«Il est simplement scandaleux que ceux qui s'opposent à l'avortement soient aussi contraints à le financer avec les primes, en augmentation constante, des caisses maladie», déclare Elvira Bader, ancienne députée PDC et co-présidente du comité de l’initiative en question.
Près de douze ans après l’approbation par référendum de la loi autorisant l’avortement, il semblerait que le débat connaisse un nouveau souffle. En effet, une initiative populaire appelée « Financer l’avortement est une affaire privée » demande que l’interruption volontaire de grossesse ne soit dorénavant plus prise en charge par l’assurance maladie obligatoire. Une première tentative avait déjà été lancée en 2009 par voie parlementaire mais la motion avait été rejetée. C’est donc sur la démocratie directe que les défenseurs de l’initiative comptent désormais, après avoir recueilli plus de 110 000 signatures.
«L'avortement resterait légal, mais son financement serait réglé de manière privée», précise l’ancienne députée.
Dans le camp adverse, l’on considère qu’il s’agit plus d’un prétexte pour faire obstacle à l’avortement et craignent pour la santé des plus jeunes et des plus démunies. Certains opposants, comme la députée démocrate-chrétienne Lucrezia Meier-Schatz par exemple, redoutent grandement le retour des faiseuses d’anges.
« Faire de l’IVG une affaire privée, c’est faire encourir aux femmes un risque dans leur santé: parce qu’elles n’ont pas les moyens, les plus démunies d’entre elles pourraient choisir d’interrompre leur grossesse par d’autres voies que celle de l’hôpital public », proteste la socialiste Virginie Studemann, lors d’un débat l’opposant à la co-présidente du parti évangélique genevois, Valérie Kasteler-Budde. Cette dernière quant à elle, rapporte que si en 2002, plus de 70% des Suisses acceptaient de dépénaliser l’IVG, beaucoup d’entre eux toutefois « n’ont pas réalisé que, ce faisant, ils donnaient leur accord pour que leurs primes financent les avortements alors que c’est contraire à leurs valeurs. La solidarité oui, mais si elle vise un mieux-être ou des soins donnés pour guérir une maladie».
Sur la question des risques de santé qui en découleraient, notamment pour les personnes les plus démunies, Elvira Bader objecte que les primes des assurances privées ne sont plus si élevées, et ne constitue plus un obstacle. Elle ajoute que l’avortement ne coûte pas très cher de nos jours : « Il ne mène pas à la pauvreté. En Autriche, il y a déjà presque quarante ans que les avortements sont soumis au régime privé, sans augmentation des avortements illégaux ou des risques de pauvreté.» D'autre part, «des études menées aux États-Unis montrent que, quand l'avortement est financé de manière privée, la sexualité est considérée avec plus de conscience et de responsabilité individuelle».
Chaque citoyen devra ainsi peser le pour et le contre, au milieu d’un débat qui promet de l’animation. Comme chaque modification constitutionnelle, l'initiative soumise en votation le 9 février 2014 devra obtenir une double majorité de «oui» à la fois du peuple et des cantons pour être acceptée.