Au cours de sa visite en Russie, l’archevêque de Milan, le cardinal Angelo Scola, dresse un portrait robot du laïc tel que l’Eglise le conçoit
13/11/2013
Décrire les fidèles laïcs à partir de l’enseignement de Vatican II implique que l’on considère leur identité en termes de «vocation et mission» (cf. Christifideles Laici, 2, 8-9.)
Le laïc, en effet, reçoit son identité dans le baptême ordonné à l’Eucharistie qui fait de lui un membre du Corps du Christ, et donc l’enracine, essentiellement et existentiellement, dans l’appartenance à l’Eglise, l’envoyant dans le monde en tant que témoin:
« L’insertion dans le Christ au moyen de la foi et des sacrements de l’initiation chrétienne est la racine première qui crée la nouvelle condition du chrétien dans le mystère de l’Eglise…, qui est à la base de toutes les vocations et du dynamisme de la vie chrétienne des fidèles laïcs…. Ainsi donc, ce n’est que par l’exploitation des mystérieuses richesses que Dieu donne aux chrétiens dans le baptême qu’on peut dessiner la «figure» du fidèle laïc. » (ChL 9).
En résumé, cette affirmation, bien comprise, révèle le contenu du ‘caractère séculier’ propre et particulier du fidèle laïc: « Dans le concret, le Concile parle de la condition des fidèles laïcs en la désignant, avant tout, comme l’endroit, « le lieu » où l’appel de Dieu leur est adressé: «C’est là qu’ils sont appelés ».
Il s’agit ici d’un «lieu» présenté en termes dynamiques. Les fidèles laïcs « vivent au milieu du siècle, c’est-à-dire engagés dans tous les divers devoirs et travaux du monde, dans les conditions ordinaires de la vie familiale et sociale dont leur existence est comme tissée» ”. (…)Le « ’monde’ devient ainsi le milieu et le moyen de la vocation chrétienne des fidèles laïcs, parce qu’il est lui-même destiné à glorifier Dieu le Père dans le Christ.» (ChL 15).
« Où nous envoie Jésus ? Il n’y a pas de frontières, il n’y a pas de limites», avait lancé aux jeunes le Pape François, lors de la Messe pour la XXVIIIème Journée mondiale de la jeunesse (28 juillet 2013). C’est qu’en effet le témoin, quand il est authentique, donne toujours de la place à son interlocuteur et à toutes ses questions, quelles qu’elles soient. Le témoin n’est certes pas quelqu’un qui répète des théories ou des doctrines toutes faites, mais qui vit les mêmes questions que son interlocuteur, parce qu’il baigne dans le même milieu qui est le monde. En effet, il n’y a pas de questions de nos contemporains qui ne soient pas nôtres; les “périphéries existentielles” – pour reprendre l’expression du Pape François – sont d’abord les frontières de notre propre expérience humaine.
Avec une belle expression, Benoît XVI approfondit la dynamique du témoignage en déclarant que celui-ci «est le moyen par lequel la vérité de l’amour de Dieu rejoint l’homme dans l’histoire, l’invitant à accueillir librement cette nouveauté radicale. Dans le témoignage, Dieu s’expose, pour ainsi dire, au risque de la liberté de l’homme» (Sacramentum Caritatis 85).
Cette précision de Benoît XVI – « Dieu rejoint l’homme dans l’histoire » – est capitale. En effet, le témoignage se réfère à une partie de la physionomie constitutive du chrétien en tant que disciple du Christ. Mais, d’autre part, elle caractérise la dimension laïque de l’Église tout entière, et donc aussi le caractère séculier spécifique des fidèles laïcs, comme une réalité il n’est pas possible de déterminer à l’avance dans l’abstrait.
Jean-Paul II disait: « Comme l’affirme Paul VI, l’Eglise «a une authentique dimension séculière, inhérente à sa nature intime et à sa mission, dont la racine plonge dans le mystère du Verbe Incarné, et qui s’est réalisée sous des formes diverses pour ses membres » (Christifideles laici, 15).
L’Eglise, en effet, vit dans ce monde, même si elle n’est pas de ce monde (cf. Jn 17, 16), et elle est envoyée pour continuer l’œuvre rédemptrice de Jésus-Christ; cette œuvre, «qui concerne essentiellement le salut des hommes, embrasse aussi le renouvellement de tout l’ordre temporel ».
Il est certain que tous les membres de l’Eglise participent à sa dimension séculière; mais cela de façons diverses. En particulier la participation des fidèles laïcs a une modalité de réalisation et de fonction, qui, selon le Concile, leur est «propre et particulière»: c’est cette modalité que l’on désigne du nom de «caractère séculier»…
… Dans ce contexte, parler de « caractère séculier », équivaut à parler de la mission de l’Eglise et, par conséquent, des fidèles laïcs, comme intrinsèquement marquée par l’histoire. La question sur l’identité des fidèles laïcs, devient donc essentiellement pratique. Il s’agit d’identifier comment aujourd’hui le « caractère séculier » de l’Eglise et donc des fidèles laïcs, doit être déclinée. Autrement dit identifier les caractéristiques essentielles de la mission ecclésiale des fidèles laïcs au début du troisième millénaire chrétien.
C’est ici que devient capitale la question de la vocation –mission des fidèles laïcs en Russie. Les laïcs sont appelés à témoigner au monde de la beauté de leur foi. Ce témoignage intégral, toujours historiquement situé, est aussi en vertu de son ‘caractère’ séculier’, le plus grand cadeau que nous pouvons offrir à nos frères et sœurs pour construire une bonne vie personnelle et sociale.
Article traduit par Elisabeth de Lavigne