Le critique cinéma David Ives nous donne son avis sur Son of God : théologiquement correct, artistiquement passable.Son of God, la superproduction hollywoodienne est sortie vendredi 28 février aux États-Unis, et sera (à priori) sur les écrans français le mercredi 26 Mars prochain. Les premières critiques sont tombées. Nous vous proposons de découvrir l’avis de David Ives, le Monsieur Cinéma de l’édition anglaise d’Aleteia.
Bien que Son of God ne soit (heureusement !) pas théologiquement offensant, c’est loin d’être une révélation artistique. Après l’invention de la caméra à la fin du 19ème siècle, il n’a pas fallu beaucoup de temps aux réalisateurs pour commencer à proposer des films basés sur la Bible, le plus souvent en adaptant des pièces de théâtre sur la Passion. Quand les longs métrages ont commencé à s’immiscer dans les cinémas, les drames bibliques ont suivi, avec le Samson et Dalila de 1903, premier d’une cinquantaine de films muets retraçant les Écritures. Et avec le premier film parlant du genre, L’Arche de Noé (1929,) la Bible s’installa définitivement à Hollywood, avec une centaine de films à thème bibliques produits depuis. En résumé, les films s'inspirant de la Bible sont pléthore.
Et pourquoi n’y en aurait-il pas ? Avec plus de 2,2 milliards de chrétiens et 14 millions de Juifs dans le monde, cela fait un "sacré" nombre d’acheteurs potentiels de tickets. En considérant ces chiffres, il serait aisé d'envoyer la dernière production de Christopher Spencer, Son of God directement dans la catégorie « machine à fric » cinématographique. Ce film est une idée originale du couple Mark Burnett (producteur) et Roma Downey (actrice, qui joue d’ailleurs le rôle de Marie dans Son of God). Il se compose principalement de séquences tirées de la mini-série TV à succès The Bible, que ces derniers avaient réalisé en 2013. Le duo a simplement extrait de cette série une grosse portion des séquences qui traitent de Jésus, les ont rééditées avec quelques scènes supplémentaires, puis diffusé au cinéma juste avant le carême. Les cyniques appelleront cela faire d’une pierre deux coups.
Mais en fait, beaucoup de gens – y compris moi – n’ont pas regardé la mini-série quand elle était diffusée sur History Channel. […] Donc, pour la plupart des gens – y compris moi, Son of God est un nouveau film, le dernier-né de la lignée biblique d’Hollywood. Alors, comment ce film s’en sort-il par rapport à ses prédécesseurs ?
Et bien, que les investisseurs aient été intéressés dans l’idée de faire une machine à sous ou pas, je peux au moins dire que ce film est sérieux dans son contenu. Contrairement à un film comme La dernière tentation du Christ, Son of God n’ajoute ni ne retire quoi que ce soit à l’importance doctrinale de l’histoire de Jésus.
Dans ce film, vous ne verrez pas de Christ non-divin se baladant en pleine crise existentielle. En fait, le film commence avec un prologue composé de scènes de l’Ancien testament, une sorte de « best of », si vous voulez. Après ces brefs flashbacks autour d'Abraham, Noé et David, on entend la voix de l'apôtre Jean expliquant comment la seconde personne de la Trinité était présente dans tous ces évènements. C’est une (très) brève introduction à la religion chrétienne, qui vous annonce direct que, pour une fois au cinéma, l'on ne va pas rigoler avec la théologie communément admise.
Bien sûr, la volonté de ne montrer que ce qu'il y a dans les écritures veut dire qu’ici, il n’y a pas de place pour de divertissants suppléments, telle que la torride relation entre Moïse et Néfertiti dans Les Dix Commandements, ou la sinistre machination de Satan dans La passion du Christ.
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Le manque d’intrigues non-bibliques permet au moins à Son of God d’éviter d’embarrasser les chrétiens, comme l’a fait Godspell par exemple. Vous ne connaissez pas Godspell ? Mais si, cette version hippie complètement déjantée de l’évangile de St Mathieu adaptée en comédie musicale en 1971 et reprise actuellement à Broadway… Bon, regardez cette vidéo et dites-vous bien que c’est une réinterprétation de l’évangile (si, si !).
On trouve cependant dans film quelques fioritures non-bibliques, et certaines d’entre elles intéresseront particulièrement les catholiques –ce qui est loin d’être une mauvaise décision commerciale de la part des réalisateurs, étant donné que 50% des chrétiens appartiennent à l’Église catholique.
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Malheureusement, le film en lui-même n’est pas non plus stupéfiant. Bien que le niveau de la production soit assez bon, cela reste quand même un niveau de télévision. Des choses qui étaient probablement jugées comme acceptables sur petit-écran deviennent vraiment trop «fausses » sur le grand. En particulier les séquences de l’ancien Jérusalem reconstruit par ordinateur, qui ressemblent plus à un reportage historique sur France 2 qu’à de véritables effets spéciaux. Cela est dû au fait qu’à la base, ces séquences n’étaient pas prévues pour être projetées sur de grands écrans. Ce n’est pas un énorme problème en soi, mais cela vous sort un peu du film.
Et c’est dommage, parce que l'un des autres défauts de ce film est qu’il ne crée pas l’engagement émotionnel qu’il devrait générer. Un exemple : lorsque Jésus rencontre Marie alors qu’il porte sa Croix vers le Mont Golgotha (4ème station du chemin de croix pour les puristes). La version de Son of god est belle, mais elle n’a aucun rapport avec l’émotion dévastatrice véhiculée par la version de Mel Gibson dans La Passion du Christ. Si vous êtes Papa ou Maman, c’est presque impossible de regarder ce moment sans ravaler un sanglot. Pas dans Son of God. Ce n’est pas vraiment la faute des acteurs. Roma Downey est satisfaisante en Marie, bien qu’elle n’ait pas grand-chose à faire dans le film, si ce n’est pleurer, et l’acteur portugais Diogo Morgado est un très bon Jésus, bien qu’il apparaisse parfois bizarrement confus. C’est juste que Christopher Spencer et son équipe, tous des vétérans des documentaires-télé, ne semblent jamais être capable de donner vie à tout ça. Fidèle à ses origines, le film semble appartenir au monde de la télévision, confortablement programmé entre d’autres docu-fictions historiques.
Même si Son of God n’est pas un triomphe artistique, c’est une solide et fidèle adaptation de la vie de Jésus depuis sa naissance jusqu’à son Ascension. Et c’est déjà un avantage considérable, au vu des futures productions bibliques prévues pour cette année: Noé de Darren Aronofsky, Exodus de Ridley Scott… Son of God ne sera probablement pas sur la liste des meilleurs films du Vatican, et même sur aucune liste tout court, mais fera l’affaire jusqu’à quelque chose de mieux arrive. Et si l'on regarde l’histoire d’Hollywood concernant les films bibliques, soyez assuré qu’ils nous en sortiront forcément un autre dans la décennie à venir…
Quand il n'est pas en train d'écrire des articles pour Aleteia, David Ives tient un blog cinéma : The B-Movie Catechism.
Traduit de l'édition anglaise d'Aleteia par Paul Monin. article original ici.