Les célébrations commémoratives du massacre ont commencé à Kigali, mais les causes et les responsabilités restent mal établies.
09/01/2014
Les célébrations commémorant le vingtième anniversaire du génocide rwandais ont été inaugurées par l’allumage, le mardi 7 janvier, de la flamme du souvenir à Kigali, la capitale.
La torche, qui sera transportée dans tous les villages du pays avant l’ouverture d’une période de deuil national, le 7 avril prochain, a été allumée par la ministre des affaires étrangères, Luise Mushikiwabo, au cours d’une cérémonie au mémorial de Gisozi. Celui-ci symbolise la mémoire collective de 800.000 personnes, essentiellement membres de la communauté tutsi, tuées dans les violences perpétrées par des extrémistes hutus et des groupes armés, entre avril et juin 1994.
Parmi les victimes, il y avait 3 évêques et plus de 400 prêtres et religieux.
Des survivants et des responsables gouvernementaux étaient rassemblés pour l’événement qui a été ponctué de témoignages de survivants expliquant comment ils avaient réussi à reconstruire leurs vies ces vingt dernières années.
La plupart des responsables du massacre ont été jugés par un tribunal pénal international à Arusha, en Tanzanie. Quelque deux millions d'autres personnes ont aussi comparu devant des tribunaux populaires, les gacaca, pour leur rôle présumé dans le génocide. 65% de ces personnes ont été reconnues coupables. (lapresse.ca à partir de l’AFP)
Dans tous les lieux où passera la flamme, des débats seront organisés autour de l'identité nationale rwandaise et des progrès effectués par le pays depuis la fin du génocide. Mais il sera aussi beaucoup question des causes de ce génocide et de « l’aveuglement » ou du « silence » de la communauté internationale qui n’est pas intervenue. Les mêmes débats se tiendront dans plusieurs capitales étrangères dont Addis-Abeba, Londres et New York.
« Nous sommes profondément conscients des difficultés et des défis du chemin à parcourir pour construire une nation, ce qui n'est pas une tâche facile, particulièrement avec l'héritage d'un génocide », a déclaré la ministre rwandaise des Affaires étrangères Louise Mushikiwabo, durant la cérémonie au mémorial de Gisozi.
En France, depuis plusieurs années, l’association Ibuka France pour la mémoire du génocide des Tutsi du Rwanda se mobilise, aux côtés de survivants et avec le soutien de l'Union des Etudiants Juifs de France, et de SOS Racisme, pour qu’un lieu de mémoire commémoratif du génocide au Rwanda soit érigé à Paris, et que les génocidaires réfugiés en France soient poursuivis.
Le 30 novembre, c’est à Bègles, en Gironde, qu’un mémorial aux victimes a été érigé, à l’initiative du maire Noël Mamère, réalisé par le plasticien sud-africain Bruce Clarke, dans le cadre d’un projet artistique et mémorial « Les hommes debout » pour rendre hommage aux victimes et ne pas oublier les horreurs qu’elles ont subies en 1994.
20 ans après le génocide au Rwanda, beaucoup pensent néanmoins que le travail de mémoire n’a toujours pas été fait. C’est le cas de Caritas Suisse qui, le mois dernier, en vue des commémorations du 20ème anniversaire, a tracé un bilan très mitigé de la situation politique actuelle, parlant d’un gouvernement à « deux visages » qui a réussi à remettre en état les infrastructures d’un pays complètement détruit, tout en maintenant la population dans la répression et sous un contrôle absolu. (Radio Vatican)
Dans la version officielle du génocide, les troupes du Front patriotique rwandais (FPR), qui forment aujourd’hui le gouvernement, sont représentées comme les sauveurs et les libérateurs. En 1994, ces troupes auraient réussi à mettre fin au génocide des Hutus contre les Tutsis et à libérer le pays de l’hégémonie d’une élite composée de Hutus. Les tenants des versions non officielles de l’histoire sont au contraire persuadés qu’au cours de ce processus d’épuration, le FPR se serait livré à des massacres sur la population civile hutue. Ils veulent savoir la vérité et réclament des comptes.
La confirmation de ce soupçon signifierait que la frontière entre bourreaux et victimes, entre Hutus et Tutsis, n’est pas aussi claire que le prétend le gouvernement majoritairement composé de Tutsis.
Dans le but de cimenter le pays, le gouvernement interdit toujours aux Rwandais de se définir comme Hutu ou Tutsi.
Caritas Suisse soutient depuis des années un projet de promotion de la paix : il y a une dizaine d'années, l’œuvre d’entraide s’est beaucoup impliquée dans la fondation du réseau Noyau de Paix.
Ce réseau rassemble plusieurs organisations actives dans le domaine de la paix, par exemple des associations de veuves, des organisations de jeunes ou l’organisation régionale catholique Justice et Paix. Objectif : enseigner la communication non violente et l’éthique de promotion de la paix aux Rwandaises et aux Rwandais pour les rendre aptes à résoudre leurs conflits de façon loyale et pacifique. Les bénéficiaires apprennent à connaître leurs droits et à les revendiquer; ils doivent participer aux décisions politiques.