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Jésuites 1814-2014 : le bicentenaire d’une résurrection

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Isabelle Cousturié ✝ - publié le 09/01/14
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Du 3 janvier au 27 septembre 2014, la Compagnie de Jésus commémore le 2ème centenaire de son rétablissement dans l’Eglise après une douloureuse parenthèse de 41 ans.
Mise à jour 10/01/201

2014 sera une année importante pour la Compagnie de Jésus : le bicentenaire de son rétablissement dans l’Eglise sera l’occasion pour elle de « tirer les enseignements » de son histoire, marquée par une longue période « d’errance » après sa suppression par le pape Clément XIV, en 1773. 
 
Depuis le 3 janvier (solennité du Très Saint Nom de Jésus) jusqu'au 27 septembre (jour anniversaire de la confirmation de la Compagnie en 1540), tous les jésuites du monde entier sont invités à analyser « les faits, les causes, les acteurs principaux et les conséquences » de cette suppression puis de son rétablissement, en 1814, pour mieux les comprendre et vivre cette année commémorative comme « un temps de renouveau apostolique et spirituel ».
 
« Mieux nous connaîtrons notre histoire et la comprendrons en profondeur, mieux nous comprendrons notre identité, individuelle et collective, comme corps apostolique dans l’Eglise », écrit le Supérieur général des Jésuites, le P. Adolfo Nicolas,  SJ, dans sa lettre envoyée à tous les jésuites du monde, à l'occasion de cette année  commémorative.
 
Car « comme nous le savons, mémoire et identité sont profondément liées: celui qui oublie son passé ne sait pas qui il est », ajoute-t-il.
 
Dans cette lettre, le père Nicolas demande à tous les jésuites et à leurs proches collaborateurs, de profiter de tous les recherches, publications, réunions et conférences universitaires qui sont programmées de par le monde à cette occasion pour « prier », « réfléchir » et « discerner ».
 
Il leur soumet de multiples questions comme :
 
« Que signifie pour nous aujourd’hui le fait que la Compagnie, qui, en dehors de l’Empire russe, avait tout perdu au moment de la suppression, ait été en mesure de se rétablir alors qu’elle n’avait aucune ressource? Par ailleurs, que peuvent nous apprendre les efforts faits par la Compagnie rétablie pour être fidèle à l’héritage ignacien dans un univers complètement transformé? »
 
Et aussi : «  Que nous enseignent la patiente endurance, le courage, la foi et la confiance en la Providence divine et en la présence de l’Esprit dans l’Eglise qui ont habité nos frères au cours de cette période tumultueuse? » ;  « Que nous enseigne le témoignage de ceux qui ont pris soin de leurs frères en temps de crise? » ; « Que signifie pour nous aujourd’hui cet appel à nous concentrer avant tout sur la connaissance et l’amour de notre Institut ? »
 
La lettre du père Nicolas renvoie à tant d’autres réflexions accessibles directement sur le site de la Curie à Rome: http://www.sjweb.info/news/index.cfm?Tab=2&publang=2
 
Les jésuites forment une communauté de 19 000 « compagnons » disséminés à travers le monde. Cette année, l’un des leurs, pour la première fois dans l’Histoire,  est devenu pape : le pape François dont le nom fait autant référence à saint François d'Assise qu’au jésuite saint François-Xavier, missionnaire et disciple de saint Ignace de Loyola.
 
Les 19 et 23 et 29 août derniers, le pape François accordait trois longs entretiens au P. Antonio Spadaro s.j., directeur de La revue Civiltà Cattolica. Celui-ci représentait l’ensemble des revues culturelles jésuites européennes et américaines de 16 pays d’Europe et d’Amérique Latine, dont les responsables avaient préparé un certain nombre de questions à poser au Saint-Père.  
 
Dans ces échanges, le Pape  explique pourquoi il est devenu jésuite et indique le point de la spiritualité ignacienne qui l’aide à mieux vivre son ministère (Aleteia).  Il explique aussi comment la Compagnie de Jésus peut être au service de l’Église aujourd’hui, quelle est sa spécificité, et les risques qu’elle court, un passage qui a sans doute moins retenu l’attention au moment de la parution de ces entretiens.
 
Voici ce passage :
 
«  La Compagnie est une institution en tension, toujours radicalement en tension. Le jésuite est un homme  décentré. La Compagnie est en elle-même décentrée : son  centre est le Christ et son Église. Par conséquent, si la  Compagnie maintient le Christ et l’Église au centre, elle a  deux points fondamentaux d’équilibre lui permettant de  vivre en périphérie. En revanche, si elle est trop tournée vers  elle-même, si elle se met elle-même au centre en se considérant  comme une structure solide, très bien “armée”, elle court  alors le risque de se sentir sûre d’elle-même et auto-suffisante.
 
La Compagnie doit toujours avoir devant elle le Deus semper  maior, la recherche de la gloire de Dieu toujours plus grande, l’Église, Vraie Épouse du Christ notre Seigneur, le Christ Roi qui nous conquiert et auquel nous offrons toute notre personne et toute notre fatigue, même si nous sommes des vases  d’argiles, inadéquats. Cette tension nous porte continuellement hors de nous-mêmes. Le “compte de conscience” est le  moyen, à la fois paternel et fraternel, qui force la Compagnie  à se décentrer, justement parce qu’il l’aide à mieux sortir  d’elle-même pour la mission ».
 
Ici le Père Spadaro explique que le Pape fait référence à un point spécifique des  Constitutions de la Compagnie de Jésus où il est dit  que le jésuite doit « manifester sa conscience », c’est-à-dire la situation intérieure qu’il est en train de vivre, de telle manière que le supérieur puisse en tenir compte dans son envoi en mission.
 
Et le pape poursuit : «  Mais il est difficile de parler de la Compagnie. Si nous sommes trop explicites,  nous courons le risque d’être équivoques. La Compagnie peut se dire seulement sous une forme narrative. Nous  pouvons discerner seulement dans la trame d’un récit et pas  dans une explication philosophique ou théologique,  lesquelles, en revanche, peuvent être discutées. Le style de la  Compagnie n’est pas la discussion mais le discernement, qui,  évidemment, dans sa mise en œuvre, suppose la discussion.
 
L’aura mystique ne définit jamais ses bords, ne clôt jamais la  pensée. Le jésuite doit être une personne à la pensée  incomplète, à la pensée ouverte. Il y a eu des époques dans la  Compagnie durant lesquelles la pensée était fermée, rigide, plus instructive et ascétique que mystique : cette déformation a généré l’ Epitome Instituti. »
 
Le père Spadaro intervient de nouveau pour expliquer que le Pape se réfère ici à une synthèse pratique des  Constitutions : formulée au XXème  siècle, celle-ci s’est peu à peu  substituée à ces dernières. Pendant un temps, la formation des  jésuites sur la Compagnie fut modelée par ce texte à tel point  que quelques-uns ne lisaient jamais les Constitutions, texte fondateur de la Compagnie. Pour le pape, les jésuites ont alors fait primer les règles sur l’esprit, cédant à la tentation de trop expliciter et de trop clarifier le charisme de leur ordre.
 
Et le pape de poursuivre : «  Le jésuite pense toujours, continuellement, en regardant l’horizon vers lequel il doit aller et en  mettant le Christ au centre. C’est sa véritable force. Et cela  pousse la Compagnie à être en recherche, créative, généreuse.  Elle doit donc, aujourd’hui plus que jamais, être contemplative dans l’action ; elle doit vivre une proximité profonde avec toute l’Église, entendue comme le Peuple de Dieu et notre Sainte Mère l’Église hiérarchique. Cela requiert beaucoup d’humilité, de sacrifice, de courage, spécialement quand on vit des incompréhensions ou que l’on est objet d’équivoques  et de calomnies, mais c’est l’attitude la plus féconde.
 
Pensons  aux tensions du passé sur les rites chinois, sur les rites malabars, dans les réductions du Paraguay. J’ai été moi-même témoin d’incompréhensions et de  problèmes que la Compagnie a vécus récemment. Ce furent des temps difficiles, spécialement quand il s’est agi d’étendre le « quatrième vœu » d’obéissance au pape à tous les jésuites et que cela ne s’est pas fait.
 
Ce qui me rassurait au temps du  père Arrupe, c’est qu’il était un homme de prière. Il passait  beaucoup de temps en prière. Je me souviens de lui priant assis par terre, en tailleur, comme le font les Japonais. C’est pour cela qu’il avait une attitude juste et qu’il  a pris les bonnes décisions (…) »
 
 En juillet dernier, le jour de la Saint Ignace de Loyola, le pape François a passé deux heures en compagnie de ses frères jésuites : il a célébré avec eux une messe privée en l’église du Gesù à Rome, à laquelle assistait une assemblée de quelques 800 personnes, entre prêtres jésuites (270), des dizaines de collaborateurs et employés de la Compagnie de Jésus, plus un groupe de religieuses de deux ordres d’inspiration ignacienne. (cf. Radio Vatican)
 
Que « le Pape se sente pleinement jésuite : cela rend plus aisée notre communion avec le Pape et avec l’Eglise », avait déclaré à cette occasion le père Nicolas.  Qui avait prévenu toute équivoque : «  Comme général des Jésuites, pas de doute, mon supérieur c’est le Pape François », avait-il ajouté en souriant.
 
 L'Archivum Romanum Societatis Iesu (ARSI) de la Curie générale de Rome a ouvert un site spécial pour 2014, qui propose des textes historiques sur la Suppression et le Rétablissement de la Compagnie. En voici l'adresse: http://www.sjweb.info/arsi/ARSI-1814/1814.cfm.

Quelques vidéos pour mieux connaître les jésuites et sur son actualité en France et ailleurs : http://www.youtube.com/user/jesuites

Et pour une approche chronologique de l'histoire de la Compagnie : http://www.jesuites.com/2011/10/approche-chronologique-de-lhistoire-jesuite/

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