Il aurait manipulé sa réélection. L’Eglise doit se plier aux lois civiles et pénales du pays, explique le père Filippo Di Giacomo, expert en droit canon.
08/11/2013
« C'est avec une grande surprise et une profonde douleur que nous apprenons que notre Supérieur général a été arrêté par la Garde des Finances italienne pour répondre de faits qui lui sont attribués. Nous vivons ce moment dans la prière et dans la confiance que toute la lumière sera faite sur cette affaire. Nous invitons les frères et la grande famille de Saint Camille de Lellis à s’unir à nous dans la prière pour notre Père Général ».
C’est par ces mots que le Vicaire général des Camilliens, le père Paolo Guarise, a annoncé l’arrestation du Père Renato Salvatore, Supérieur général de l’Ordre, réélu en mai dernier et que nous avions interviewé quelques mois après la reprise des activités liées au IVème centenaire des Camilliens. Le point litigieux est justement la procédure de sa réélection (il avait élu une première fois en 2007) à la tête de l’Ordre.
Le Père Renato est accusé par les Fiamme Gialle (Les Flammes jaunes, club sportif de la Guarda di Finanza, la Garde des finances italienne), d’avoir fait “séquestrer” deux prêtres de son ordre, censés participer à l'élection du Chapitre Général. Deux voix clé, qui auraient empêché l’élection du père Salvatore, le 13 mai dernier, à la Maison du Divin Maître à Ariccia. Pour éviter leur participation au vote, le père Renato les aurait écartés en organisant un faux contrôle et leur arrestation par la police judiciaire. (Avvenire, 6 novembre)
Les enquêteurs se sont concentrés sur le rôle joué dans cette intrigue par le comptable Paul Oliverio, 47 ans, impliqué par le passé dans plusieurs affaires, notamment: l'enquête sur l'ancien conseiller de la Région du Latium , Lazio Vincenzo Maruccio (arrêté il y a un an pour détournement de sommes colossales , et qui a signé de nombreux virements en sa faveur), l’affaire des éoliennes de Sardaigne…, celle sur les comptes courants « gérés au Liechtenstein au nom de Renato Squillante et Attilio Pacifico etc.. » (Corriere della Sera, 6 novembre)
Que va-t-il se passer maintenant pour les Camilliens qui se retrouvent, du jour au lendemain, « décapités » ? Nous avons posé la question au père Filippo Di Giacomo, journaliste de la Rai et expert en droit canon, observateur attentif des phénomènes Vatican et collaborateur de plusieurs journaux nationaux.
Père Filippo Di Giacomo: « En droit canon le vide du pouvoir n'existe pas. Lorsque le siège est vacant ou empêché, le vicaire général prend la place. Le problème est que si ce que nous lisons dans les journaux est vrai, alors le chapitre général a été faussé et donc le Saint-Siège va déclarer le chapitre en cours nul et non avenu. S’il est déclaré nul et non avenu, alors même les élections contextuelles du Vicaire et des conseillers seraient sans valeur ».
Alors que va-t-il se passer?
« S’il s’agissait d’un diocèse, un administrateur apostolique serait nommé. Dans le cas présent un commissaire pontifical devrait être désigné, sa charge expirant avec la constitution du nouveau chapitre. Ce pourrait être un religieux de l'Ordre ou d’ordres similaires. Dans le cas des Légionnaires du Christ, le commissaire pontifical a été un cardinal, mais ce n'est pas la règle. »
L'affaire est actuellement entre les mains des autorités civiles, il appartiendra aux autorités judiciaires de décider si et comment procéder. Mais que va faire l'Église au regard de la loi civile ?
« Une des structures les plus importantes du droit canon 1983 est la "canonisation des lois civiles.". En vertu de quoi, selon le droit canonique, les lois civiles et pénales du pays dans lequel se déroulent tous les faits juridiques doivent être observées comme siennes, par conséquent une éventuelle condamnation dans ces cas serait pour l’Eglise la preuve d’un fait qui s’est réellement passé. »