sein de l’église romaine de Gregorio VII. C’est en effet le premier jour de printemps que se célèbre la « Journée en mémoire des victimes innocentes de la mafia », promue par la Fondation « Libera » et présidée par le Père Luigi Ciotti (Corriere della Sera, 16 mars).

«Convertissez-vous, il est encore temps pour ne pas finir en enfer. C'est ce qui vous attend si vous continuez sur cette voie», a lancé le pape François à l'intention des mafieux, vendredi soir, en prenant la parole brièvement après une fervente veillée de prière où les noms de plus de 700 victimes de la mafia ont été lus, les uns après les autres, dans cette église proche du Vatican.

Dans un message de remerciement au Souverain pontife, le Père Luigi Ciotti déclare : « L’attention du Pape à accompagner les proches en ce temps plein de douleur mais également d’espérance, est le signe d’une sollicitude toute particulière et d’une sensibilité qui les a touchés dès le premier instant. Une attention envers la fragilité, la blessure, la douleur. Mais aussi envers ces sujets préoccupants que sont la mafia, la corruption, et les nombreuses injustices qui blessent la dignité de l’homme. C’est la voix d’une Eglise qui lie le Ciel et la Terre, et qui, par son indignation, annonce le Salut. Beaucoup de ces victimes étaient des personnes « justes ». Des personnes qui n’ont pas hésité une seconde à consacrer leur vie au service des autres, au risque même de la perdre.
Le don qu’ils nous ont laissés, c’est cette conscience juste, au-delà des lois.
Il est désormais de notre devoir de partager  ce don quotidiennement. Et le fait de le partager avec le pape François est la plus belle des joies. Pour les proches de ces innocents, victimes de la mafia, la rencontre avec le Pape est un véritable cadeau. » (Message pour la « Journée en mémoire des victimes innocentes de la mafia », 16 mars).

Ce n’est pas la première fois que le Souverain pontife s’exprime à propos de la mafia. En mai dernier, au lendemain de la béatification à Palerme du Prêtre Pino Puglisi, assassiné par Cosa Nostra, il avait affirmé durant l’Angélus : « En élevant les enfants selon l’Evangile, vous les ôterez de l’enfer, même si le Mal a voulu les tuer, c’est en réalité le Christ ressuscité qui a vaincu. » « Je pense à toutes les douleurs que connaissent tant d’hommes et de femmes, mais aussi des enfants, qui se trouvent exploités par la mafia, qui les obligent à faire un travail qui les rend esclaves, à se prostituer, avec tant de pressions sociales. Derrière cette abomination, cet esclavage, il y a tous ces groupes mafieux. Mais prions le Seigneur pour qu’il convertisse les cœurs de ces personnes. Ils ne peuvent pas faire ce qu’ils font, ils ne peuvent pas faire de nos frères des esclaves. Prions pour que ces mafieux et mafieuses se convertissent au Christ. »

Une position « forte », qui vient en parallèle de ce que le pape François fait également pour la transparence des finances de Vatican et de l’IOR (voir ici un de nos articles plus complet à ce sujet), tant et si bien qu’en novembre dernier, le procureur adjoint de Reggio Calabria, Nicola Gratteri a fait une mise en garde publique contre les risques de la « mafia financière ».
Ca n’est pas non plus la première fois pour un pape : le « cri » contre la mafia de Jean-Paul II avait en effet fait beaucoup de bruit : le 9 mai 1993 à Agrigento, il avait appelé les mafieux à se convertir : « Le jugement de Dieu viendra ». La mafia est « un chemin vers la mort, incompatible avec l’Evangile », avait rappelé Benoit XVI à Palerme en 2010, qui avait déjà pointé du doigt les actes de la Camorra à Naples en 2007. Celui qui se souille d’un homicide ou qui collabore à cela « commet un péché qui crie vengeance devant Dieu » et est « hors de la communauté chrétienne », et donc, exclu des sacrements.

En 1989, le cardinal de Naples, Michele Giordano, avait envoyé aux paroisses une directive : des criminels ne peuvent être parrains de baptême ou de confirmation. Beaucoup de diocèses du Sud de l’Italie ont suivi cet exemple. « Etant donné l’importance que portent les habitants du Mezzogiorno au parrain, cette exclusion équivaut à une véritable honte publique », souligne l’évêque de Mazara del Vallo, Domenico Mogavero. Il y a deux mois à peine, l’archevêque de Catanzaro, Vincenzo Bertolone (postulateur du prêtre martyr Puglisi), a réouvert les discussions concernant les sanctions canoniques envers les mafieux : « La mafia est contre l’Evangile : l’excommunication n’est pas suffisante, il faut un changement éducatif et pastoral  plus radical. » Quant aux funérailles des mafieux, il faudrait appliquer le modèle suivi à Rome pour les obsèques de l'ancien nazi Priebke, à savoir une bénédiction privée du corps sans obsèques publiques (La Stampa, 16 mars).

La décision du pape François d’accepter l’invitation du Père Ciotti – qui avait déjà rencontré le pape en janvier à Sainte-Marthe – à participer à la Journée pour les victimes a une forte valeur symbolique. Elle a été précédée par la béatification du Père Puglisi, proclamé martyr, le 25 mai dernier (sous le pontificat du pape François, bien que la décision ait été prise par Benoit XVI en juin 2012). Ainsi le fossé se creuse entre l’Eglise et les organisations mafieuses, après des décennies de silence, d’omissions et, parfois, de véritables connivences. 

Il suffit de se rappeler, parmi les épisodes les plus marquants, celui du cardinal de Palerme Ernesto Ruffini, qui au lendemain du massacre de Ciaculli (30 juin1963), avait rejeté la proposition du Secrétaire d’Etat du Vatican de prendre une initiative publique contre la mafia.

Cette année, la journée de sensibilisation promue par la fondation « Libera » se déroulera à Latina, au Sud de Rome.

Traduit de l'édition italienne et adapté par Mathilde Dehestru et Solène Tadié.

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