A l’occasion du 35e anniversaire de la révolution islamique, l’ambassadeur d’Iran exprime le vœu d’une rencontre entre le président Rohani et le Pape.17/02/2014
(Légende photo : le pape François et l'ambassadeur d'Iran près le Saint-Siège, Mohammad Taher Rabbani.)
L’un des premiers ambassadeurs accrédités près le Saint-Siège à l'ère du Pape François (le 6 mai 2013), Mohammad Taher Rabbani représente un pays qui, depuis toujours, regarde avec intérêt le Vatican (« Nous avons plus de 60 ans de relations diplomatiques, mais nos rapports avec le Saint-Siège remontent au XIIIe siècle … »).
Le Vatican Insider explique pourquoi une rencontre entre le président iranien Rohani et le pape François est hautement souhaitable, selon l’ambassadeur iranien :
« Pour Téhéran, le Siège de Pierre n’est pas seulement un carrefour mondial d’une autre religion abrahamique, en dehors de l’Islam et du judaïsme, mais aussi un centre géopolitique autorisé et autonome vis-à-vis de Washington ou des chancelleries européennes, avec lesquelles l’Iran n’a pas toujours des rapports faciles. Et tandis qu’à Téhéran le nouveau président Hassan Rohani – le candidat modéré élu en juin dernier qui donne des signes d’apaisement à l’Occident – célèbre le 35e anniversaire de la révolution islamique de l’ayatollah Mosavi Khomeiny, l’ambassadeur iranien près le Saint-Siège (turban sur la tête et manières affables) rencontre à Rome un groupe de journalistes pour confirmer l’existence d’une certaine convergence de vues avec le Vatican sur des questions internationales épineuses telle la crise syrienne, garantir le respect des chrétiens en Iran et faire l’éloge de la figure du pape Jorge Mario Bergoglio. L’ambassadeur a exprimé l’espoir d’une rencontre, “quand les circonstances seront favorables”, entre le pape François et le président Rohani.
“L'action du Saint-Père et sa conception des pauvres, les couches sociales les plus faibles et vulnérables de la communauté humaine, et sa conception de la justice, ont suscité l’intérêt de l’élite et des intellectuels de la société iranienne ”, affirme Rabani. Le pape François “est une figure vertueuse, d’une grande moralité et humilité, et le peuple iranien attend qu’il résiste, comme Jésus-Christ, aux oppresseurs et aux puissants, avec l’aide de Dieu ». Le Pape argentin, poursuit-il, “cherche sur son chemin et dans son magistère à faire régner la justice et à combattre la discrimination entre les peuples, en remplaçant l’autoritarisme par la liberté et le bien-être, la guerre et l’effusion de sang par la paix, la violence par la tolérance”.
Le diplomate iranien assure que, depuis un an qu’il remplit sa mission près le Saint-Siège, il a eu l’occasion de connaître de près la pensée du Saint-Père qui, tient-il à souligner, “représente un précieux patrimoine de sagesse et de science religieuse dans le monde contemporain ”. Et d’ajouter : “Je prie quotidiennement pour le Saint-Père, afin que Dieu lui accorde santé, succès et longue vie ”.
Une rencontre entre le Pape et Rohani ? “Certainement – répond le diplomate – on espère pouvoir, dans des circonstances favorables, programmer une rencontre entre son excellence le docteur Hassan Rohani et le Saint-Père François”.
En revanche, l’ambassadeur iranien s’est montré très critique sur la façon dont l’Union européenne et les Etats-Unis ont affronté la crise syrienne, avant la Conférence de Genève. Le Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon a retiré l’invitation qu’il avait faite à Téhéran de participer aux pourparlers. Alors que l’Académie pontificale des sciences, de son côté, avait souhaité l’implication de l’Iran à Genève. “Il y a eu un accord entre la Russie et les Etats-Unis pour régler la crise syrienne. Ils ont contacté le gouvernement syrien comme aussi les rebelles. Mais la conférence a prouvé qu’en réalité il n’y a eu aucun accord sur le cessez-le-feu et l’accès à l’aide humanitaire, affirme le diplomate iranien […] Et, en réponse à une question, le diplomate iranien conclue : “Je suis d’accord pour dire que le Saint-Siège peut être un interlocuteur pour l’Iran, alors que les gouvernements occidentaux n’ont pas été sincères dans leurs objectifs. Si les Etats-Unis et l’Europe avaient été sincères à Genève, nous aurions pu en finir avec la crise syrienne”.
Plus généralement, l’ambassadeur souhaite une collaboration pour la paix dans le monde avec le Saint-Siège et cite, à ce propos, une résolution proposée par le président iranien et approuvée à l’Onu en décembre, intitulée Le monde contre la violence et l’extrémisme (Wave, World Against Violence and Extremism).
Le président Rohani est intéressé au renforcement des relations avec le Saint-Siège guidé par le Pape François à travers un dialogue constructif. Il souhaite le faire dans le cadre de la “diplomatie religieuse”, autrement dit la diplomatie inspirée des principes religieux et capable de planifier un plan contre la violence et l’extrémisme dans le monde qui prenne la place de la guerre. Dans ce sens, avec l’aide divine et grâce à l’alliance entre les grandes religions abrahamiques, surtout avec le Pape François, l'Iran, en tant que pays qui préside les pays non alignés, pourrait faire une alliance mondiale contre la violence et le radicalisme pour promouvoir une paix durable dans le monde. A la question de savoir si on pouvait envisager une convergence entre le Saint-Siège et l’Iran sur la situation des Palestiniens de Gaza, l'ambassadeur s’est borné à répéter que “dire non à la violence et à l’extrémisme » peut “renforcer les rapports entre le Saint-Siège et l’Iran”.
Enfin l’ambassadeur Mohammad Taher Rabbani s’est montré rassurant sur la situation des chrétiens en Iran. La Constitution iranienne reconnaît à toutes les minorités religieuses en Iran, chrétiens, juifs et zoroastriens, “ certains droits fondamentaux comme la liberté de culte, la liberté d’association et le droit à être jugés selon les normes de leur propre religion ". En effet, “il y a cinq archevêques en Iran. La communauté assyrienne chaldéenne et la communauté arménienne ont chacune un représentant au Parlement. Le gouvernement Rohani a également nommé un représentant spécial en charge des problèmes des minorités religieuses. Et aussi, comme Rohani l’avait promis durant sa campagne électorale, une lettre en cours de rédaction sera adressée aux citoyens, dans laquelle seront précisés clairement les droits de toutes les minorités”. »
Article de Iacopo Scaramuzzi publié par le Vatican Insider le 11/02/2014, traduit de l’italien pour Aleteia par Elisabeth de Lavigne.