La hausse du salaire minimum est-elle une nécessité pour protéger les plus pauvres ou est-ce au contraire un facteur supplémentaire d’exclusion ? Un débat répercuté par l’édition anglophone d’Aleteia.La question du salaire minimum fait largement débat dans les sphères politiques de nombreux pays, mais également chez les chrétiens eux-mêmes.
« Le travail est une bonne chose pour l’homme -une bonne chose pour son humanité- parce que par le travail, l’homme ne se contente pas de transformer la nature en l’adaptant à ses propres besoins, il accomplit des exploits en tant qu’être humain et de ce fait, il devient dans un certain sens plus qu’un être humain ». Tels sont les mots de Jean-Paul II, dotés d’une incroyable résonnance. Ces mots proposent un socle solide au débat qui divise les chrétiens.
Les gens de foi ont des valeurs morales bien précises. Les êtres humains doivent être récompensés à hauteur de leur travail, c’est un principe biblique irréfutable. Mais ces valeurs vont bien au-delà. Le christianisme a toujours considéré que tous les êtres humains avaient droit à la dignité et qu’ils possédaient une grande valeur, puisqu’ils ont été façonnés à l’image de Dieu.
Ainsi, nous devons veiller au respect et à la justice pour chacune de Ses créatures, sans égard pour leur sexe, leur race, leurs facultés ou leurs faiblesses.
Et nous sommes en outre tous appelés à être productifs, afin que notre richesse nous permette d’agir au service de Dieu, et d’aider les personnes dans le besoin.
Ces principes sont des fondamentaux de la foi chrétienne, qu’il convient de rappeler en tout premier lieu. Comment appréhender dès lors la question du salaire minimum ?
Actuellement en Europe, 21 États sur 28 ont instauré un salaire minimum (bien variable selon les pays), les sept « irréductibles » étant jusqu’ici l’Allemagne, l’Italie, le Danemark, la Finlande, la Suède, l’Autriche et Chypre (Angela Merkel a récemment déclaré qu’un salaire minimum serait prochainement adopté pour l’Allemagne).
Alors que de nombreux chrétiens considèrent que l’instauration d’un salaire minimum le plus élevé possible est la condition sine qua non pour la protection des plus défavorisés, d’autres au contraire estiment que cela contribue à leur mettre davantage de bâtons dans les roues.
Stephen Herreid, contributeur américain d’Aleteia, va jusqu’à dire que la notion de salaire minimum prend ses racines dans l’eugénisme de ce que l’on appelle l' « ère progressiste ». Les catholiques, explique-t-il, devraient savoir deux choses : la première est qu’au début du XXe siècle, « l’une des méthodes eugénistes de prédilection pour exclure les ‘inférieurs’ de la société blanche et saine, était la mise en place de salaires minimum trop élevés pour être atteints par la plupart des pauvres. La seconde est qu’une fois que ces ‘indésirables’ étaient retirés de la force de travail, l’’État’ devait ‘se charger’ d’eux séparément en tant que ‘classe spéciale’ du système d’Etat providence ».
Selon lui, le contexte existant de libre compétition, qui jouait davantage en faveur des pauvres, était une menace pour le programme « progressiste ». Et il rapporte ainsi les propos ahurissants de l’économiste John R. Commons, tenus en 1907 : « La compétition n’a pas de respect pour les races supérieures ».
De même, le professeur Thomas C. Leonard de l’Université de Princeton, qui a consacré un article aux pratiques eugénistes durant «l’ère progressiste », raconte que « la législation du travail alors mise en place visait, à bien des égards, à exclure les immigrants, les femmes, et les Afro-américains ».
À l’origine, cette mesure aurait été utilisée comme une arme, et non comme un remède pour les pauvres marginalisés.
Herreid pour sa part considère que la hausse des salaires minimum produirait aujourd’hui les mêmes effets sur le marché du travail qu'à l'époque, expliquant qu’aujourd’hui aux États-Unis, 3% des travailleurs sont concernés par le salaire minimum, et que beaucoup de ces 3% perdraient leur emploi si les employeurs devaient les payer davantage.
En effet, un salaire minimum trop élevé a souvent pour effet de décourager l’emploi de plus de main-d’œuvre et de dresser des barrières à l’entrée du marché du travail pour les personnes les moins qualifiées et les plus défavorisées. Les emplois à basse rémunération, pour une très large partie de nos populations, sont des emplois où l’on débute et non où l’on finit. Et le problème risquerait de s’aggraver si l’accès au premier emploi était de la sorte mis en difficulté.
Par ailleurs, beaucoup de catholiques, notamment les anglo-saxons, voient d’un mauvais œil une trop forte immixtion de l’État dans ces sphères, estimant que si un gouvernement s'octroie le pouvoir d'imposer un salaire précis, il fera certainement de même pour imposer des règles qui pourraient aller profondément à l’encontre de la liberté de conscience de chacun.
Traduit et adapté de l'édition anglaise de Aleteia par Solène Tadié.