Malgré l’annonce d’une trêve, les appels des Eglises, et les menaces de sanctions européennes, la tension à Kiev ne semble pas baisser d’un cran : le bilan des morts s’alourdit21/02/2014 (mise à jour)
Tirs nourris à balles réelles, plus d’une vingtaine de tués alignés ici et là sur les trottoirs du centre ville, fumée noire et coups de feu à proximité du palais présidentiel : Kiev, la capitale ukrainienne, après deux journées dramatiques, était à nouveau théâtre jeudi 20 février, de violents affrontements entre manifestants et forces de l’ordre.
Selon un bilan officiel, 75 personnes ont perdu la vie depuis mardi, et 76 autres sont hospitalisées dans un état grave. A Kiev, une quinzaine de corps seraient déposés dans la cour du monastère St Michel, Mikhailivski, dans le centre de la capitale.
Les manifestants, casqués et armés de bâtons se sont lancés jeudi matin à l’assaut d’un cordon de police, sur le Maïdan, la place centrale de Kiev (Place de l’Indépendance), et en ont repris le contrôle. Les violences ont repris comme s’il n’y avait pas eu de trêve conclue, mercredi soir, entre le président ukrainien Viktor et les chefs de file de l’opposition pour permettre l’ouverture de négociations afin « d’éviter de nouvelles effusions de sang » et « stabiliser la situation dans l’intérêt de la paix sociale ».
Kiev est le théâtre d’une importante contestation populaire (cf. Aleteia) depuis plusieurs mois mais désormais c’est l’emballement : tout a commencé le mardi 18 février au matin avec l'annonce du président du Parlement ukrainien Volodymyr Rybak qu’il refusait d'enregistrer le projet de loi de l'opposition proposant un retour à la Constitution de 2004, voté par l'assemblée populaire de Maïdan le dimanche précédent. Tel projet, commente à ce propos au Figaro Antoine Arjakovsky, directeur de recherche au Collège des Bernardins et fondateur de l'Institut d'études œcuméniques de Lviv, avait pourtant le mérite de proposer une issue pacifique au conflit en redonnant les clefs du pouvoir à une majorité de coalition emmenée par Arsène Yatséniouk.
Une heure après cette annonce, le chaos s’est rapidement installé dans la capitale ukrainienne : les forces spéciales du ministère de l'intérieur lancent les premières grenades et les gaz lacrymogènes sur les manifestants rassemblés pacifiquement aux abords du Parlement. Quelques heures plus tard, elles passent aux balles réelles, deux personnes s’effondrent et c’est l’embrasement. Bilan : près de 30 morts et plus de 600 blessés en deux jours.
Très inquiet du tour que prennent les événements en Ukraine, les Eglises, catholique et orthodoxe, multiplient leurs appels : « Cessez toute action violente (…) Cherchez la paix et la concorde », a lancé mercredi matin le pape François dans un vibrant appel au terme de l’audience générale, place Saint-Pierre. « Arrêtez cette effusion de sang (…) ne déchirez pas l’Ukraine », lançait au même moment le métropolite Antoine de Borispol et Brovary en appelant avec insistance le pouvoir et l’opposition à reprendre le dialogue.
Depuis le début de la crise politique et tout au long de la confrontation, des prêtres de différentes confessions sont présents sur les barricades pour leur apporter un soutien spirituel indispensable (Aleteia). L’Eglise orthodoxe ukrainienne n’a cessé d’appeler à la fin des violences et à un règlement politique du conflit. Le métropolite regrette que sa voix n’ait pas été entendue et met encore une fois en garde contre « les menaces d'une guerre civile et d'une faillite de plus en plus réelles, dans un pays désormais « au bord de la catastrophe ». Après trois mois de déséquilibre profond, il renvoie chacun à « sa conscience et responsabilité devant Dieu pour ses actes ».
Le ton s’est durci dans les capitales européennes qui dénoncent des « actes inqualifiables, inadmissibles, intolérables » en Ukraine et font planer le spectre de probabile sanctions contre ceux qui ont commis et continuent de commettre de tels actes. Cette question a été évoquée jeudi 20 à Bruxelles entre les ministres des affaires étrangères de l’Union européenne. Ces derniers se seraient mis d'accord sur une privation de visas et sur un gel des avoirs des responsables des violences commises au cours des deux derniers jours à Kiev. « La responsabilité de la violence incombe au régime (ukrainien) mais nous ne pouvons ignorer qu'il y a des groupes extrémistes et des infiltrés. Nous visons tous ceux qui sont tachés de sang », a déclaré entre autres la ministre italienne des Affaires étrangères, Emma Bonino.
En attendant beaucoup craignent que la situation ne devienne incontrôlable et ne se transforme en guerre civile : selon Ognian Mintchev, directeur de l'Institut d'études régionales et internationales, à Sofia, « celle-ci ne pourra être évitée que par une démission de Ianoukovitch et une élection présidentielle anticipée ». D’autres, comme Gerhard Mangott, spécialiste de l'Europe orientale et de la Russie à l'université d'Innsbruck, en Autriche, écartent l'idée d'une « guerre civile », car « il n'y a pas de combats entre différents groupes de population, mais un affrontement entre une partie de la population ukrainienne et l'État ». Ils y voient néanmoins le risque d'un « processus de désintégration du pays ». (Le Point)
Pour suivre en direct les événements: http://www.lepoint.fr/monde/en-direct-ukraine-le-ballet-diplomatique-a-commence-20-02-2014-1794032_24.php
Et pour approfondir lire aussi : « Ukraine l’histoire marche » diffusé le 19 février sur Aleteia.