L’élection du pape François a mis la Compagnie de Jésus sous le feu des projecteurs. Aleteia a rencontré un des anciens élèves de Jorge Bergoglio, le Père Umberto Miguel Yañez.17/03/2014
Clarissa Oliveira
Un pape appartenant à la Compagnie de Jésus,cela pourrait engendrer une certaine confusion : un pape qui a fait vœux d’obéissance au pape ! Mais le pape François n’a pas renoncé au charisme ignacien. Aleteia a rencontré le Père Umberto Miguel Yañez, professeur auprès du département de théologie morale à l’Université Pontificale Grégorienne de Rome et ancien élève de Jorge Mario Bergoglio entre 1973 et 1979.
Avoir un pape jésuite, qu’est ce que cela signifie pour la Compagnie de Jésus ?
Pour la Compagnie de Jésus, le fait que le pape soit jésuite est un peu embarrassant. D’un côté, sa popularité a placé la Compagnie au centre de l’attention des fidèles et du public en général. Parfois, au fil de son histoire, la Compagnie a été entourée d’une aura de mystère ; beaucoup de choses ont été dites sur les jésuites, de leur expulsion par les rois Bourbons jusqu’à leur suppression par le pape Clément XIV.
Suite au Concile Vatican II, beaucoup de jésuites sont devenus des personnages gênants pour les dirigeants parce qu’ils dénonçaient ouvertement les injustices. Certains d’entre eux ont d’ailleurs été martyrisés. Même au sein de l’Eglise, certains jésuites ont eu un comportement critique concernant la hiérarchie et le magistère.
Aujourd’hui cependant, le pape est lui-même jésuite. Sa propre histoire est un peu mystérieuse, dans le sens où elle n’a pas toujours été bien interprétée. Mais il a toujours gardé un regard visionnaire. La Compagnie a eu la surprise de voir un de ses fils à la tête de l’Eglise pour la première fois de l’histoire. C’est une nouveauté de cette époque qui a donné à l’Eglise un petit coup de pouce pour aller de l’avant.
Les jésuites ont-ils bénéficié, notamment grâce à sa popularité, de l’élection du pape François ? Pensez-vous que le pape ait eu une quelconque influence sur l’augmentation des vocations ?
Dans ma ville d’origine en Argentine (Mendoza), le taux de participation à l’église des jésuites a augmenté de façon exponentielle, mais je ne crois pas que cela ne vaille que pour l’église des jésuites. Le pape François a réveillé la profondeur spirituelle de beaucoup de personnes qui, au moins dans mon pays, ont rempli les églises. En ce qui concerne les vocations, c’est un peu trop tôt pour voir une certaine augmentation. Chaque vocation est le fruit d’un long processus qui requiert beaucoup de temps de discernement et de maturation.
Pouvons-nous dire que la culture de la rencontre et du chemin vers l’homme, notamment les plus pauvres, tant évoqués par le pape, est une caractéristique jésuite ?
Dans un certain sens, ça l’est effectivement. Mais la formule vient du pape François, lorsqu’il était archevêque de Buenos Aires. Dans une de ses premières interviews pour un journal, il avait parlé de la « culture de la rencontre », d’une proximité nécessaire dans une société aussi divisée que la nôtre, entre terrorisme d’état et guérilla de gauche. D’un autre côté, son style pastoral était déjà fortement caractérisé par l’importance donnée aux pauvres des bidonvilles, depuis qu’il était recteur du Collège Maximo à San Miguel et qu’il avait fondé la paroisse Saint Joseph.
Lorsque le pape se réunit avec la Compagnie, peut-on voir en lui certains traits caractéristiques de la figure de Saint Ignace, fondateur de la Compagnie de Jésus ?
Une grande simplicité, une profondeur d’esprit et une proximité amicale étaient les caractéristiques de Saint Ignace dans son rapport avec les jésuites, dans ses relations personnelles ou épistolaires. Ces traits communs s’aperçoivent dans la façon de célébrer l’Eucharistie du pape François, une simplicité qui pénètre le mystère pour le transmettre avec une grande transparence et une luminosité profonde.
Quels sont les caractéristiques « jésuites » qui se démarquent le plus lorsque l’on regarde le pape ?
Il y a avant tout cette action contemplative. C’est lorsqu’une personne est en pleine action et qu’elle est en même temps capable de garder la présence de Dieu en elle et de la découvrir dans son prochain. Pour cela, même au beau milieu de la foule, son regard rencontre celui qui souffre, celui qui est malade ou vulnérable, et il s’arrête pour l’approcher par une geste de tendresse et de compréhension.
Traduit de l’édition italienne d’Aleteia par Mathilde Dehestru.