Cohabitation, couples non mariés, mariage homosexuel… Le Vatican a fait parvenir à tous les évêques du monde une batterie de questions qui abordent des thèmes explosifs.
Andrea Tornielli
Comment les chrétiens divorcés remariés vivent-ils « leur irrégularité » ? En sont-ils conscients ? Se sentent-ils marginalisés et vivent-ils avec souffrance l’impossibilité de recevoir les sacrements?».
Ce sont quelques-unes des 39 questions du questionnaire joint au court document préparatoire du Synode extraordinaire consacré aux défis de la pastorale familiale que le Pape François a convoqué du 5 au 19 octobre 2014.
Comme le souligne Andrea Tornielli, la décision de François d’écouter la voix des fidèles sur des thèmes aussi délicats est « absolument inédite ». Et l’attente est immense sur les choix qui seront faits, notamment concernant les chrétiens divorcés.
Voici la traduction des commentaires du vaticaniste italien Andrea Tornielli dans Vatican Insider du ler novembre 13 :
« Le Pape François souhaite consulter directement les Eglises locales, afin de faire face aux « défis pastoraux sur la famille ».
Les évêques de Grande-Bretagne et des Etats-Unis, par exemple, ont décidé de diffuser largement le questionnaire dans les paroisses, demandant à chacun de faire parvenir leurs propositions et suggestions.
Dans les premières lignes du document est décrite la nouvelle méthodologie à suivre pour les travaux afin de rendre plus efficace le Synode lui-même et de l’impliquer davantage. La première étape sera l’assemblée extraordinaire en octobre 2014, qui devra « faire le point » sur la situation et récolter « les témoignages et propositions des évêques ».
La deuxième étape sera le Synode ordinaire de 2015, « pour définir les lignes opérationnelles en matière de pastorale de la personne humaine dans la famille ».
Le document, parvenu ces jours-ci aux évêques du monde entier, commence par évoquer les « problématiques inédites » apparues ces dernières années, comme la diffusion des unions libres de fait, « qui n’ont pas accès au mariage et parfois en excluent même l’idée », l’union entre personnes de même sexe et « dans certains cas, l’adoption d’enfants par ces couples ».
Il est aussi question des mariages mixtes ou interreligieux, des familles monoparentales, « forme de féminisme hostile à l’Eglise», du phénomène croissant des « mères de substitution » ou « mères porteuses » (qui louent leur utérus).
Et surtout, « dans le cadre plus étroitement ecclésial, de l’affaiblissement ou de l’abandon total de la foi » dans le sacrement du mariage et du « pouvoir de guérison » de la confession.
Il y a donc urgence pour les évêques du monde entier de tourner leur attention sur ces problèmes.
« Si par exemple on considère – lit-on dans un paragraphe significatif du document – que, dans le contexte actuel, un grand nombre d’enfants et de jeunes, nés de mariages irréguliers, pourront ne jamais voir leurs parents s’approcher des sacrements, on comprend mieux l’urgence des défis que pose à l’évangélisation la situation actuelle…
Cette réalité a une singulière correspondance dans le large accueil réservé de nos jours à l’enseignement sur la miséricorde divine et sur la tendresse à l’égard des personnes blessées: les attentes qui en découlent quant aux choix pastoraux sont immenses ».
Bref, le document, qui porte la marque du Pape, parle de grandes attentes pour une pastorale renouvelée à l’égard des « personnes blessées ». Il ne ferme pas les portes ni ne réduit le tout à la simple liste des positions doctrinales déjà connues.
La deuxième partie du document énumère sur trois pages les fondements bibliques et le magistère de l’Eglise sur le thème du mariage et de la famille. Après ce rappel, viennent
38 questions. Elles portent sur la diffusion et la réception de l’enseignement de l’Eglise sur la question: quelles sont les difficultés dans la mise en pratique, et jusqu’à quel point cet enseignement figure-t-il dans les programmes pastoraux à tous niveaux. Et aussi quels sont les points les plus contestés dans la pratique et refusés hors des milieux ecclésiaux.
Certaines de ces questions portent sur la « loi naturelle».
Le Synode veut savoir par exemple «si des baptisés non pratiquants, ou qui se déclarent non croyants, réclament la célébration d’un mariage, comment affronter les défis pastoraux qui en découlent ? »
Viennent ensuite des questions sur la pastorale de la famille et l’accompagnement des couples en crise. Les évêques sont interrogés sur leur approche pastorale de certaines « situations matrimoniales difficiles », le point qui soulève le plus grand nombre de questions: la cohabitation est-elle une réalité importante ? A quel pourcentage pourrait-on l’estimer ?
Comme aussi en ce qui concerne les unions libres. Les séparés et les divorcés remariés sont-ils une réalité pastorale importante dans l’Eglise ? Et « Comment fait-on face à cette réalité à travers des programmes pastoraux adaptés ? ».
Et encore : « Comment les baptisés vivent-ils leur irrégularité ? En sont-ils conscients ? Manifestent-ils simplement de l’indifférence ? Se sentent-ils marginalisés et vivent-ils avec souffrance l’impossibilité de recevoir les sacrements ? »
Et aussi : « Quelles sont les requêtes que les personnes divorcées et remariées adressent à l’Eglise à propos des sacrements de l’Eucharistie et de la Réconciliation ? Parmi les personnes qui se trouvent dans ces situations, combien réclament ces sacrements?».
Particulièrement significative la question sur la nullité du lien matrimonial : « L’assouplissement de la pratique canonique relative à la reconnaissance de la déclaration de nullité du lien matrimonial pourrait-il offrir une réelle contribution à la solution des problèmes des personnes impliquées ? Si oui, comment ? »
Une voie, celle de l’allègement des causes de nullité, invoquée d’abord par Benoît XVI et ensuite par François lui-même lors de l’interview qu’il avait accordée aux journalistes, en juillet dernier, sur le vol de retour de Rio de Janeiro. A cette occasion le Pape, lui aussi, avait mentionné la pratique en vigueur dans les Eglises orthodoxes, qui bénissent dans certains cas les deuxièmes mariages après un chemin de pénitence.
« Existe-t-il une pastorale pour venir à la rencontre de ces cas ? Comment est annoncée aux séparés et divorcés la miséricorde de Dieu, et comment se traduit en acte le soutien de l’Eglise à leur chemin de foi? ».
Le questionnaire s’arrête sur les unions de personnes de même sexe :
« Quelle attention pastorale est-il possible d’avoir envers les personnes ayant choisi de vivre ce type d’union ? »
Et ensuite, interroge le document romain, « Dans le cas d’unions de personnes du même sexe qui ont adopté des enfants, quelle attitude pastorale adopter en vue de la transmission de la foi? ».
Viennent enfin des questions concernant la doctrine de l’encyclique «Humanae vitae» de Paul VI et la contraception.
« L’enseignement du Pape Montini est-il connu, est-il accepté ? Et « Comment promouvoir une mentalité davantage ouverte à la natalité? ».
Il est intéressant de noter que la dernière question concerne la mention d’autres défis et propositions sur ces thèmes signalés comme urgents par les destinataires, mais qui ne figurent pas dans le questionnaire.
Bref, le travail s’annonce énorme et impliquant. Il témoigne clairement de la volonté d’apporter des réponses face au schisme silencieux des baptisés, désormais très nombreux, exclus des sacrements parce que vivant en concubinage ou divorcés remariés.
Questionnaire Synode des Evêques
Article traduit de l’italien par Elisabeth de Lavigne