Chère Géraldine,
Vous avez publié vendredi dernier, dans Le Monde, votre témoignage, pour soutenir le droit à l'avortement. Il m'a interpellé et a largement interpellé les uns et les autres autour de moi. Un récit qui vous prend et ne vous lâche pas comme ça. Titré : "Une épreuve vécue sans légèreté ni regret". Non, certainement, on ne peut ressentir de légèreté à la lecture de votre témoignage. Mais de l'horreur devant ce que vous avez subi. Et une tristesse profonde pour vous, forcée de vivre ce déchirement. Pour le bébé aussi, "au fond des chiottes" de la clinique.
Vous avez le mérite de ne pas édulcorer ce que vous avez vécu, de ne pas vous cacher derrière telle ou telle périphrase militante ou administrative. Vous ne parlez ni "amas de cellules" ni "fragments de grossesse". Ce que vous avez dans votre ventre, c'est "un bébé", "un enfant", à tout le moins dans les premiers mots. Vous ne cachez ni la douleur, ni la violence de ce que vous avez subi. Ni les pleurs, ni les hurlements. "Elle n'aurait jamais cru qu'il serait si grand. Elle se met à hurler. Elle n'est plus enceinte". Votre témoignage est glaçant. Il l'est d'autant plus que l'on sait qu'il n'est pas isolé (et l'on en trouve plus d'un témoignage en ligne).
Vous êtes insultée par ceux qui, dans une formule à l'emporte-pièce, évoquent des "avortements de confort". Vous et toutes les autres femmes qui ont subi le même arrachement.
Alors, vous vous adressez aux "messieurs" qui vous blessent ainsi.
Je suis un homme. Lorsque l'on évoque l'avortement, il se trouve toujours quelqu'un pour nous dénier à nous, les hommes, le droit d'en parler. Comme si précisément, écarter ainsi l'homme n'avait pas un lien direct avec l'attitude de celui qui vous a amenée à avorter. Comme s'il fallait vraiment persuader les hommes que ça ne les concerne pas. Car dans votre récit, précisément, il est question d'un homme. Des hommes. De ces hommes qui ont une opinion bien précise sur l'avortement, en prise étroite avec votre utérus. De ceux qui considèrent que l'avortement, c'est "son corps, son choix, son droit"... son problème.
Alors, c'est en tant qu'Homme et en tant qu'homme que je réagis à votre témoignage.