Le gouvernement vient d’annoncer que le projet de loi famille était reporté. Pour mieux le ressortir après les élections municipales ?Le gouvernement aurait-il fini par entendre le message de la Manif pour Tous ? Ou n'avait-il pas d'autre moyen pour échapper aux amendements promis et annoncés par le groupe parlementaire PS sur la PMA et la GPA ? À moins que les sondages sur les dégâts réalisés dans l'opinion ces derniers jours par la querelle sur l'enseignement de la théorie du genre (une "rumeur", selon les éléments de langage diffusés par le gouvernement) n'aient incité Matignon à ne pas ouvrir un nouveau front sociétal à la veille des élections municipales ? En tout cas, le résultat est là : le gouvernement a annoncé lundi après-midi, 3 février, le report du projet de loi famille.
Les nombreux opposants à ce texte ne doivent pas bouder leur plaisir : c'est d'abord une bonne nouvelle, qui n'est d'ailleurs pas sans rappeler le recul de François Mitterrand jadis sur le dossier de l'école privée. Bien sûr, du côté de Matignon, on invoque sans convaincre quiconque un calendrier parlementaire déjà dense pour justifier ce report au lendemain d'une nouvelle démonstration de force (tranquille) de La Manif pour Tous.
Mais cette décision surprise est aussi l'aveu à mots couverts que le gouvernement ne gouverne plus que lui-même : pris entre une majorité versatile et à géométrie variable au Sénat, et un groupe parlementaire qui ne lui obéit en rien à l'Assemblée, il n'avait d'autre choix que de reculer, sauf à attiser à la veille des élections municipales une guerre de plus sur un sujet de société sur lequel l'opinion publique a déjà les nerfs à vifs : la famille. On en viendrait, presque, se demander pourquoi ce même gouvernement n'a pas également reculé il y a quelques mois de cela lors du vote de la loi sur le mariage homosexuel, alors que l'opposition dans l'opinion était encore plus vive et les manifestants plus nombreux.
La Valls hésitation n'aura donc duré qu'une journée, avant que Jean-Marc Ayrault ne se voit obligé d'enterrer le texte sur la famille. Hier, juste après la démonstration de force aussi inattendue que réussie de la Manif pour Tous, c'était l'annonce, étonnante, par le ministre de l'intérieur que le gouvernement s'opposerait à d'éventuels amendements visant à légaliser en France la PMA et la GPA. «Pourquoi est-ce le ministre de l'intérieur qui s'exprime sur le sujet de la PMA et non pas la ministre de la Famille ? Faut-il le croire ? Certainement pas ! », s'étonnait d'ailleurs le député de Paris Bernard Debré sur son blog.
Ce matin, Bruno Le Roux, chef de file des députés PS, se permettait de recadrer le premier ministre en l'appelant à respecter la règle du jeu et à attendre l'avis du Comité national d'éthique. Un comité jugé trop critique dont, de toutes façons, la composition avait été soigneusement revue pour garantir un avis des plus conformes aux souhaits du gouvernement… "Je ne renonce à aucune ouverture de nouveaux droits pour les enfants de notre pays", avait clairement prévenu M. Le Roux. «En démentant Valls, Bruno Le Roux confirme que des amendements pro GPA et PMA sont en préparation chez les députés PS», estimait pour sa part Jérôme Lavrilleux, bras droit du président de l'UMP. Pourtant, David Assouline, porte-parole du PS, affirmait de nouveau ce midi que "le PS ne souhaite pas que dans la nouvelle loi famille il y ait d'autres débats et d'autres propositions qui introduisent ces questions", à l'occasion du point presse hebdomadaire du PS.
Le projet de loi Famille ne passera donc finalement pas à l'assemblée nationale en 2014. Ce retrait est indubitablement une victoire pour les défenseurs de la famille qui ont défilé dimanche dernier dans les rue de Lyon et de Paris. Mais ces opposants devront rester vigilants. D'ailleurs, dans les colonnes du dernier numéro du magazine Têtu, Bertrand Delanoë, actuel maire de Paris, le rappelait : "Un quinquennat dure cinq ans. Soyons vigilants, soyons exigeants, mais soyons également patients."
En tout cas, pour le député du Nord, Sébastien Huyghe, "les contradictions entre Manuel Valls et le président du groupe PS Le Roux justifient pleinement les inquiétudes de la Manif pour Tous ». Sébastien Huyghe en profitait pour énumérer soigneusement toutes les prises de position récentes au sein du PS et du gouvernement en faveur de la PMA et de la GPA :
– une tribune en date du 13 décembre 2010, Najat Vallaud-Belkacem, Aurélie Filippetti et Alain Vidalies, avec d'autres figures du PS comme François Rebsamen ou André Vallini réclamant une légalisation de la GPA ;
– Manuel Valls se déclarant favorable à la GPA dans Têtu du 20 avril 2011 ;
– le candidat François Hollande affirmant dans Grazia le 24 février 2012 puis dans Têtu en avril 2012 qu'une femme doit pouvoir recourir à la PMA "parce qu'elle ne souhaite pas avoir une relation avec un homme" ;
-la ministre Marisol Touraine également pour une PMA "accessible à tous" (14 octobre 2012, dans Metronews) ;
– en décembre 2012, le groupe socialiste à l'Assemblée avait par ailleurs voté par 126 voix contre 61 "pour que l'amendement sur la PMA soit introduit dans le projet de loi sur le mariage pour tous" ;
Enfin, Jean-Marc Ayrault expliquait le 9 janvier 2013 "que la PMA figurerait dans le projet de loi famille", suivi le 28 janvier par Najat Vallaud-Belkacem affirmant sur BFM TV : "Je suis pour, le PS est pour, le gouvernement s'est exprimé en faveur".
"Après cela, la gauche explique que les inquiétudes sur l'ouverture de la PMA aux couples de même sexe et de la légalisation de la GPA sont des fantasmes. concluait le député du Nord. Dans la novlangue socialiste, il faut croire que le mot fantasme doit être compris comme projet."