Les cellules souches adultes sauvent des vies, celles des embryons non… le contraire
08/11/2013
L’Eglise est ouverte à l’utilisation de cellules souches adultes qui ont déjà apporté la preuve de leur efficacité thérapeutique dans le domaine de la médecine régénérative et dans de nombreuses thérapies prometteuses pour soigner et sauver des vies, sans compter qu’elles ne soulèvent pas d’interrogations au plan éthique. En revanche, non seulement il n’existe pas de thérapies à partir des cellules souches embryonnaires et elles n’en sont même pas à l’état expérimental, car ingérables (en raison de leur instabilité) et souvent à l’origine de tumeurs, mais encore elles conduisent à la destruction de vies humaines au tout premier stade du développement.
A l’heure actuelle, l’unique perspective concrète de thérapie cellulaire chez l’homme reste les cellules souches dites adultes, qui trouvent des applications thérapeutiques et des expérimentations cliniques et ne posent pas, au plan éthique, de problèmes spécifiques.
Pour compenser la détérioration continue des cellules matures des tissus et, par conséquent, la rapide et inexorable dégénération de tous les organes, la nature a mis au point des systèmes. Ce travail, souvent frénétique, d’entretien du corps dont nous n’avons même pas conscience est, en effet, accompli par les cellules dites somatiques ou tissu-spécifiques, appelées aussi cellules « adultes », qui apparaissent déjà dans les phases plus tardives du développement du fœtus. Les cellules souches somatiques sont des cellules présentes dans les tissus du corps humain. Des cellules souches adultes ont été découvertes dans le sang du cordon ombilical, du placenta, de la moelle osseuse chez les adultes, dans le cerveau et dans de nombreux autres tissus et organes de l’adulte.
Ce sont donc des cellules encore indifférenciées capables de se multiplier presque indéfiniment tout au long de la vie et de donner naissance à plusieurs types de cellules spécialisées – hématiques, épithéliales, osseuses, etc. – assez pour régénérer et réparer les tissus et les organes éventuellement endommagés.
Depuis toujours, l’Eglise se prononce en faveur des cellules souches adultes, parce que leur utilisation a permis d’obtenir des résultats prometteurs dans le traitement de nombreuses maladies également dégénératives comme la maladie de Parkinson, dans le cas de brûlures, même très étendues, avec guérison complète – et aussi parce qu’elles ne soulèvent pas de problèmes éthiques. Les facteurs positifs liés aux cellules souches adultes sont innombrables : tout d’abord, répliquées in vitro à partir de « cellules mères » du récepteur même et reconnues par celui-ci comme lui étant propres, c’est-à-dire génétiquement compatibles, elles ne suscitent pas de phénomène de rejet. Le prélèvement de cellules souches adultes ne comporte donc aucun risque pour l’intégrité physique et la vie de la personne sur laquelle elles sont prélevées.
Spécifiquement, les cellules souches de la moelle osseuse sont à l’origine de plus de quatre-vingt applications thérapeutiques (régénération du myocarde, du muscle squelettique, correction d’altérations du système nerveux central) et d’environ trois cents expérimentations cliniques. Elles possèdent une haute capacité de différenciation, mais peuvent aussi faire l’objet d’une greffe autologue ou autogreffe (le donneur et le receveur sont la même personne). Elles ne suscitent pas de réactions de rejet à la suite d’une greffe hétérologue (le donneur et le receveur ne sont pas la même personne), même parmi des espèces différentes (les cellules humaines peuvent coexister, par exemple, avec celles de la souris), permettant ainsi l’expérimentation sur des modèles in vivo.
En outre, ces cellules ont été trouvées également dans des fœtus après des avortements spontanés. Dans ce dernier cas, comparable à celui d’un prélèvement d’organes sur des adultes une fois la mort constatée, les prélever sur des fœtus après des avortements spontanés ne saurait en aucun cas porter atteinte au droit de l’embryon d’être considéré comme un être humain vivant digne, comme nous-mêmes, de respect et de protection. Le rejet à la suite d’une greffe de ce type de cellules est pratiquement nul et elles peuvent se multiplier jusqu’à former un nombre considérable de cellules in vitro.
Très utilisées également, les cellules de cordon ombilical sont préposées au développement de thérapies pour les maladies du sang. Ces cellules souches sont également moins sujettes à des réactions de rejet et on peut les isoler des cordons ombilicaux venant d’un don et les conserver dans des « banques de stockage » appropriées. Il y a des limites à leur utilisation, la principale étant qu’elles ne sont pas disponibles en quantité suffisante.
Concrètement, elles sont suffisantes pour réaliser des opérations chez des patients d’âge pédiatrique, mais seulement rarement, pour des greffes sur des individus adultes. Les cellules souches du cordon ombilical soulèvent des problèmes d’ordre éthique liés à leur conservation, leur utilisation et leur destination.
En effet, il est un principe bien établi et toujours valable, selon lequel le commerce ou la spéculation économique sur des cellules, tissus ou organes humains, n’est pas autorisé. En outre, destiner les cellules souches du cordon ombilical exclusivement à un usage autologue ne ferait que favoriser la diffusion de bio-banques privées et la spéculation commerciale sur ce type de cellules, sans perspectives thérapeutiques réalistes. A l’évidence, les recueillir et les conserver dans des structures publiques offrent également l’avantage de créer une réserve beaucoup plus importante de cellules souches issues du cordon ombilical, dont pourraient bénéficier tous les malades, fortunés ou pas, y compris les donneurs et leurs consanguins.
En revanche, les cellules souches embryonnaires n’ont pas donné jusqu’à ce jour de résultats thérapeutiques appréciables, pas même sur les animaux. En outre, leur découverte requiert le sacrifice conscient et prémédité d’embryons humains, auxquels la droite raison et, encore plus, la science reconnaissent la pleine dignité d’êtres vivants.
Les cellules souches embryonnaires sont, en revanche, beaucoup plus “plastiques” (flexibles) que les cellules adultes. Elles ont une capacité à se différencier spontanément en différents types cellulaires spécialisés, car leur fonction est de donner un individu complet. Mais pour les obtenir, les conditions suivantes sont nécessaires : 1) la production d’embryons humains et/ou l’utilisation des embryons « surnuméraires », provenant de la fécondation in vitro, ou de la cryoconservation ; 2) leur développement jusqu’au stade de blastocyste initial, autrement dit lorsqu’il est constitué d’environ 80-160 cellules ; 3) le prélèvement de cellules, environ 30-40, au cinquième-sixième jour du développement, opération qui provoque l’arrêt du développement embryonnaire et la destruction de l’embryon ; 4) la mise en culture de ces cellules qui conduit à la formation après leur multiplication de colonies de « lignées cellulaires », cellules autonomes capables de se multiplier indéfiniment pendant des mois et des années.
A présent, même si les premières lignées cellulaires embryonnaires ont été découvertes en 1961 et qu’on a réussi à les multiplier en culture, elles n’offrent aucune application thérapeutique en l’état actuel de la recherche. En effet, malgré les années, le gaspillage d’intelligence et de capitaux par de grandes entreprises, nous en sommes encore, dans ce domaine de recherche, au stade de l’expérimentation sur les animaux et, même alors, leur utilisation se révèle hautement risquée. En effet, certaines études ont permis de constater qu’un nombre très élevé de cellules souches embryonnaires transplantées sur des rats affectés de la maladie de Parkinson se reproduisait de façon incontrôlée, donnant naissance à des formes tumorales.
A quoi il faut ajouter que les cellules souches embryonnaires, indépendamment de l’embryon sur lequel elles sont prélevées, appartiennent à un individu génétiquement différent du receveur, et reconnues par celui-ci comme ne lui étant pas « propres », et donc elles seront rejetées. En outre, il arrive souvent que des cellules souches embryonnaires humaines soient mises en culture sur une couche nourricière de cellules provenant du rat, comportant donc un risque de contamination qui, dans le cas d’une greffe sur un être humain, déclencheraient une réaction immunitaire.
Les problèmes se multiplient donc si on considère les risques élevés de défauts ou d’altérations dans le développement des embryons humains produits à l’aide des techniques de fécondation extracorporelle (in vitro), pour lesquelles une augmentation significative d’instabilité et d’altérations génétiques a été constatée. Par conséquent, si l’embryon au stade du blastocyste (stade dans lequel s’effectue le prélèvement des cellules souches) présente ces anomalies, il est très probable que les cellules de sa masse cellulaire interne présenteront également les mêmes anomalies.
Les cellules souches embryonnaires posent, en outre, de nombreux problèmes d’ordre pratique : en effet, il faut disposer d’une grande quantité d’embryons surnuméraires pour les utiliser, et d’un grand nombre d’ovocytes féminins pour parcourir la route du clonage – de façon à assurer la réserve embryonnaire -. Il y a aussi le problème du sort des embryons surnuméraires qui ne sont pas employés dans la recherche. Un problème qui n’est pas facile à résoudre, tant et si bien qu’il y a ceux qui penchent pour l’adoption et ceux qui considèrent qu’il faut décongeler ces embryons et les laisser mourir en culture, ou encore les cryoconserver indéfiniment. Les aspects éthiques qui freinent principalement la recherche concernent le statut de l’embryon, qui est un sujet pleinement humain dès le premier moment de sa conception.
Au jour d’aujourd’hui, les biologistes du développement s’accordent presque tous à penser que la fusion de deux gamètes donne naissance à un nouvel individu, qui porte en soi inscrit un nouveau projet de vie bien défini, et qui dès les premiers instants et de façon autonome, instant après instant et sans discontinuité, se développe selon le plan programmé dans son génome. Et donc un individu pleinement humain, auquel on doit reconnaître les droits fondamentaux dont jouit tout nouveau-né, parmi lesquels en premier lieu le droit à la vie, à l’intégrité physique, aux soins, à la vie privée. Enfin, l’utilisation des embryons pour la recherche nécessiterait le consentement éclairé du sujet de l’expérimentation. Mais dans ce cas, qui serait le sujet mandaté pour donner l’autorisation ?
Mais, par ailleurs, comme le rappelle la Congrégation pour la doctrine de la foi (Instruction Dignitas Personae, n.32), l’extraction et l’utilisation de cellules souches d’embryons produits à l’aide de techniques de fécondation et qui sont morts par avortement spontané, ou de fœtus morts de mort naturelle, ne posent pas de problèmes moraux.
La seule objection soulevée tient à la nécessité d’exclure tout rapport de causalité entre le prélèvement de cellules souches embryonnaires et l’avortement, ou tout type de complicité entre le groupe de biologistes et de médecins qui produisent en éprouvette l’embryon et l’équipe biomédicale qui utilisera les cellules souches embryonnaires. Sur ce point, l’Instruction Donum vitae est très claire, quand elle affirme : « Les cadavres d’embryons ou foetus humains, volontairement avortés ou non, doivent être respectés comme les dépouilles des autres êtres humains. En particulier, ils ne peuvent faire l’objet de mutilations ou autopsies si leur mort n’a pas été constatée, et sans le consentement des parents ou de la mère. De plus, il faut que soit sauvegardée l’exigence morale excluant toute complicité avec l’avortement volontaire, de même que tout danger de scandale» (cf. Donum vitae, I, 4).
A ceux qui soutiennent qu’entraver la recherche à partir de cellules souches embryonnaires, pour des raisons d’ordre éthique, c’est assécher un filon prometteur de l’expérimentation scientifique, il est utile de rappeler que les chercheurs ont réussi à créer des techniques pour “rajeunir” les cellules souches adultes de façon à former des cellules dotées de caractéristiques similaires à celles embryonnaires.
Dans son ouverture à l’utilisation de cellules souches embryonnaires adultes, l’Eglise intervient non pas à partir de dogmes de foi, mais soucieuse de protéger la vie plus vulnérable et d’accompagner le chemin du progrès technologique en vue de la réalisation du bien-être réel de l’homme.
Ainsi donc, la position qui est celle de l’Eglise catholique depuis toujours face à la recherche orientée sur la destruction d’embryons humains est enracinée dans le respect des valeurs humaines fondamentales, comme le clarifie expressément l’Instruction Donum Vitae, quand elle affirme que l’intervention du Magistère, même en ce domaine, « s’inspire de l’amour qu’elle doit à l’homme, en l’aidant à reconnaître et à respecter ses droits et ses devoirs ».
Pour l’Eglise, les embryons ne sont pas réductibles à un matériel de laboratoire dans une logique utilitariste qui réduit l’être humain dans les premières phases de sa vie à n’être qu’un simple amas de cellules, dont l’adulte peut tirer à son gré le maximum de profit, substituant ainsi les exigences de la recherche scientifique à la dignité absolue et inconditionnelle de tout être humain.
Dans sa Déclaration sur la production et l’usage scientifique et thérapeutique des cellules souches embryonnaires humaines, l’Académie pontificale pour la vie affirme que l’embryon humain vivant est – à partir de la fusion des gamètes – un sujet humain avec une identité bien définie qui a droit à sa vie propre. Aucune fin considérée comme bonne, telle l’utilisation de ces cellules en vue de traitements thérapeutiques, ne peut justifier une telle intervention. « Une fin bonne – précise la Déclaration – ne rend pas bonne une action en soi mauvaise ».
Dans son message aux participants du Congrès international « Cellules souches adultes : la science et l’avenir de l’homme et de la culture », en novembre 2011, Benoît XVI a mis en garde contre certains risques, observant que « la mentalité pragmatique qui influence souvent la prise de décision aujourd’hui est trop incline à prendre tous les moyens disponibles pour obtenir la fin souhaitée, malgré l’évidence des conséquences désastreuses de cette façon de penser. Quand la fin est tellement désirée, comme la découverte d’un traitement pour les maladies dégénératives, il est tentant pour les hommes politiques et les médecins de laisser de côté les objections éthiques et de continuer d’aller de l’avant avec n’importe quelle recherche paraissant offrir quelques possibilités de progresser. »
Cependant, a expliqué le pape, la liberté de la science ne peut être absolue, d’où il ressort que « le dialogue entre science et éthique est de la plus haute importance pour s’assurer que les progrès de la médecine ne se fassent jamais à un coût humain inacceptable. »