Si sexe et pouvoir sont souvent associés, la combinaison peut aussi s’avérer explosive au point de mettre hors jeu des politiques chevronnés.14/02/2014
Les unes de journaux rapportant les scandales sexuels de nos politiques se multiplient. La nouvelle la plus en vogue sur le web cette semaine a été la rumeur-démentie- selon laquelle le Washington Post possédait des photographies du président Barack Obama en compagnie de la chanteuse Beyoncé. Une intox qui n’a toutefois pas manqué de reporter une nouvelle fois l’attention sur la réputation et l’exemple que doit donner un leader à son peuple.
L’expert en communication politique Michele Sorice, professeur à l’Université LUISS « Guido Carli » et directeur du Centre for Media and Communication Studies « Massimo Baldini », aux Etats-Unis, a fourni à Aleteia quelques clés de lecture dans ce contexte.
Les comportements moralement douteux peuvent-ils rendre un leader faible ou sujet au chantage ?
Michele Sorice: « Naturellement, du moins en théorie. Il faut préciser toutefois qu’il y a beaucoup de variables en jeu ; tout d’abord faiblesse et disposition au chantage sont deux périmètres différents. Il y a des leaders que l’on peut faire chanter qui continuent à conserver une force dérivant du consensus reçu ou par l’utilisation des médias ; il y a de même des leader faibles mais qu’on ne peut absolument pas soumettre au chantage soit par la clarté de leurs positions soit par leur stature morale.
Il y a d’autre part une variable géographique. Dans certains pays, la dimension morale revêt une valeur politique. La sphère sexuelle aux Etats-Unis, et le non respect pour les biens communs en Europe du Nord. Dans d’autres pays, certains éléments peuvent facilement être pardonnés voire considérés comme des atouts ; une partie (pas la majorité heureusement) de l’opinion publique italienne évalue positivement le « machisme » par exemple. Et cela change les logiques de la perception sociale. »
Un leader devrait-il reconnaître ses erreurs ?
« Absolument. Cela le rend humain et le renforce. Souvent, la découverte du mensonge est plus grave que l'erreur en elle-même. Le mensonge est perçu comme une rupture du rapport de confiance qui lie le leader à son peuple. Ce n'est pas un hasard si Clinton par exemple a été critiqué davantage pour avoir dissimulé l'épisode de Monica Lewinski que pour l'épisode en soi. »
Qu'entend-on lorsque l'on dit qu'un leader « transparent » agit selon ses valeurs ?
« Cela sous-entend qu'il construit son leadership de manière horizontale avec son peuple: un leadership partagé dans lequel la proposition du leader est validée par son peuple dans un processus délibératif.
Il s'agit toutefois d'un processus rare. D'autre part le leader contemporain est un nouveau prince et souvent on prend pour des valeurs ce qui en réalité ne sont que des positions stratégiquement définies. »
Un leader doit avoir une communication transparente envers les personnes qu'il dirige. Est-ce que cela signifie observer un code moral plus élevé que celui des simples citoyens ?
« Cela signifie observer un code moral, qui devrait valoir pour tous. Bien sur, on attend plus de la part d'un leader, justement parce qu'il incarne des besoins, des valeurs, des rêves, et qu'il construit une identité collective. Un peu comme le capitaine d'une équipe de foot, dont on attend une plus grande fidélité, une forte combativité qui soit entrainante, même si l'équipe est en train de perdre.»
Où se situe la limite entre le public et le privé pour un politique ou un personnage publique qui veut servir le bien commun ?
« Cela fait longtemps que cette frontière n'existe plus. La faute est également attribuée à la politique qui a trouvé bien commode la spectacularisation de la vie privée à des fins électoralistes. La vie privée de Berlinguer ou de Moro n'entraient pas dans le champ de la politique; celle de Berlusconi, pour prendre un exemple, est entrée dans les foyers des Italiens avec une revue patinée envoyée par lui aux familles. Les médias se nourrissent de la sphère privée, qui semble humaniser le leader politique; les leaders trouvent dans cette visibilité médiatique un relai efficace pour leurs campagnes.»
L’affaire Hollande – Gayet
La relation entre Hollande et Julie Gayet est l’illustration parfaite de cette problématique. François Hollande est au plus bas dans les sondages, et sa politique n’est pas la seule à être sujette à contestation. Depuis l’apparition de l’ « affaire Julie Gayet », les Français se sont prononcés à 54% contre l’existence d’un statut de Première dame, et cette prise de position massive reflète l’indignation de la population envers l’attitude du président (et l'incompréhension quant aux coûts du bureau et de l’équipe de collaborateurs de Treiweiler, qui n'avait aucune légitimité juridique pour occuper l'Élysée). Outre le fait qu'il ait eu quatre enfants avec Ségolène Royal sans jamais l’épouser, il l'a trompée au cours des élections présidentielles de 2007 – auxquelles Ségolène Royale était candidate – avec la journaliste Valérie Trierweiler, qui deviendra ensuite la Première Dame, mais toujours sans l’épouser. Puis il trompa celle-ci avec l’actrice Julie Gayet. Aux yeux de beaucoup, c’est un homme incapable de prendre ses propres responsabilités, qui se contente de répudier du jour au lendemain les femmes qui partagent sa vie (JFK par exemple n'a pas souffert de cette perte de crédibilité, malgré le fait qu’il ait eu plusieurs amantes, puisqu’il est resté avec sa femme, même après le scandale avec Marilyn Monroe).
En définitive, les Français ne semblent pas mécontents que François Hollande se soit rendu seul au Vatican et aux États-Unis.
Mais au-delà de cela, c’est la trahison qui met en exergue la faiblesse du Chef de l'État : s’il ment et trahit les femmes de sa vie, pourquoi n’en ferait-il pas autant avec les Français? Valérie Trierweiler pense que si François n'avait pas été happé par le pouvoir, ils seraient encore ensemble. Lord Acton lui répondrait que « Le pouvoir tend à corrompre, et le pouvoir absolu corrompt absolument ».
Les précédents historiques
Monicagate : Clinton et la stagiaire
En 1995, Monica Lewinksy, stagiaire à la Maison Blanche, entame une relation avec Bill Clinton, à l’époque Président des États-Unis. La jeune femme en révèle les détails à une de ses amies, Linda Tripp, qui travaille au Département de la Défense et enregistre les conversations téléphoniques avec Lewinsky.
En 1998 le scandale éclate, avec une portée mondiale, et conduit la Chambre des Représentants à poursuivre Clinton pour avoir menti sur l’affaire présumée. Les Républicains tentent une procédure d’impeachment contre le président, mais le scandale s’arrête en 1998, avec une intervention télévisée de Clinton, qui admet avoir mentit sur toute l’histoire.
JFK & Marilyn
Au mois d’août de l’année 2013 paraît aux USA un livre du journaliste Christopher Anderson sous le titre : « These few precious days : the final year of Jack with Jackie », et dans lequel il révèle que l’actrice Marilyn Monroe aurait appelée la first lady Jacqueline Kennedy pour lui avouer sa relation avec son mari John F.Kennedy, alors président des États-Unis. Un « secret de polichinelle » qui n’a jamais été confirmé par une source officielle.
Berlusconi et le Rubygate
Ouvert en 2010, le procès contre Berlusconi est encore en cours. Le Cavaliere est accusé d’avoir eu une relation sexuelle tarifée avec une danseuse mineure, Karima El Mahroug, aussi connue sous le nom d’artiste Ruby Rubacuori, ainsi qu'avec d’autres nombreuses jeunes filles qui fréquentaient les fêtes privées organisées dans sa villa à Arcore.
L’arrestation de Strauss-Kahn
Le 14 mai 2011, Dominique strauss-Kahn est arrêté à New-York, accusé de tentative de violence sexuelle sur une femme de chambre du Sofitel de Timesquare. Quatre jours après l’arrestation, il se résigne à démissionner de son poste de Directeur du Fond Monétaire International.
Le 1er Juillet de la même année, le New York Times annonce un arrêt de l’enquête. Les enquêteurs ont constaté des incohérences dans la lourde histoire de l’accusatrice. Selon le procureur, cette dernière aurait délibérément menti devant le grand jury. Le 23 Août 2011, le procureur de New York archive définitivement les accusations publiques portées contre lui, avant qu'une transaction financière ne mette fin à la procédure engagée au civil l'année suivante.
Hollande-Gayet : french romance in Paris
La relation entre François Hollande et Julie Gayet est la dernière affaire de ce type. L’histoire éclate en Décembre 2013 avec en évidence les fameuses photos du président en scooter, rendant visite à l’actrice dans son appartement de la rue du Cirque.
Qu'en dit l’Église ?
« Quand l’action politique est confrontée à des principes moraux qui n’admettent ni dérogation, ni exception, ni aucun compromis, l’engagement des catholiques devient plus évident et se fait lourd de responsabilités. Face à ces exigences éthiques fondamentales auxquelles on ne peut renoncer, les chrétiens doivent en effet savoir qu’est en jeu l’essence de l’ordre moral, qui concerne le bien intégral de la personne.
[…]
Ils s’éloignent de la vérité ceux qui, sachant que nous n’avons pas ici-bas de cité permanente, mais que nous cherchons à atteindre la cité future, croient, pour cela, pouvoir négliger leurs devoirs terrestres en perdant de vue que la foi même crée une obligation plus grande de les accomplir, en fonction de la vocation propre à chacun».
(Congrégation pour la Doctrine de la Foi)
Article réalisé par Solène Tadié, Corrado Paolucci, Ary Ramos, Carly Andrews, Clarissa Oliveira, Sabrina Fusco
Traduction de Paul Monin