A quoi bon parler si personne ne veut entendre ? Mais si nous restons muets, les pierres crieront ! Dire et redire sans vociférer…
18/02/2014
Une amie m’écrit à propos de la légalisation de l’euthanasie pour les mineurs par les députés belges : « Les cathos présentent cette loi comme une abomination. Et pourtant, la majorité est écrasante. Et je ne suis pas sûre que ceux qui ont voté pour soient tous des monstres ! … Comment fait-on pour avoir un impact sur les gens qui ont voté pour ? Et si nous ne l'avons pas, qui l'aura ? »
Un autre ami me suggère pour ma propre gouverne d’être « moins dans le combat » afin d’être plus attirant, convaincant, efficace. En somme d’imbiber si bien la vérité de charité que le message deviendra consommable et même appétissant.
Je me demandais comment leur répondre quand la fête de sainte Bernadette Soubirous, ce 18 février, m’a mis sur une piste. La fameuse réplique de la voyante de Lourdes : « Je ne suis pas chargée de vous le faire croire, je suis chargée de vous le dire » me semble applicable à notre tâche de communicateurs.
Certes, poursuivre le beau, le bien et le vrai, s’en approcher, dire ce que nous voyons avec nos pauvres mots, sans raideur, désir de briller, sans orgueil en somme, en humbles et honnêtes messagers et jamais en propriétaires de la vérité, c'est précisément un combat, mais un combat contre soi-même. Saint François de Sales, patron des journalistes, donné en modèle de douceur et de suavité, avait un tempérament de feu qu’il s’appliqua à rendre aimable. Ce fut au prix d’un tel travail sur lui-même que ses biographes attribuent à cette ascèse constante, à cette guerre intérieure contre une part de lui-même, sa mort dans la force de l’âge.
Mais le doux évêque d’Annecy n’a pas pour autant édulcoré le message. Quand celui-ci porte sur des questions qui embauchent au plus haut point l’émotion et les passions, tels aujourd’hui l’avortement, l’euthanasie, ou l’homosexualité, ne nous faisons pas d’illusion : quelles que soient nos précautions oratoires, il ne sera jamais facile de les rendre indolores ou aisément digestes.
Faudrait-il donc éviter ces sujets qui fâchent ? Evidemment non : ces questions anthropologiques et métaphysiques engagent l’avenir de l’humanité. Mais nous souvenant de la réplique de Bernadette, quittons tout souci de vouloir convaincre. Lâchons prise ! N’y mettons pas le désir d’avoir raison et de l’emporter. C’est alors que nous aurons le plus de chance d’être convaincants.
Faisons confiance à la vérité : elle finit tôt ou tard par s'imposer car l’esprit humain est fait pour elle. De fait, les "majorités écrasantes" finissent par basculer, parfois beaucoup plus vite qu'on ne l’aurait pensé. Un exemple récent : Ludovine de La Rochère, présidente de la Manif pour tous, a pu affirmer en toute vérité le 7 février dernier, qu’une majorité de Français étaient opposés au « mariage pour tous » au moment du vote du texte par le Parlement. Or, constate RTL, « l'évolution des sondages semble lui donner raison». Le revirement de l’opinion s’est fait en quelques mois. Alors qu’en novembre 2012, 58% de Français se disaient favorables au mariage homosexuel, dans un sondage LH2 pour Le Nouvel Observateur, on assistait un an plus tard (décembre 2013) à un retournement de situation : « Huit mois après l'adoption du texte par le Parlement et la célébration de 7.000 mariages, …seulement 48% des sondés étaient plutôt favorables, contre 50% à y être plutôt opposés, rapportait une étude BVA pour Le Parisien. » Par ailleurs, l'institut Harris notait que 59% des sondés s'opposaient à la GPA. Quant à l'adoption par les couples homosexuels, l'opinion publique y est de plus en plus défavorable (56%). En même temps, la remise en cause d’un « droit » à l’avortement par le gouvernement espagnol (cf. Aleteia) et les sévères critiques de la presse internationale contre le vote belge étendant l’euthanasie aux mineurs (cf. Aleteia) attestent qu’en politique, rien n’est définitivement perdu.
Il existe bien d’autres exemples dans l’Histoire de revirements de l’opinion. Celle-ci est plus versatile que jamais à l’ère numérique dominée par les réseaux sociaux. Ne renonçons pas à y faire entendre la voix des « chercheurs de vérité » qui est aussi celle de l’Eglise confessante, humble et pauvre mais obstinée et pugnace, à l’exemple de Bernadette. Face aux multiples avatars de la « culture de mort » ou de la «culture du déchet », s'il faut lâcher prise sur notre ego, c'est pour mieux combattre et ne rien lâcher.