N’attendons pas que l’autre soit bon pour être bons ! Mgr d’Ornellas revient sur la récente occupation de l’église Saint-Marc, et l’accueil fait au migrants, à la veille de la 100e journée mondiale des migrants et des réfugiés.Lors d’une conférence de presse mercredi 15 janvier 2014, Mgr Pierre d’Ornellas a lancé un appel à l’occasion de la 100e Journée mondiale des Migrants et des Réfugiés, célébrée ce dimanche 19 janvier, après être revenu sur la situation de l’église Saint-Marc de Rennes, récemment occupée par 150 migrants.
"L’histoire des migrants de Saint-Marc vous est connue, a-t-il déclaré. Elle se résume en trois étapes : occupation de l’église Saint-Marc fin avril 2013, à l’instigation de l’association « Un toit, c’est un droit ». J’ai refusé l’expulsion car on n’expulse pas a priori son « frère ». Cet été, je suis allé rencontrer chaque famille et chaque personne. Conscient de l’insalubrité du lieu, j’ai demandé au Secours Catholique de réfléchir à l’issue la meilleure pour chaque migrant, conformément au respect de sa dignité humaine et au respect de ses droits selon la loi française.
Début septembre, le Secours Catholique a suscité un groupe de travail afin de rechercher des logements dans diverses municipalités d’Ille-et-Vilaine en lien avec le tissu associatif local, notamment les équipes locales du Secours Catholique que je remercie. Pour préparer cet accueil, une charte a été mise au point afin que le tissu associatif local accompagne au mieux chaque famille de migrants selon ses besoins et ses droits.
Devant les difficultés à trouver suffisamment de logements, nous nous sommes tournés vers la Préfecture qui a organisé le relogement des personnes et des familles, dans le respect de leur libre choix. Elles ont librement quitté Saint-Marc. Je remercie M. Fleutiaux et ses services pour le travail accompli et pour la bonne concertation qui a permis ce dénouement.
L’accueil et l’accompagnement des migrants demeurent une tâche à accomplir. La 100e Journée internationale des Migrants et des Réfugiés, ce dimanche 19 janvier 2014, nous en rappelle l’urgence. Le message du pape François pour cette journée est lumineux. J’invite tout le monde, pas seulement les catholiques, à le lire. Fin octobre, j’ai eu l’occasion d’échanger avec le pape François sur cet accueil des migrants. Il m’a encouragé tout en en soulignant la grande difficulté. C’est en raison de cette difficulté que nous devons nous mettre ensemble pour réfléchir et pour partager nos compétences afin que les migrants soient accueillis et accompagnés, en particulier les familles avec des enfants.
Sortir de la culture de l’indifférence, du rejet et de la peur
Accueillir et accompagner les migrants, cela demande que nous sortions de la culture de l’indifférence, du rejet et de la peur, et que nous entrions résolument dans une culture de la rencontre et de la solidarité, pour reprendre les expressions du pape François. Cela signifie que nous comprenions que la différence n’est pas d’abord une source de problèmes et de conflits mais une potentialité d’enrichissement mutuel.
Cela exige que nous soyons dans une attitude d’accueil lucide et réfléchi au niveau local et dans une attitude de respect bienveillant, de telle sorte que la différence soit source de paix. Cela suppose que nous ne cédions pas aux préjugés ni aux jugements hâtifs et simplistes. Même si toute faute doit être sanctionnée et tout fautif, y compris les mafieux que sont des passeurs, inviter à se corriger. Cela suppose aussi que nous soyons convaincus que tout être humain, quelles que soient sa culture, sa race, sa religion, est capable d’avoir un cœur bon et attentif, un cœur accueillant et ouvert à l’autre, un cœur fraternel et pacifique. N’attendons pas que l’autre soit bon pour être bons !
Par les migrations, les cultures et les religions se rencontrent dans la proximité
Les vecteurs de communication nous présentent la culture ou la religion étrangère de telle sorte que celles-ci restent extérieures à nos vies, à nos familles et à nos communes ; chacun peut s’y intéresser comme une curiosité ou comme un objet d’étude. Aujourd’hui, la culture et la religion étrangères s’offrent à nous par le visage en chair et en os d’hommes et de femmes, d’enfants et de jeunes, qui sont à nos côtés et qui sont bien souvent dans une situation de précarité : ils sont ici, avec l’espérance brisée d’un monde meilleur pour eux et pour leurs enfants.
Comme l’a souligné le pape Benoît XVI, le phénomène migratoire du XXIe siècle est un « signe des temps ». Cela ne signifie pas seulement que ce phénomène est inédit pas son ampleur, mais aussi et surtout qu’il contient en lui-même une richesse positive et un appel que nous devons discerner.
Quelle est donc cette richesse ? Le « frère » étranger, différent de moi, m’enrichit par sa culture et par sa foi en Dieu. Le « frère » étranger partage avec moi les questions essentielles sur la vie, la naissance, l’éducation, l’amour, le travail, la souffrance, la solidarité, la mort, et sur Dieu. Sa manière d’y réfléchir et d’y répondre mérite d’être entendue et partagée.
Quel est donc cet appel ? Celui que le migrant nous adresse : allez-vous m’accueillir comme je suis ? Comprenez-vous que, comme vous, je cherche le bonheur pour moi et ma famille ? Croyez-vous que je suis capable d’apporter le meilleur de moi-même pour construire avec vous un monde de paix et de justice où chacun et chaque famille trouvent son chemin de bonheur ?
En répondant positivement à ces questions, nous avons une attitude vraiment humaine et nous partageons un « humanisme » digne de la famille humaine. C’est cet « humanisme » qui permet d’élaborer les lois nationales et internationales, et de les appliquer. Il est en effet dangereux et hypocrite de se cacher derrière les lois pour refuser de regarder en vérité les migrants comme nos frères et sœurs.
C’est aussi à la lumière de cet « humanisme » que nous décidons ensemble de construire une société fraternelle où chacun a sa place. Il est temps que nous réfléchissions à cet « humanisme » et que nous nous décidions de le vivre pour que nos choix inspirent les élections municipales et européennes.
Si nous sommes tous « frères », c’est parce que nous avons un Père commun, au ciel et sur la terre. Ce Père qui est aux Cieux, Dieu lui-même, est amour ! Il invite ses enfants à vivre ensemble dans la paix. Son Fils Jésus, qui a connu la migration et l’épreuve du rejet, nous apprend la compassion et l’amour mutuel. Les chrétiens, avec la foi vivante qui les anime, sont porteurs d’un « humanisme » si profond qu’ils voient dans l’autre le visage d’un enfant bien-aimé de Dieu, le visage du Christ. C’est pourquoi, avec d’autres, ils veulent construire une société fraternelle de liberté.
J.H.
http://www.journee-mondiale.com/217/journee-mondiale-du-migrant-et-du-refugie.htm