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La clé de la popularité du pape François ? La modernité de l’Évangile

Pope Francis greeting the crowd in St Peter's Sq before his Inauguration Mass

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Liberté politique.com - publié le 15/03/14
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Pour Jean-Yves Naudet, président de l’Association des économistes catholiques, si le style du pape François est nouveau, ses principes restent fidèles à la tradition de l’Église.Un colloque Evangelii gaudium consacré à la pensée sociale du pape François sera proposé par l'Association des économistes catholiques et Liberté politique à Paris, le 5 avril prochain. En amont de ce colloque, le président de l’Association des économistes catholiques a publié une tribune dans Le Figaro du 13 mars 2014, reprise sur Liberté Politique :

Un an après son élection, le pape François n’en finit pas de surprendre et de fasciner l’opinion. Chacun a de la sympathie pour ce pape plus soucieux de contacts directs et informels que d’un protocole trop strict. Chacun constate l’adéquation parfaite entre ce qu’il vit et ce qu’il dit et sa volonté d’une « Église pauvre pour les pauvres », c’est-à-dire pour tous, car chacun a une forme de pauvreté. Pourtant, certains s’inquiètent : n’assiste-t-on à un infléchissement doctrinal, surtout en matière sociale ? Certaines attaques ont été si absurdes que le Pape lui-même a cru utile de préciser qu’il n’était pas marxiste et que « le marxisme est une idéologie erronée » !

Pourquoi ces soupçons ? Il y a la forme et le fond. La forme est directe et radicale. Ainsi quand il s’insurge contre le fait que la mort d’une vieille femme dans la rue, en raison du froid, ne fait pas les gros titres, alors que la baisse des indices boursiers attirera l’attention des médias. Ou lorsqu’il dénonce une « économie sans visage », une « économie qui tue » ou encore l’idolâtrie de l’argent et « un esprit de consommation effréné ». Mais le Christ lui-même n’avait pas un langage de salon ni même de diplomate en chassant les marchands du Temple ou en expliquant qu’il serait plus difficile à un riche d’entrer dans le Royaume des cieux qu’à un chameau de passer par le trou d’une aiguille ou encore que les prostituées nous précéderaient dans le Royaume de Dieu.

Si le langage de François séduit, c’est qu’il a la nouveauté de l’Évangile. Face à un monde souvent conformiste, il est nécessaire de réveiller les consciences et de sortir du langage politiquement correct. C’est bien le Christ qui a dit « que votre langage soit oui, oui, non, non ». Dire au jeune homme riche, « vends tes biens et suis-moi » est encore plus radical ! La forme directe utilisée par François est dans la ligne droite de l’Évangile. Si elle nous bouscule et provoque une prise de conscience, c’est qu’elle a atteint son but.

Rien de nouveau dans la doctrine sociale
Le fond est-il différent de celui de ses prédécesseurs ? Lui-même a déclaré, à propos de son exhortation apostolique Evangelii Gaudium,« qu’il n’y a rien que l’on ne retrouve dans la doctrine sociale de l’Église ». Comment pourrait-il en être autrement ? Si en matière de doctrine un pape disait autre chose que ses prédécesseurs, c’est qu’il ne s’agirait pas de doctrine ! Mais le monde change et Benoît XVI avait expliqué qu’il  « n’y a pas deux typologies différentes de doctrine sociale, l’une préconciliaire et l’autre postconciliaire, mais un unique enseignement, cohérent et en même temps toujours nouveau ; il est juste de remarquer les caractéristiques propres à l’enseignement de chaque pontife, mais sans jamais perdre de vue la cohérence de l’ensemble du corpus doctrinal ». C’est ce qui se produit avec François. Le communisme s’est effondré, le marché semble triompher, plaçant au centre la liberté humaine. François met logiquement le doigt sur la façon dont l’économie fonctionne aujourd’hui.

Qui pourrait nier qu’à la place du libre marché on a souvent un capitalisme de connivence et des phénomènes de corruption, que l’exclusion touche beaucoup de personnes et de peuples, que nous sommes dans la société du jetable, où l’homme lui-même peut être traité comme un déchet, et que l’on assiste à « une mondialisation de l’indifférence », bref à « une crise anthropologique profonde » avec « la négation du primat de l’être humain ». Ce sont des réalités que François dénonce car elles sont bien éloignées de la conception que l’Église se fait, dans sa doctrine sociale, de l’économie de marché. Ce capitalisme de connivence, que l’on trouve notamment dans certains pays du tiers-monde, c’est le mauvais capitalisme q ue dénonçait déjà Jean-Paul II, celui qui ne connaît ni « contexte juridique ferme » ni « éthique ».

Sursaut des consciences
Pour autant, si on lit attentivement Evangelii Gaudium, François ne remet en cause aucun des principes de la doctrine sociale, ni bien sûr la dignité de la personne, ni la propriété privée liée à la destination universelle des biens, ni la solidarité et la subsidiarité, ni le rôle des corps intermédiaires, ni le bien commun. Tout cet enseignement de l’Église, de Léon XIII à Benoît XVI, François l’accepte, comme il le dit lui-même, « en fils de l’Église ». Or ses prédécesseurs ont montré en quoi ces principes débouchaient sur une économie de marché bien comprise, respectueuse des droits de chacun grâce à ce contexte juridique ferme et à cette éthique que réclamait Jean-Paul II. Nous en sommes souvent loin, nous dit François, appelant à un sursaut des consciences, à la révolution du cœur, au sens des responsabilités de chacun, tout en prônant la disparition de ce que Jean-Paul II appelait « les structures de péché ».

Ceux qui semblent s’inquiéter des propos de François ne sont-ils pas les premiers à dire que nous sommes aujourd’hui souvent loin d’une économie de liberté et de responsabilité, d’une véritable économie de marché ? François n’appelle pas à détruire la liberté responsable mais à dépasser une mentalité matérialiste et égocentrique, dans le souci des autres et du bien commun. Jésus disait-il autre chose en rappelant l’importance de l’amour du prochain et en affirmant, face à Satan, « que l’homme ne vit pas seulement de pain » ?

Jean-Yves Naudet est professeur d’économie à l’université d’Aix-Marseille.
Son dernier ouvrage paru : « Propos d’éthique » (Puam, 2012, en collaboration avec Nicolas Madelénat di Florio).

 
Colloque "Evangelii gaudium, la pensée sociale du pape François"
Paris, 5 avril, paroisse catholique St-Pierre-du-Gros-Caillou
Entrée libre sur inscription
Renseignements et programme : www.libertepolitique.com

 

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