separateurCreated with Sketch.

Daniel Facérias pour une « Insurrection de La Beauté »

whatsappfacebooktwitter-xemailnative
aleteia - Jesús Colina - publié le 01/11/13
whatsappfacebooktwitter-xemailnative

Un livre-manifeste de Daniel Facérias, auteur-compositeur-interprète, pour retrouver la source et la finalité de l’art face à la profanation de la beauté.
Notre temps semble parfois être celui de la beauté profanée. Daniel Facérias, auteur-compositeur-interprète chrétien et créateur de grands spectacles vivants, signe un manifeste engagé pour retrouver la source et la finalité de tout art : un chemin libre et fécond vers Dieu : « Insurrection de la Beauté » (Le Passeur, octobre 2013, 240 p).  Il répond à nos questions.
 
 
Pourquoi ce mot : "insurrection" ?

Daniel Facérias : En latin, ce mot indique l’action de s’élever puis de se lever.  Associé à la beauté, ce terme d’insurrection prend un sens  particulier celui d’une sorte de révolte vitale, d’une nécessité absolue de redécouvrir la beauté dans un monde livré à la culture du mensonge et de la laideur.
 
Il y a une dimension résurrectionnelle qui est au cœur de chaque homme,  en creux comme une semence d’éternité ; pour ne pas sombrer dans la désespérance le monde a besoin de beauté (Paul VI). Et l’artiste y est peut être plus sensible que tout autre. L’art peut nous faire basculer ou dans la joie ou dans la désespérance selon qu’il se réfère çà une source ou pas. C’est cela le contenu du libre : quel est le but et la finalité de l’art ?
 
Le pape François a dit le 19 octobre dernier : « A chaque époque l’Église a fait appel aux arts pour exprimer la beauté de sa foi et pour proclamer le message évangélique de la magnificence de la création de Dieu, de la dignité de l’homme créé à son image et ressemblance, et du pouvoir de la mort et de la résurrection du Christ pour apporter salut et renaissance à un monde marqué par la tragédie du péché et de la mort »
 
Il avait dû lire mon livre… En plus, il s’est exprimé  le jour de mon anniversaire…. Bien entendu que l’enjeu est là. La beauté n’est ni l’esthétique, ni la joliesse. Il s’agit de la beauté de Dieu, la beauté d’être image de Dieu. Le cardinal Poupard dit que la beauté est une personne car elle est l’Etre même de Dieu.
 
Ce que rappelle le Pape est crucial. Une société qui perd le sens du beau en tant que manifestation de la présence de Dieu dans le monde, est en danger. Une société qui laisse le culte de la laideur envahir même nos églises est en danger de mort. Je n’ai jamais vu la laideur rendre heureux, émerveiller, rendre amoureux. La beauté oui.   Une société qui magnifie l’ego qui fait de chaque petit chanteur une star, qui se forge dans la laideur des idoles est malade. Dostoïevski dans « l’Idiot » pose cette question par l’un des personnages : la beauté peut elle sauver le monde ? Il répond oui, à condition qu’elle s’accompagne de la bonté et de la charité. Cette dimension « trinitaire » est celle de Dieu; elle reflète la Trinité jusque dans notre cœur, et c’est cette Beauté qui sauvera le monde pas celle des top models et des produits publicitaires.
 
Pour vous la beauté, c’est aussi la dignité de l’homme ?

Oui, dans mon livre je consacre un chapitre à Mère Teresa car je considère qu’elle est une missionnaire de la beauté. Pourquoi ? Par l’amour qu’elle donne au plus pauvre des pauvres afin qu’il recouvre sa dignité et le sens vertical de son être ; elle le rend à la beauté de Dieu et elle agit comme une artiste qui, par touches, va révéler l’œuvre de Dieu. L’artiste découvre la création comme mère Teresa, par son toucher d’amour, révèle le visage de Dieu enfoui dans le plus souffrant.
 
Dans votre livre, vous faites un constat douloureux de la situation de l’art et des artistes aujourd’hui…

L’art comme l’homme  post moderne a perdu la boussole. Il a perdu le sujet. L’artiste se raconte, s’exhibe; le sujet c’est lui, son ressenti ses émotions, ses jouissances, ses souffrances. L’art, dans son origine, ce n’est pas ça. Prenez les peintures des grottes de Lascaux ou d’Altamira et vous comprendrez ce qu’est l’art. Le peintre de Lascaux ne raconte pas ses bobos ou ses extases matérialistes, il  pose un acte d’être. Le sujet c’est l’Etre, et pour faire court c’est Dieu qui donne le mouvement et l’être. Il ne s’agit pas d’un jugement passéiste porté sur l’art ou les artistes contemporains, mais le constat d’une désorientation. Il  convient de retrouver le sens, et cela passe parce que j’appelle un service de la beauté.
L’artiste doit servir et non pas se servir. Il est par vocation ontologique capable de créer mais pas pour s’en glorifier et pour devenir Narcisse mais pour servir le sens. Les grands artistes médiévaux ne signaient pas leurs œuvres car cela n’a aucune importance. La forme que l’artiste peut créer sur le moment n’est qu’un écrin où vient s’incruster une bénédiction voire même la présence de Dieu comme dans l’icône.
 
Quelle réponse donner à ce constat ?

L’histoire de l’art occidental est une réponse à ce constat. Jusqu’au Quattrocento, le sujet est le Sujet et plus précisément l’Incarnation. Toutes les œuvres dans toutes les disciplines traduisent le mystère du Dieu fait homme et de cet appel inouï à la sainteté, à la divinisation. L’artiste ne se raconte pas, il raconte l’Etre, car l’art est un acte  vital, une question de vie et de mort. Rendez vous compte que les hommes ont construit Notre- Dame de Paris non pas pour caresser leur ego dans le sens du poil ou pour la presse people mais pour manifester la Beauté divine…. Et si cela n’avait pas ancré par ces œuvres le cœur de notre civilisation, la décadence de l’Empire romain aurait laissé le chiendent envahir les ruines. C’est cela l’enjeu : redonner le sens et son sujet à l’art et à la Beauté qui sont aussi indispensables à l’homme que la respiration…
Il faut recommencer humblement à réunir les artistes, à les former, à les remettre à la prière, à leur faire découvrir ce qu’ils sont : participants du corps du Christ. Il faut leur apprendre que leur geste ne leur appartient pas, qu’ils sont par leur savoir-faire des serviteurs ; et s’ils sont maîtres à leur tour, c’est pour être d’autant plus serviteurs.
 
Et l’Eglise ? Peut-elle se passer de l’art ?

Dans ce livre je replace les choses dans l’ordre. Les artistes sans l’Eglise ne sont rien que des électrons libres gonflés d’autosuffisance et l’Eglise sans les artistes est privée du support indispensable à son message et à sa vie, comme le dit le pape François. Au fil des pages, j’explique comment ils sont indissociables ; ils sont la complémentarité qui a créé les chefs-d’œuvre que nous connaissons. Pour moi c’est une grande espérance. Aujourd’hui nous sommes bien bas mais nous ne pouvons pas descendre plus bas. Nous ne pouvons que remonter et cette insurrection cette remontée devrait permettre de rendre l’Eglise, c’est à dire le Sujet aux artistes et les artistes à l’Eglise.
 
Votre conclusion est optimiste…

Mieux qu'optimiste ! C’est l’espérance folle de voir l’insurrection de la Beauté transfigurer nos vies tristes et délétères, transfigurer le relativisme, l’indifférence et la décroyance. La beauté insurgée remplira de nouveau les églises car la liturgie retrouvée transpercera les cœurs et sera comme un sceau. La beauté insurgée changera les gestes quotidiens en gestes de partage de dignité et d’amour. Elle nous rendra libre car elle est la splendeur de la vérité.
 

Vous avez aimé cet article et souhaitez en savoir plus ?

Recevez Aleteia chaque jour dans votre boite e−mail, c’est gratuit !

Tags:
Vous aimez le contenu de Aleteia ?

Aidez-nous à couvrir les frais de production des articles que vous lisez, et soutenez la mission d’Aleteia !

Grâce à la déduction fiscale, vous pouvez soutenir le premier site internet catholique au monde tout en réduisant vos impôts. Profitez-en !

(avec déduction fiscale)
Newsletter
Vous avez aimé cet article et souhaitez en savoir plus ?

Recevez Aleteia chaque jour dans votre boite e−mail, c’est gratuit !