Des syriens et syriennes transforment leurs souffrances en armes « d’amour et de charité » avec l’aide du Service Jésuite des Réfugiés.
29/10/2013
Le déclenchement du conflit syrien, qui a débuté voici plus de deux ans, a affecté environ huit millions de personnes ; les prix alimentaires ont triplé, les coupures d'électricité sont constantes et la qualité de l’eau s’est détériorée tandis qu’ont été détruits des centaines d’hôpitaux, d’écoles et de maisons. Pourtant, c’est dans ce chaos destructeur que nous pouvons percevoir la véritable personnalité de quelqu'un, constate Wael Salibi sur le site du Service Jésuite des Réfugiés (JRS)* :
"(…) Certains se détournent de ceux qui ont désespérément besoin d’aide, d’autres décident de ne s’occuper que de ceux qu’ils aiment bien. Mais il y a aussi ceux qui font un pas de plus et découvrent comment gérer leur douleur. Peut-être ceux-là sont-ils paradoxalement ceux qui souffrent le plus, mais ils utilisent leur propre souffrance pour trouver la force d’aider ceux qui les entourent. Ces Syriens et Syriennes, mus par l'amour et la charité, sont les seuls vrais gagnants de la guerre.
Héros pour les enfants.
Claude Semaan est une de ces héroïnes. En avril 2012, cette femme de 30 ans a aidé à mettre en place dans la ville d’Homs le centre Al Mukhales du Service jésuite des réfugiés, un lieu d’orientation pour les enfants.
« Il est difficile de changer cette réalité et de leur redonner le sourire et la joie, mais le sourire d'un enfant suffit toujours à nous donner force et soutien », affirme Claude.
« A ce moment-là, il n'y avait pas de sécurité et nous avons commencé à travailler après une année où nous avons vécu enfermés dans nos maisons. Nous avions peur, nous nous sentions frustrés », se souvient-elle.
Le Service jésuite pour les réfugiés (plus connu sous son sigle anglais JRS) a lancé le centre après la fermeture des écoles à Homs. En plus des activités éducatives, psychosociales et récréatives proposées par le centre, les élèves reçoivent un repas léger et les familles, chaque mois, un panier de vivres.
Claude note que l’équipe avait dû créer le centre en urgence; en effet, dès les premiers jours, ont afflué une centaine d’enfants.
« Au début nous n’attendions aucun enfant, mais dès le premier jour, nous avons été surpris d’en avoir inscrit 64, et le lendemain 95 », a-t-elle ajouté.
Claude a expliqué que, le troisième jour, le centre a décidé d'utiliser un plus grand nombre de salles, même en doutant que beaucoup d’enfants seraient en mesure de venir en raison de la violence ambiante.
« Nous avions peur et sentions que nous n’avions pas assez d’expérience, mais il y avait en nous une formidable énergie», se souvient-elle.
« J’habite dans la rue de la mort »
Un jour, nous avons été réveillés par un bombardement et des coups de feu. Les lignes téléphoniques avaient été coupées. Alors je me suis rendue au monastère, craignant que des enfants soient venus et n’aient trouvé personne, a-t-elle raconté.
Mais Claude trouva tous les volontaires et 82 enfants, prêts pour les leçons. Lorsque j’ai demandé aux enfants pourquoi ils étaient venus, ils m’ont répondu qu’ils auraient été présents « même avec les bombes au-dessus de la tête ».
« Même quand la situation est réellement dangereuse, nous en profitons pour aller dans les abris et chanter à tue-tête jusque qu’à ce que tout soit fini. Nous avons une grande responsabilité, car l’école est un lieu de joie et de paix ».
Surmonter le traumatisme. Claude, qui s’est spécialisée dans le conseil aux étudiantes en université, a qualifié de « très grave » l’état mental des enfants à leur arrivée au centre.
Une fois, nous avons demandé à un enfant le nom de sa rue, il a répondu: « J’habite dans la rue de la mort » et lorsque, pour la première fois, nous avons demandé aux enfants de dessiner ce qui leur passait par la tête, ils ont dessiné des tanks, des armes et des cadavres.
Mêmes les chansons que les enfants chantaient parlaient du conflit et du régime. Il était difficile de leur enseigner la vie et l’amour.
Pourtant, après un an, Claude pense que les choses se sont améliorées puisque, depuis, ils dessinent des arcs-en-ciel et chantent des chansons plus sereines.
Depuis sa création, le centre a offert une assistance humanitaire à plus de 500 familles dans la zone urbaine de Homs, et a fourni éducation et soutien psychosocial à près de 900 enfants.
Avec la détérioration de la situation humanitaire, le JRS envisage d’accroître l’aide – alimentaire, au logement et sanitaire – à plus de 3 000 familles dans la ville. En outre, dans quatre centres, parmi lesquels Al Mukhales, quelque 1.000 autres enfants bénéficieront d’un soutien scolaire et des activités psychosociales.
En restant tous unis, les volontaires du JRS affrontent leur souffrance en offrant leur aide à ceux qui en ont besoin. Et même s’ils sont convaincus d’apporter une aide minimale, en réalité la souffrance qu’ils réussissent à transformer en action a un impact puissant.
*La pierre angulaire de la mission du JRS consiste à offrir des services holistiques et humains aux personnes déplacées de force. Des subsides, quels qu’ils soient, ne remplaceront jamais la chaleur de l’assistance donnée par un être humain à un autre. Le JRS reconnaît la dignité humaine chez les réfugiés à travers son accompagnement.
C’est cette approche directe et personnelle d’interaction individuelle et de coopération avec les réfugiés qui donne la détermination voulue aux réfugiés aussi bien qu’au personnel JRS.
Article traduit pour Aleteia par Elisabeth de Lavigne