L’Assemblée constituante rejette la charia, le crime d’apostasie et la disparité entre « citoyens et citoyennes ». Mais l’Etat reste « le protecteur du sacré » et « le gardien de la religion ».07/01/2014
Le 4 janvier dernier, l'Assemblée constituante tunisienne (réunie jusqu’au 14 janvier) rejetait la charia et le crime d’apostasie dans deux articles de sa future constitution. Deux jours plus tard, elle y inscrivait l'égalité entre hommes et femmes, une grande première dans le monde arabe.
«Tous les citoyens et les citoyennes ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans discrimination aucune », dispose l'article 20 du projet de Constitution adopté par 159 voix sur 169 votants, le 6 janvier.
Cette formulation est le fruit d'un compromis entre les islamistes d'Ennahda, au pouvoir, et l'opposition laïque.
Concernant les deux premiers articles : la constitution fera de l'islam la religion du pays, mais garantit la liberté de conscience et de croyance, l'interdiction d'incitation à la violence, et l'interdiction de traiter quelqu'un de mécréant ou d'apostat. Néanmoins, le rôle de « protecteur du sacré » et de « gardien de la religion » conféré à L’Etat, sans plus de précisions, inquiète certaines ONG : Pour la Ligue tunisienne des droits de l'homme, il pourrait « aboutir à des interprétations menaçant la citoyenneté et les libertés ». (Faits religieux)
Concernant l’égalité hommes-femmes, son inscription dans la constitution a été accueillie avec satisfaction par les militantes féministes dans le pays : « C'était notre revendication et c'est une victoire », a dit Ahlem Belhaj, l'ex-présidente de l'Association tunisienne des femmes démocrates. (Le Parisien).
Mais sur ce point aussi, réaction mitigée d’organisations non gouvernementales comme Human Rights Watch et Amnesty International, qui jugent la formule « citoyens et citoyennes » trop réductrice. Celles-ci auraient souhaiter voir figurer dans l’article adopté: « hommes et femmes sont égaux et ont droit à la pleine égalité en droit et en fait ». Elles souhaitent aussi que la non-discrimination soit élargie aux raisons de « race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou autre »
A la veille du vote article par article du projet de la constitution, quatre organisation de défense des droits humains ont publié une déclaration pour réaffirmer le caractère crucial que « la nouvelle Constitution de la Tunisie soit mise en conformité avec les normes internationales des droits humains et les obligations de ce pays au regard du droit international ». (cf. Human Rights Watch)
La procédure d'adoption de la Constitution doit être achevée avant le 14 janvier ; soit 3 ans jour pour jour après la révolution qui déclencha le Printemps arabe. Ce calendrier, souligne Faits religieux, est la clé de voûte d'un accord entre opposants et Ennahda pour résoudre une profonde crise déclenchée par l'assassinat le 25 juillet du député de gauche Mohamed Brahmi – le deuxième meurtre en 2013 attribué à la mouvance djihadiste.
A l'issue de ce processus, Ennahda s'est engagée à céder la place à un gouvernement d'indépendants pour conduire le pays à des élections.