Plutôt que de lutter contre les distractions, il faut prier avec elles : c’est ainsi qu’ont toujours fait les grands priants car c’est une école d’humilité et d’abandon confiant à Dieu.
Du blogue de Jacques Gauthier : http://www.jacquesgauthier.com/blog2/item/146-ecole-de-priere-17-prier-avec-les-distractions.html
« Dès que je me mets en présence de Dieu au début de l’oraison, les distractions arrivent tout de suite. Est-ce normal » ?
Oui, c’est un signe que tu es vivant et que ton imagination fonctionne. Tous les priants connaissent les distractions, que ce soit durant la prière vocale, liturgique, ou durant la méditation, l’oraison. Thérèse d’Avila a montré qu’en entrant dans le silence de Dieu, on renonce délibérément à l’activité de nos sens. « L’âme recueille toutes ses puissances et rentre en elle-même avec son Dieu » (Chemin de la perfection, 28). On se met volontairement dans la nuit, nous dit de son côté Jean de la Croix : nuit des sens, nuit de la raison, nuit de la foi, nuit de Dieu. Cet état est déroutant pour nous qui cherchons à tout contrôler, à tout comprendre, alors qu’il s’agit de s’abandonner, de se laisser prendre par l’amour de Dieu. Pour Thérèse d’Avila, les distractions dans l’oraison occasionnent la sécheresse, l’aridité face à Dieu, le découragement. Plusieurs abandonnent cette voie royale parce qu’ils pensent qu’ils ne plaisent pas à Dieu, qu’ils sont trop distraits et qu’ils ne sont pas faits pour cette prière plus contemplative.
Le combat de la prière
Contrairement à ta décision de prier, qui elle vient de la volonté, les distractions sont souvent indépendantes de notre vouloir. Elles vont et viennent comme des mouches, nous empêchent de nous concentrer comme nous le voudrions. Certaines viennent du dehors, comme les bruits de la rue, d’autres de soi-même : l’imagination avec ses images, la mémoire avec ses souvenirs, le corps avec ses douleurs. Vouloir les chasser ajoute à ton trouble, mieux vaut prier avec elles. C’est de l’ordre du combat spirituel où tu laisses Dieu triompher en toi en te recentrant sur le Christ.
« Partir à la chasse des distractions serait tomber dans leurs pièges, alors qu’il suffit de revenir à notre cœur : une distraction nous révèle ce à quoi nous sommes attachés et cette prise de conscience humble devant le Seigneur doit réveiller notre amour de préférence pour Lui, en Lui offrant résolument notre cœur pour qu’Il le purifie. Là se situe le combat, le choix du Maître à servir » (Catéchisme de l’Église catholique, 2729).
Si les distractions persistent, comme se rappeler un rendez-vous, acheter du pain, finir un travail, téléphoner à un ami, répondre à un courriel, et bien écris-les sur un papier à portée de main et continue à prier. Reviens sans cesse à ton cœur, vrai lieu de la prière, où demeure la Trinité. Certes, ces distractions seront remplacées par d’autres, mais elles seront peut-être moins accaparantes.
Tu peux aussi revenir à ton cœur en fixant un crucifix, en contemplant une icône, en méditant un verset d’un psaume. Tu plonges de nouveau en toi et tu adores le Seigneur qui est présent au fond de ton cœur. Pour t’aider à demeurer dans le recueillement, tu peux réciter une courte prière vocale, répéter le nom de Jésus qui te conduira à un silence plus intérieur.
Les distractions sont des occasions de prière, de t’offrir à Dieu; à toi de les transformer en demande, intercession, action de grâce, pardon. C’est la vie qui jaillit de ton inconscient. « Merci Seigneur pour la voiture que je dois réparer. Je te bénis pour les enfants qui me donnent du souci. Aide-moi, Seigneur, à accepter tel collègue. Je te demande pardon pour ce désir de vengeance qui monte en moi lorsque je pense au voisin. Merci de me rappeler telle fête qui approche. Je te confie telle personne, etc. »
Bien respirer dans l’Esprit
Pour ceux et celles qui ont vraiment beaucoup de distractions et n’arrivent pas à se recueillir, je suggère de respirer profondément, surtout lorsqu’on prie seul dans le secret de son cœur. On inspire en visualisant l’air qui gonfle l’abdomen et le diaphragme. L’air entre dans les poumons, soulève le thorax et les épaules. Nous sentons la vie qui ouvre les narines, bat dans le cœur, irrigue les veines comme une source d’eau vive. La respiration devient plus lente; nous acceptons le souffle qui soulève lentement la poitrine. S’il y a une partie de notre corps que nous aimons moins, nous l’offrons au Seigneur. Il est présent dans la respiration. Nous inspirons normalement par le nez, nous expirons profondément par la bouche. On remplit lentement les poumons d’air en accueillant l’amour de Dieu. On inspire et expire en disant intérieurement « Abba », ou « Jésus ». Nous pouvons aussi nous exercer à cette prière trinitaire : on inspire en disant, « Père »; on expire, « en ton Fils »; on inspire « donne-moi »; on expire, « l’Esprit ».
Tout peut être occasion d’élever son cœur vers Dieu qui connaît les faiblesses de notre nature : « Seigneur, apprends-moi à prier. Dieu, viens à mon aide. Esprit Saint, viens prier en moi ». Dieu préfère nous voir prier distraits que de ne pas prier du tout parce que l’on n’arrive pas à se recueillir. Offre-toi donc à Dieu tel que tu es, car il ne méprise pas ta prière d’enfant. Encore ici, seul l’amour compte pour persévérer dans la prière, remplie ou non de distractions.
Un jour, peut-être, tu ne penseras à rien en priant, car la présence du Père, de Jésus ou de l’Esprit aspirera tellement ton cœur que seuls resteront un élan intérieur, un simple regard, une attention amoureuse. Tu sauras alors qu’il y a un véritable plaisir à prier, avec ou sans distractions.
Pour aller plus loin, je vous suggère: Guide pratique de la prière chrétienne (Presses de la Renaissance, 323 pages); Expérience de la prière (Parole et Silence, 140 pages).