Ce qui devait être un débat sur la laïcité au Québec prend de plus en plus les allures d’un règlement de compte contre la religion.
29/10/2013
Des articles de femmes influentes, comme Janette Bertrand et Lise Payette, voient dans la religion l’arme par laquelle les hommes dominent les femmes. Il faut donc s’en libérer, sinon c’est l’aliénation. Ce fut leur expérience des années 50 et 60, mais ce n’est pas nécessairement celles de toutes les femmes. Certaines se sont réapproprié leur religion, vivent avec joie leur engagement de foi. Si la société a changé, l’Église aussi, mais pouvons-nous le reconnaître, tant le malaise religieux est grand au Québec et les blessures profondes?
Le problème, ce n’est pas la religion, c’est ce qu’on en fait. Elle peut être source de domination ou de libération. On confond trop aisément intégrisme et religion. Bien sûr, on trouve de l’intégrisme dans toutes les religions, mais c’est très minoritaire, il n’y a pas que cela. La religion ne devrait être que de l’amour, sinon c’est une caricature, on l’instrumentalise à une autre fin. Il faut lutter contre cette perversion idéologique qui détourne la religion de son sens profond, celle de relier les êtres dans la prière, le pardon, la paix, le partage.
En voyant des femmes voilées dans la fonction publique, plusieurs craignent un retour en arrière. On ne bâtit pas une société libre sur la peur et l’ignorance. Osons le dialogue, écoutons ces femmes, posons des questions. Par exemple, est-il possible dans une Charte des valeurs québécoises de concilier égalité entre les sexes et liberté de religion, comme le recommande la Commission des droits de la personne du Québec qui conteste fortement ce projet de charte du gouvernement Marois ? L’État laïque n’a pas à prendre position pour une religion en particulier mais favoriser leur liberté d’expression, comme le rappelle Yves Boisvert dans sa chronique La Charte des valeurs dans le tordeur: "Voilà précisément le but de la laïcité de l’État: garantir la liberté de croire ou pas ce que chacun veut."
D’autres questions demeurent, comme je l’exprimais dans Ma réaction au manifeste des Janette. Comment revendiquer la variété d’expression et d’émancipation des femmes en imposant à des femmes musulmanes qui portent un hijab le modèle de la majorité ? Ce qui est soumission pour les unes est autonomie pour les autres. Comment juger ? N’y a-t-il pas dans ce laïcisme une forme d’intégrisme qu’on reproche aux autres?